Ainsi que l’énonce l’article L 4137-1 du Code de la défense en son premier alinéa « les fautes ou manquements commis par les militaires les exposent » notamment à des sanctions disciplinaires prévues à l’article L 4137-2, sanctions réparties en 3 groupes, allant de la réprimande à la radiation des cadres ou résiliation de contrat. Selon la gravité de la sanction infligée, le Code de la Défense prévoit ou non un droit à l’oubli. Mais, dans les faits, ce droit est-il respecté par l’autorité administrative quelque soit le corps d’appartenance du militaire sanctionné : armée de terre, armée de l’air, légion étrangère, marine nationale, gendarmerie nationale ?
L’effacement des sanctions : ce que dit le Code de la défense
Aux termes de l’article R 4137-22, « à l’exception de l’avertissement, les sanctions disciplinaires sont inscrites au dossier individuel des militaires. »
Il en est donc ainsi de :
« b) La consigne ;
c) La réprimande ;
d) Le blâme ;
e) Les arrêts ;
f) Le blâme du ministre ;
2° Les sanctions du deuxième groupe sont :
a) L’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de cinq jours privative de toute rémunération ;
b) L’abaissement temporaire d’échelon ;
c) La radiation du tableau d’avancement ;
3° Les sanctions du troisième groupe sont :
a) Le retrait d’emploi, défini par les dispositions de l’article L.4138-15 ;
b) La radiation des cadres ou la résiliation du contrat. »
S’agissant de l’effacement de ces sanctions, les articles R 4137-23, R 4137-23-1 et R 4137-23-2 précisent :
L’effacement des sanctions disciplinaires du premier groupe est effectué d’office au 1er janvier de la cinquième année suivant celle au cours de laquelle les sanctions ont été prononcées.
Sont toutefois exclues de l’effacement d’office des sanctions disciplinaires du premier groupe les sanctions concernant des faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes mœurs ou à l’honneur ayant donné lieu à un blâme du ministre, à des arrêts d’une durée supérieure à trente jours ou à une condamnation pénale inscrite au casier judiciaire numéro deux.
Dans les faits, qu’en est-il dans les armées ?
Malgré ces dispositions pourtant claires et explicites, l’attention de MDMH AVOCATS a néanmoins été attirée quant aux mentions portées sur deux textes l’un gendarmique et l’autre du Ministère de la Défense, rappelant ainsi qu’effectivement au cours d’une procédure le ministère de la Défense avait produit une sanction pourtant effacée dont MDMH AVOCATS avait devant la juridiction administrative obtenu qu’elle soit rejetée des débats et de la procédure.
En effet, la Circulaire 2400/GEND/DPMGN/SDAP/CHANC du 30 avril 2014 relative aux sanctions disciplinaires et à la suspension de fonctions applicables aux militaires accessible via intradef ne craint pas de préciser en page 4/7 s’agissant d’un paragraphe relatif aux effets de l’effacement des sanctions disciplinaires : « L’administration n’a aucune obligation de détruire les dossiers disciplinaires, dont ceux-ci seront archivés« . Plus encore, le paragraphe suivant précise « En application de l’article 1er de l’Instruction de 6° référence toutes les sanctions disciplinaires, hormis l’avertissement et les sanctions avec un sursis non révoqué, doivent être inscrites sur un registre de sanctions détenu par les autorités disposant du pouvoir disciplinaire« .
Ainsi, il est à comprendre que la Gendarmerie Nationale conserve dans un registre autre que celui des dossiers personnels des militaires les procédures disciplinaires et ne détruit pas les dossiers malgré l’effacement pourtant prévu par le Code de la Défense.
L’instruction N°230358/DEF/SGA/DRH-MD/SR-RH/FM1 relative aux sanctions disciplinaires et à la suspension de fonctions applicables aux militaires du 12 juin 2014 publiée au Bulletin Officiel des armées et émanant de la Direction des Ressources Humaines du Ministère de la Défense prévoit également des dispositions analogues, ventilées selon la natures des sanctions effacées.
Mais là encore, il est aisé de comprendre que malgré l’effacement du dossier individuel du militaire de la sanction, les éléments relatifs aux dossiers disciplinaires sont en réalité conservés dans d’autres registres ou dossiers.
A l’heure où plusieurs militaires ont fait part à MDMH AVOCATS de mentions portées sur leurs dossiers par post-it ou sur d’autres supports ou de déclarations de certaines autorités supérieures faisant expressément référence à des sanctions pourtant effacées ou parfois même à des faits anciens n’ayant même pas donné lieu à l’ouverture de procédures disciplinaires et pouvant même relever de la vie privée desdits militaires, MDMH AVOCATS s’interroge sur la légalité de la pratique évoquée et des libertés que s’accordent ainsi les autorités disciplinaires constituant des dossiers parallèles.
A minima, MDMH AVOCATS ne peut que recommander aux militaires requérants devant les juridictions administratives de bien solliciter devant le juge administratif l’injonction d’effacement des dossiers personnels des militaires des sanctions annulées mais également de toutes les éléments, documents et pièces y afférentes mais également d’étendre ces demandes d’injonction aux registres des sanctions précités et à tous autres dossiers pouvant exister et qu’il en soit donné « quittance ».
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© MDMH – Publié le 5 février 2020
Expert en droit des militaires, Elodie MAUMONT a plus particulièrement en charge au sein de MDMH AVOCATS le contentieux de carrière des militaires (notation, mutation, avancement …) le contentieux disciplinaire (sanction, conseil d’enquête) et pénal des militaires et anciens militaires (désertion, harcèlement, violences, outrages, voies de fait, compromission …). Elle intervient conjointement avec Aïda MOUMNIdans le cadre du contentieux médico administratif des militaires, des pensions d’invalidité et des demandes connexes (jurisprudences BRUGNOT et autres).