Il est d’usage agréable, en ces débuts d’année, de
formuler des voeux de bonheur à l’intention de ses semblables, ses
parents, les amis, les camarades…
Sacrifions donc au rituel sans dissimuler le plaisir d’être encore
là en dépit des attaques institutionnelles.
A chacun des ressortissants du ministère de la défense,
quels que soient ses grade, statut et ancienneté, nous souhaitons
qu’il recueille les fruits de son investissement personnel et qu’il en
éprouve les satisfactions légitimes. Plus que jamais, le
moral collectif sera le résultat de la contribution de chaque
moral individuel au capital commun. Faut-il rappeler que dans la
définition du « moral » demeure la « disposition psychique à
supporter quelque chose », voire l’insupportable ? Que l’allégresse
et la fierté engendrées par le travail bien fait et le
devoir accompli viennent fortifier chacun dans la conviction qu’il a fait
le bon choix. Et que, dans un monde qui glisse inexorablement vers la
priorité à l’épanouissement personnel, l’aventure
collective du métier de militaire demeure attractive.
Globalement.
A ceux qui souffrent, et ils sont nombreux, nous souhaitons de ne pas
désespérer et de rester pugnaces. Quelle que soit la
difficulté, d’autres l’ont déjà supportée,
combattue, et parfois vaincue. La solution, si elle existe, se trouve
dans nos archives, dans les prises de conscience parfois tardives de
l’institution, et chaque jour d’avantage, dans une jurisprudence
administrative favorable.
Et si, malheureusement, la solution n’existe pas encore, c’est en
confiant aux bénévoles de l’ADEFDROMIL les données
du problème que nous parviendrons, ensemble, à en discerner
les failles et peut-être les clefs.
Que sur les ruines des procédures iniques et les restes
dérisoires des violences psychologiques archaïques nous
bâtissions, toujours ensemble, une collectivité militaire
où les relations humaines seront fondées sur la confiance
mutuelle, le respect de la dignité des personnes, de la
compétence individuelle, sur la culture et l’entretien de notre
disposition naturelle à l’effort et au sacrifice. Et sur le Droit,
bien évidemment, ciment consensuel indispensable, règle
intangible du jeu et langage universel.
Faut reconnaître, y’a du boulot !
Aussi, et à défaut de volonté clairement
affichée d’y accéder par l’intermédiaire de nos
« leaders » et des réseaux étoilés incertains, il ne
faut que plus ardemment formuler les voeux suivants.
Que le militaire français accède à la
plénitude de sa citoyenneté.
Nous n’avons que trop tardé, cédant à l’argument
spécieux d’une sécurité nationale alibi, et
protégeant ainsi les intérêts particuliers d’une
caste dont l’organisation et la pensée restent
moyenâgeuses.
Aujourd’hui, quand le pouvoir politique français professe
l’incompatibilité des groupements professionnels militaires avec
l’efficacité des armes, il insulte la quasi-totalité des
autres pays européens qui pensent et agissent différemment.
On ne bâtira pas une entité européenne en juxtaposant
des exceptions, et nous finirons par lasser à vouloir imposer des
solutions spécifiquement françaises à des
problèmes universels. D’autant que nos pseudo solutions
s’avèrent chaque jour inopérantes à recruter et
retenir les professionnels des armées.
Cette inefficacité a de beaux jours devant elle puisque la
mission de refondation du statut des militaires a été
confiée aux seuls représentants du lobby
susmentionné (à l’exception notable de deux britanniques de
passage et de quelques épouses d’officiers de l’état-major
parisien).
Aucune surprise dès lors, que leurs propositions
« évolutionnaires » se limitent à la conservation de
l’organisation actuelle, c’est-à-dire le maintien sous curatelle
du militaire de base et sa séquestration dans un cantonnement
juridique de nature féodale.
Disons le tout net, la commission de révision s’est
opposée point pour point aux recommandations européennes en
la matière. Un peu comme si, au delà des
déclarations d’intention chaleureuses habituelles, la France
tenait à proroger l’Europe de la Défiance au lieu de
promouvoir celle de la Défense.
Mais la hauteur de vue de la commission n’était sans doute pas
européenne et se bornait, sans plus, à démontrer
l’emprise des généraux sur les instances gouvernementales.
Quelle médiocrité !
Que le militaire français bénéficie des
mêmes protections en matière d’accident du travail et de
maladie professionnelle que tout employé de l’Etat.
C’est facile, il suffira (un jour prochain inéluctable) que le
code du travail lui soit appliqué en totalité et non par
bribes incohérentes dont sont exclues toutes
responsabilités de l’employeur.
