Parlons « chiffons » !

Décidément ! … au moment où certains s’attachent à débattre gravement des « valeurs » qui servent de socle à la vocation militaire, l’Adefdromil ouvre sa tribune (« pauvre Bourbaki »…) à un article qui laisse apparaître des préoccupations beaucoup plus « terre à terre ».

Deux intervenants viennent l’un après l’autre et de façon différente y manifester leur désaccord avec le contenu de la lettre qu’a adressée le Général Bonnemaison à quelques uns de ses cadres de contact. Il s’est permis de leur souligner d’une façon ferme … et imagée que l’uniforme et l’entretien physique demeurent, aujourd’hui comme hier, des composantes de l’efficacité opérationnelle.

Je rappelle accessoirement que le Général Bourbaki lui même , avant de laisser son nom à une assez déplorable image , avait été un Officier général particulièrement brave , qu’il avait commandé la Garde impériale et remporté une des rares victoires de la Guerre de 70 à Villersexel … Mais on ne choisit pas son destin !

Dans la première intervention, le Major ELSAESSER nous précise d’emblée qu’il a toujours connu une Infanterie « à la traîne côté paquetage… » (à qui le dites vous …!), avant de passer en revue les insuffisances les plus criantes de l’équipement, qu’il met au compte (ils sont là pour ça …) du Commissariat et de Bercy. Ni le treillis ni les rangers, ne donnent satisfaction à ce cadre qui sait visiblement de quoi il parle et estime que la tenue au même titre que la discipline est un facteur de cohésion.

Mais c’est surtout la fin de « son billet » qui a retenu mon attention et je lui accorde personnellement mon assentiment et mon appui lorsqu’il estime que beaucoup de combattants qui n’étaient pas en tenue réglementaire ne s’en sont pas moins comportés glorieusement et « qu’il y a un temps pour se montrer et un temps pour combattre ». Il ne lui a pas échappé en particulier que le souci premier des soldats israéliens n’était pas l’élégance dans la tenue … et cependant ! Mais je l’approuve bien plus encore quand il affirme que « le statut de cocu » est celui que nos Hommes politiques semblent avoir attribué une fois pour toutes à ceux qu’ils ont coutume d’envoyer allègrement « au casse pipe » lorsque c’est nécessaire … avant de les couvrir d ‘avanies quelques années plus tard . Combien de jeunes français sont morts en Algérie en luttant, non pas pour leur plaisir mais « par devoir », contre ceux qui, désormais installés chez nous, célèbrent paisiblement leur victoire, sous forme de Fête nationale, de manière officielle, avec les honneurs de la Presse et la bénédiction de nos Gouvernants (le journal de Belfort du 7 novembre 2007 …) ? Personne n’en parle !

Suit une conclusion en forme de sentence : les plus belles « déculottées » de l’Armée française ont été prises alors qu’il « ne manquait pas un bouton de guêtre » … à méditer !

Le deuxième intervenant : « un officier de l’armée de terre », ne semble pas appartenir à la 11ième BP ou aux Forces spéciales car il exprime ses aigreurs et ses insatisfactions face à l’injuste répartition des équipements. Il commence par « passer un poil » au général Bonnemaison qui « ne crapahute plus depuis longtemps » mais qui tolère que les équipements des troupes placées sous ses ordres soient de qualité déplorable, en évitant soigneusement de s’affronter à ses collègues commissaires ou aux financiers de Bercy.

Puis il rédige une assez longue tirade en forme de commentaire d’un défilé de haute couture : des treillis à la coupe inefficace, des « bmja » hors d’âge, des parkas qui craignent le feu, des ceinturons inutiles, des vestes de combat inélégantes, des gilets pare-éclats totalement dépassés, des équipements qui datent du « plan Marshall » … une panoplie qui convenait peut-être à « des appelés jetables » ( sic) mais pas à des « professionnels » . Rappelons-lui tout de même , puisqu’il ne semble pas s’en souvenir, que cette Armée qui n’avait pour vocation que « de combattre trois jours » a tenu ( avec d’autres) durant quarante ans en Centre Europe un créneau qui n’a pas été franchi et que le Monde libre n’a pas eu à s’en plaindre . Et lorsqu’il vient nous parler aujourd’hui d’une « Armée à deux vitesses », j’ai envie de lui dire qu’il y a à peine vingt ans existait encore une « marche arrière » et que dans les années soixante, qui semblent lui servir de référence, certains régiments en étaient toujours à l’époque de Bourbaki. La planète n’avait pas encore commencé à se réchauffer et pourtant la couverture roulée en boudin sur le sac à dos (bergame …) servait de duvet. Nous avions la veste matelassée pour les plus chanceux (les feuilles de journaux pour les autres …) la capote … et les brêlages en cuir. Il peut vérifier … certains ont survécu !!

Comme lui par contre, je ne suis pas prêt à parier que l’équipement Félin et les accessoires de haute technicité dont on s’apprête à équiper nos Forces (si le budget suit …!) nous garantira l’efficacité opérationnelle de nos fantassins.

Et puisque nous dit-il, nos Professionnels « ont les boules », je leur conseille de les garder soigneusement car il faudra peut-être en avoir pour, le jour venu, affronter Al Quaïda et les moudjahidins qui nous l’avons vu ne plaisantent pas sur le terrain (même s’ils ressemblent bien souvent à des clochards !). Le médecin-chef Clervois psychiatre et médecin référent du Service de santé des Armées en matière de soutien psychologique sème le trouble lorsqu’il déclare dans un ouvrage récent paru chez Albin Michel que « l’idéal de secourir a remplacé l’idéal de combattre ». Pour les militaires, l’engagement serait désormais avant tout humanitaire et exclurait petit à petit l’usage agressif des armes … Il n’est ni malséant ni subversif d’en parler avant qu’il ne soit trop tard car si, à Dieu ne plaise, un affrontement venait à se produire, il ne faudrait pas que les premiers contacts ressemblent à un affrontement asymétrique (pour employer une expression à la mode) comme le serait un match entre les ballets de Maurice Béjart et les All Blacks. Même la Patrie des droits de l’Homme doit garder les pieds sur terre et ne pas perdre de vue l’essentiel.

Bien cordialement

Mustapha Bidochon

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