Question écrite n° 12638 de M. Jean-François Rapin (Pas-de-Calais – Les Républicains)
publiée dans le JO Sénat du 17/10/2019 – page 5212
M. Jean-François Rapin attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur le malaise grandissant au sein des effectifs de la police nationale.
Les policiers, quels que soient leur corps, leur grade et leurs missions, ont un rôle majeur dans le fonctionnement de notre société : celui de protéger, au quotidien, les Français et de faire respecter la loi. Trop souvent malmenés ces dernières années, faisant face à une pression sécuritaire forte et constante, confrontés à une violence accrue, de nombreux policiers sont aujourd’hui surmenés et peinent à être reconnus dans leur travail. Les forces de l’ordre manquent de moyens, d’effectifs et de soutien. Le nombre de suicides depuis le début de l’année 2019 est alarmant. De plus, la forte mobilisation du 2 octobre 2019, à Paris, interpelle quant au désarroi de la profession.
La prise en compte des conditions de travail et leur amélioration doivent devenir une priorité gouvernementale, tant l’enjeu est primordial.
Aussi, il lui demande, face à l’urgence et à la gravité de la situation actuelle, quels moyens compte déployer le Gouvernement pour améliorer les conditions de travail des forces de police.
Réponse du Ministère de l’intérieur
publiée dans le JO Sénat du 06/02/2020 – page 712
Les policiers et les gendarmes assurent chaque jour, avec dévouement et professionnalisme, le respect de la loi républicaine et la protection de nos concitoyens, dans des situations fréquemment difficiles et dangereuses, parfois au péril de leur vie. Ils font l’objet de violences et de menaces croissantes, d’atteintes de toutes sortes, à leur intégrité physique comme à leur image ou à leur honneur. Des outrances, des caricatures et parfois de véritables discours de haine sont proférés à leur encontre sur les réseaux sociaux ou dans les médias. Encore récemment, dans les Yvelines et le Val-d’Oise, de véritables guets-apens ont visé des policiers. Par ailleurs, dans le cadre des « manifestations » du mouvement dit des « gilets jaunes », les forces de l’ordre ont régulièrement dû faire face à des individus et à des groupuscules ultraviolents qui s’en prenaient délibérément à leur intégrité physique. Tout est mis en œuvre pour que soient systématiquement recherchés et identifiés les auteurs de telles violences afin que des peines exemplaires puissent être prononcées par la justice. La protection des policiers et des militaires de la gendarmerie est une priorité absolue du ministre de l’intérieur. Plus largement, tout est mis en œuvre pour améliorer concrètement les conditions de travail des policiers et des gendarmes comme pour leur donner les moyens de remplir leurs missions dans les meilleures conditions d’efficacité et de sécurité possible. À cet égard, le budget des forces de l’ordre est en augmentation depuis 2017. En 2020, ce sont 13,2 Mds€ (+ 8,7 % depuis le début du quinquennat) qui sont alloués à la police et à la gendarmerie, soit une hausse de plus de 1 Md€ depuis 2017 (+ 761 M€ pour la seule police nationale). Ce budget permet d’abord de poursuivre la politique de recrutement ambitieuse menée par le Gouvernement (10 000 policiers et gendarmes supplémentaires d’ici la fin du quinquennat). Il permet aux policiers et aux gendarmes d’être mieux équipés et mieux protégés : nouveaux véhicules, nouvelles armes, etc. Au sein de la police nationale par exemple, malgré une baisse de 9 M€ en 2020 après neutralisation des effets de transfert, le budget de fonctionnement et d’investissement demeure à peu près stable par rapport au budget exécuté en 2015, les abondements exceptionnels obtenus dans les cadre des plans de renforts entre 2015 et 2017 (202,5 M€ en loi de finances initiale 2017) étant intégrés depuis 2018 au socle des crédits hors titre 2 du programme budgétaire « police nationale ». Au-delà des aspects matériels, leur protection sera également renforcée par le futur schéma national de maintien de l’ordre, qui permettra aux forces de l’ordre de mieux répondre aux nouvelles formes