Au moment où les tribunaux admettent qu’un travailleur
expatrié reste, à toute heure de la journée, « au
service de l’employeur », il est dérisoire de chipoter sur le
niveau de « crise » qui permettrait éventuellement au militaire
projeté, de bénéficier de cette même
présomption d’imputabilité. Le code des pensions
était d’ailleurs suffisamment explicite avant que le
ministère de la défense ne se livre à une
exégèse « grippe-sous » au détriment de ses
troupes.
De même, et alors que les militaires sont exposés à
des nuisances connues, et parfois sur des durées cumulées
significativement plus importantes que les civils, il demeure
profondément injuste et quelque peu stupide de refuser aux
premiers le bénéfice de compensation des maladies
professionnelles, en exigeant la production d’un « fait précis de
service » dans l’immensité d’une vie de labeur et de
sacrifice.
Il est hallucinant, à cet égard, de découvrir
encore qu’un militaire puisse être confiné pendant 18 mois
dans un bureau empoussiéré d’amiante, dans une
indifférence aussi coupable que criminelle et en dépit de
rappels innombrables sur la dangerosité de cette
matière.
Il faudra un cynisme particulièrement audacieux pour persister
à vouloir confier au CHEF l’essentiel de la défense des
intérêts des subordonnés devant les faillites
répétées, et parfois mortelles, d’un tel principe
ante diluvien.
A quel moment de leur déjà longue existence, les CFM et
CSFM institutionnels ont-ils cru nécessaire d’aborder une question
de sécurité du travail ?
Que les militaires français ne soient plus à la merci de
sanctions iniques au seul motif de la nécessaire
« exemplarité »de leur état.
Il est invraisemblable qu’un soldat, un sous officier, un officier,
puissent être sanctionnés durement par une hiérarchie
sur des motifs ayant déjà donné lieu à
acquittement par un juge civil. Voire même qu’une peine
disciplinaire vienne systématiquement « compléter » une
condamnation pénale, à discrétion du
commandement.
Nous avons défendu la gendarme adjointe volontaire « Y »,
privée de liberté, de logement et d’emploi, sur poursuite
inique de l’un de ses supérieurs. Il faut maintenant
s’élever contre la sanction statutaire infligée dans les
mêmes conditions infamantes au gendarme RENAUD alors que les juges
avaient clairement été ébranlés par ses
révélations.
Cette attitude seigneuriale méprise la force de la chose
jugée tout autant que la dignité du faux coupable mais
vraie victime. Elle concentre entre des mains pas toujours blanches ni
impartiales les pouvoirs de procureur, de juge, d’avocat et de bourreau.
Elle se veut démontrer la suprématie de
l’infaillibilité du chef militaire sur l’incompétence
soupçonnée du judiciaire.
Et tout cela quand le psychiatre botté ne déboule pas au
secours d’un pouvoir disciplinaire défaillant.
La désertification humaine semble seule de nature à
éviter la révolte.
Et enfin, que l’ADEFDROMIL croisse et embellisse dans l’objectif de
transformer ces voeux en espérance.
Créée sur un pari audacieux, l’Association de
Défense des Droits des Militaires s’est développée
sur un terreau fertile et inépuisable fait d’un mélange
d’aspirations déçues, du ressentiment des sacrifices
inutiles et de certitudes féodales d’un autre temps.
Par son action intempestive, le préfet MARLAND mériterait
d’être nommé adhérent honoraire car il nous a fait
connaître au sein de toutes les unités.
Pour réaliser son voeu de croissance, l’ADEFDROMIL va se doter
d’une revue gratuite qui, nous l’espérons, complètera
l’action de son site Internet.
L’association va aussi s’installer dans un local permanent au centre de
Paris, car rien ne remplace réellement le contact humain. Nous
envisageons sérieusement par la suite, de créer des
antennes en provinces où les adhérents pourront obtenir des
informations, parcourir le site Internet ou rencontrer des
bénévoles.
Enfin, l’ADEFDROMIL a soumis aux instances de l’EUROMIL (19 pays, 500
000 adhérents) sa candidature à adhésion. Cette
procédure est en bonne voie.
Voilà donc nos voeux pour 2004 (et les années suivantes).
Cependant toutes ces actions, toutes ces perspectives, toutes ces
espérances seraient bien vaines si les militaires eux-mêmes
se désintéressaient de leur condition et de leur avenir.
Adhérer à l’ADEFDROMIL constitue un acte volontaire de
résistance à l’archaïsme et aux abus, ainsi qu’un pas
résolu vers la modernité où nous attendent
déjà nos camarades des armées
européennes.
Un petit pas pour vous, mais un signal fort en direction de ceux qui
nous considèrent par habitude et facilité comme leur
faire-valoir ou leur marchepied vers les sommets étoilés
(mes hommes !), mais surtout en direction des pouvoirs publics qui
doivent désormais prendre en compte la nouvelle citoyenneté
de leurs militaires (nos soldats !).
Pendant qu’il en reste encore…
Bonne année !