Question écrite n° 08789 de Mme Patricia Schillinger (Haut-Rhin – LaREM)
publiée dans le JO Sénat du 07/02/2019 – page 651
Mme Patricia Schillinger attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur l’utilisation des lanceurs de balle de défense (LBD).
L’instruction du 22 avril 2015 n° 2015-1959-D en son annexe II « Emploi du lanceur de balle de défense de calibre 40mm en dotation dans les services de la police nationale et les unités de la gendarmerie nationale », précise au point 3.2 « mesures de sécurité » : « Tant que la décision de tirer n’est pas prise, le LBD de 40 mm est maintenu en « position de contact » – pointée en direction de la menace, l’axe du canon sous l’horizontale, l’index le long du pontet, sans contact avec la détente ».
Toutefois, cette procédure est elle-même réglementée par l’article R. 434-18 du code de déontologie de la police nationale sur l’emploi de la force : « Le policier ou le gendarme emploie la force dans le cadre fixé par la loi, seulement lorsque c’est nécessaire, et de façon proportionnée au but à atteindre ou à la gravité de la menace, selon le cas. Il ne fait usage des armes qu’en cas d’absolue nécessité et dans le cadre des dispositions législatives applicables à son propre statut. »
Toutefois, eu égard aux récents événements, elle lui demande quelles sont les dispositions envisagées par la loi pour encadrer l’utilisation du LBD par les forces de l’ordre.
Réponse du Ministère de l’intérieur publiée dans le JO Sénat du 25/04/2019 – page 2289
Conformément aux principes énoncés à L. 435-1 du code de la sécurité intérieure (CSI) régissant l’usage des armes par les policiers et les gendarmes, également applicable aux cas de dissipation des attroupements prévus à l’article L. 211-9 du même code, les forces de l’ordre agissent dans un cadre légal précis et demeurent guidées par les principes d’absolue nécessité et de stricte proportionnalité de l’emploi de la force. Il s’agit de contenir les individus les plus agressifs, en évitant d’attiser la violence et en préservant également la liberté d’expressions de ceux qui veulent porter leurs revendications pacifiquement. L’utilisation du lanceur de balles de défense (LBD) s’impose lors d’émeutes urbaines, au cours desquelles des individus agressent les forces de l’ordre et qu’il est nécessaire d’isoler et de stopper les auteurs de ces agressions, comme cela a été le cas lors des récentes manifestations. En vertu des articles L. 211-9 et R. 211-18 et R. 211-19 du CSI, la force peut être employée en cas de légitime défense (article 122-5 du code pénal), d’état de nécessité (article 122-7 du code pénal) et de dissipation d’un attroupement. L’attroupement est défini par l’article 431-3 du code pénal comme étant un rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l’ordre public. Dans le cas de dissipation d’un attroupement, le cadre d’emploi est strictement délimité et répond aux impératifs de la nécessité d’emploi et de gradation de la force. L’article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure énonce qu’un attroupement peut être dissipé par la force publique, après deux sommations de se disperser demeurées sans effet. À la suite de la seconde sommation, le recours aux armes (LBD) n’est pas autorisé. Seule la force physique peut être employée, ainsi que divers moyens intermédiaires (bâtons de défense, engins lanceurs d’eau, certaines grenades lacrymogènes lancées à la main MP7, CM6, etc.). L’article R. 211-11, dernier alinéa, du CSI prévoit l’obligation de réitérer la seconde et dernière sommation s’il doit être fait usage d’armes. La liste de ces armes est limitativement prévue et résulte des dispositions combinées des articles R. 211-11, R. 211-16 et D. 211-17 du CSI. Il s’agit notamment des grenades (grenades lacrymogène instantanée – GLI) et de lanceurs de grenades. Le LBD ne peut être utilisé dans ce cadre. L’article L. 211-9, alinéa 6 (avant-dernier) du CSI prévoit enfin que « les représentants de la force publique appelés en vue de dissiper un attroupement peuvent faire directement usage de la force si des violences ou voies de fait sont exercées contre eux ou s’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent ». Dans ces deux hypothèses seulement peuvent être utilisées, non seulement tous les moyens de force intermédiaire et les armes de force intermédiaire (AFI) précités, mais également les lanceurs de balles de défense. Les conditions juridiques (et instructions particulières) du recours à la force et aux armes sont également reprises et détaillées au sein de l’instruction commune police-gendarmerie du 2 août 2017 relative à l’usage et l’emploi des AFI dans les services de la police nationale et les unités de la gendarmerie nationale. Par ailleurs, l’utilisation du LBD fait l’objet, comme les autres AFI, d’une formation spécifique sanctionnée par l’attribution d’un certificat initial d’aptitude à la pratique du tir (CIAPT), d’une durée de validité limitée dans le temps. Son renouvellement conditionne le maintien de l’habilitation des forces de l’ordre à détenir et à utiliser l’arme considérée. Enfin, saisi de requêtes en référé visant à suspendre l’utilisation du LBD dans le cadre du maintien de l’ordre, le Conseil d’État a par ordonnances du 1er février 2019 rejeté ces demandes en rappelant notamment que l’usage de cette arme était strictement encadré et rendu nécessaire par la commission de voies de fait, de violences et d’atteintes aux biens.
Source: JO Sénat du 25/04/2019 – page 2289