de contestation, fréquemment marquées par des débordements de violences. Sur le plan immobilier, si important pour les conditions de travail, les crédits d’investissement permettent un effort majeur, avec un budget d’environ 300 M € par an au titre de la programmation triennale 2018-2020 pour la police et la gendarmerie. Les questions de sécurité, d’hygiène et de santé des personnels constituent aussi des enjeux de premier plan. Le protocole conclu en décembre 2018 avec les organisations syndicales du corps d’encadrement et d’application de la police nationale se traduit par des avancées indemnitaires substantielles et constitue aussi la base d’un projet de transformation de la police nationale, en particulier en matière d’heures supplémentaires et de temps de travail. Ainsi que s’y était engagé le ministre de l’intérieur, d’importantes avancées ont ainsi été actées concernant la prise en compte des heures supplémentaires accumulées dans la police nationale. Près de 3,5 millions d’heures supplémentaires seront ainsi indemnisées dès la fin 2019 grâce à un effort exceptionnel de 45 M€, première étape du plan d’apurement des heures supplémentaires. Cette indemnisation viendra s’ajouter aux revalorisations salariales précitées. Les bases d’un nouveau régime pérenne, soutenable et équitable ont également été établies. L’arrêté du 5 septembre 2019 portant sur l’organisation relative au temps de travail dans les services de la police nationale, qui entre en vigueur le 1er janvier 2020, pose le principe d’une indemnisation d’une partie des services supplémentaires des fonctionnaires de police. Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit ainsi un abondement de près de 26,5 M€ pour indemniser le flux annuel des services supplémentaires. Par ailleurs, le nouveau cadre défini par l’arrêté du 5 septembre permettra de limiter, à l’avenir, la production d’heures supplémentaires afin de prévenir toute reconstitution de stock. En outre, la police nationale expérimente depuis fin septembre de nouveaux cycles de travail susceptibles d’améliorer le bien-être des agents en offrant notamment aux effectifs de voie publique un plus grand nombre de week-end de repos. Face à la question du suicide, qui est une préoccupation majeure, la police nationale s’est dotée en mai 2018 d’un nouveau « programme de mobilisation contre le suicide », qui se décline actuellement. Il met notamment l’accent sur l’amélioration du quotidien au travail, sous l’angle en particulier de la solidarité et de la cohésion. Dès avril 2019, a par ailleurs été créée une « cellule alerte prévention suicide ». Du printemps à l’automne, des séminaires sur la prévention du suicide réunissant un maximum de commissaires et d’officiers ont été organisés dans chaque zone de défense et de sécurité afin d’apporter des outils et des réponses aux acteurs de terrain. Par ailleurs, un numéro vert est désormais actif depuis juillet 2019 et, depuis la première semaine de septembre, un second numéro donne accès à un dispositif d’écoute psychologique 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Le ministre de l’intérieur a réuni le 12 septembre 2019 les directeurs des services actifs de la police nationale et les organisations représentatives des personnels pour présenter l’état d’avancement du programme de mobilisation contre le suicide. Enfin il doit être noté que le Livre blanc de la sécurité intérieure, actuellement élaboré dans le cadre d’une vaste consultation qui associera les personnels, et programmé pour début 2020, aura notamment pour objectif d’établir, sur le plan RH et des moyens matériels, une stratégie adaptée aux enjeux de sécurité. Le Gouvernement œuvre donc pour apporter des améliorations concrètes à la situation des forces de l’ordre, auxquelles sont dues reconnaissance et protection. Piliers de l’ordre républicain et de l’État de droit, leur engagement et leur mobilisation permettent en particulier, au bénéfice de tous, de répondre aux nombreux défis de sécurité (ordre public, menace terroriste, crise migratoire, sécurité du quotidien, etc.).
Source: JO Sénat du 06/02/2020 – page 712