Question écrite n° 08178 de M. François Bonhomme (Tarn-et-Garonne – Les Républicains-A) publiée dans le JO Sénat du 13/12/2018 – page 6339
M. François Bonhomme attire l’attention de Mme la secrétaire d’État, auprès de la ministre des armées, sur le manque de reconnaissance de la Nation envers les victimes civiles et militaires des essais nucléaires de 1960 à 1998.
Durant cette période, des femmes et des hommes, personnel civil et militaire ont participé aux essais nucléaires organisés par la Défense nationale pour le renforcement de la dissuasion nucléaire de notre pays.
Outre les pertes humaines chiffrées à 2 % des soldats dits de la guerre froide qui ont laissé leur vie lors de ces essais, ce qui représente un taux de mortalité jamais atteint depuis le conflit en Indochine, des femmes et des hommes ont été soumis aux radiations des retombées aériennes et souffrent de graves conséquences sur leur santé.
À ce jour, ces personnes ne bénéficient pas de la reconnaissance de l’État à laquelle elles ont droit au regard de l’égalité de traitement des citoyens qui risquent leur vie pour la Nation.
Il lui demande donc si elle entend instaurer un titre de reconnaissance spécifique pour tous les personnels civils et militaires exposés aux risques liés aux essais nucléaires sur la période de 1960 à 1998.
Réponse du Secrétariat d’État auprès de la ministre des armées publiée dans le JO Sénat du 28/03/2019 – page 1671
La loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 modifiée relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français a créé un régime de réparation intégrale des préjudices subis par les victimes des essais nucléaires français, quel que soit leur statut (civils ou militaires, travailleurs sur les sites d’expérimentations et population civile, ressortissants français ou étrangers). Ce cadre juridique offre la possibilité à toute personne atteinte d’une pathologie radio-induite figurant parmi les maladies listées en annexe du décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014, modifié, relatif à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ayant séjourné ou résidé, au cours des périodes déterminées, dans l’une des zones géographiques énumérées par la loi et le décret précités, de constituer un dossier de demande d’indemnisation. La loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale a élevé le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires au rang d’autorité administrative indépendante, dotée d’un rôle décisionnel en matière d’indemnisation. Par conséquent, il n’appartient plus au ministre chargé de la défense de décider d’attribuer ou non les indemnisations aux demandeurs sur le fondement des recommandations du comité. La commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires est, pour sa part, présidée par la ministre chargée de la santé. Par ailleurs, il est rappelé que le titre de reconnaissance de la Nation (TRN) a été créé par la loi n° 67-1114 du 21 décembre 1967 pour les militaires ayant pris part pendant 90 jours aux opérations d’Afrique du Nord, à une époque où ces opérations n’ouvraient pas droit à la carte du combattant. Les conditions d’attribution de ce titre sont codifiées aux articles D. 331-1 à R* 331-5 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG). L’article D. 331-1 du CPMIVG précise en particulier que le TRN est délivré aux militaires des forces armées françaises et aux personnes civiles ayant servi pendant au moins 90 jours dans une formation ayant participé aux opérations et missions mentionnées aux articles R. 311-1 à R. 311-20 du même code ou ayant séjourné en Indochine entre le 12 août 1954 et le 1er octobre 1957 ou en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964. Les services accomplis en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 1er juillet 1964 étant ainsi susceptibles d’ouvrir droit à l’attribution du TRN, les militaires et les personnels civils ayant participé aux essais nucléaires menés au Sahara, à Reggane, dès février 1960 et à In Ecker, dès novembre 1961, et répondant aux critères susvisés, dans le cadre de la période considérée, peuvent donc prétendre au titre en cause et à la médaille de reconnaissance de la Nation, dont le port est de droit pour tout titulaire du TRN. A compter du 2 juillet 1964, les troupes présentes en Algérie jusqu’en 1967 n’ont pas pris part à un conflit, mais ont été déployées dans le cadre de l’application des accords d’Évian, qui prévoyaient la conservation par la France d’un certain nombre d’installations militaires pendant une durée limitée. Les personnels concernés, parmi lesquels ceux ayant servi sur les sites des essais nucléaires après le 1er juillet 1964, n’ont en conséquence pas vocation au TRN qui repose sur une notion d’opérations ou de conflits. De la même façon, les personnes ayant pris part aux campagnes d’expérimentations nucléaires au Centre d’expérimentation du Pacifique, en Polynésie française, n’ont à aucun moment participé, sur ce territoire, à une opération ou à un conflit les exposant à un risque d’ordre militaire. Le TRN ne peut en conséquence leur être délivré. Une modification de la réglementation en vigueur dans ce domaine n’est pas envisagée. Cependant, les civils et les militaires ayant œuvré sur les sites des essais nucléaires ont pu voir la qualité et la valeur de leurs services prises en compte pour l’accès aux ordres nationaux ou à la concession de la Médaille militaire s’agissant uniquement des personnels militaires. En effet, les ministres de la défense successifs ont signalé, avec constance, au grand chancelier de la Légion d’honneur, la situation de ces vétérans pour que leur participation aux essais nucléaires soit mentionnée lors de l’examen de l’ensemble de leur carrière par les conseils des ordres nationaux. Sur ce point, le grand chancelier a déjà rappelé que le conseil de l’ordre national du Mérite avait donné son agrément par le passé à des propositions présentées par le ministère de la défense pour des nominations dans le second ordre national en faveur de militaires qui avaient pris part à des essais nucléaires. Il concluait en indiquant qu’un grade dans le second ordre national, par exemple, lui paraissait bien plus valorisant qu’une médaille commémorative de création tardive, des décennies après les opérations auxquelles ont participé ces vétérans. Enfin, il est à noter que les personnels ayant servi dans le Sahara pendant 90 jours, entre le 28 juin 1961 et le 1er juillet 1964, ont pu obtenir la médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre en Afrique du Nord avec agrafe « Sahara » et que les militaires affectés à compter de 1981 sur le site de Mururoa en Polynésie ont quant à eux pu se voir décerner la médaille de la défense nationale, instituée par le décret n° 82-358 du 21 avril 1982 [1], avec l’agrafe « Mururoa Hao ». Dans ce contexte, le Gouvernement ne prévoit pas de créer un titre de reconnaissance spécifique susceptible d’être attribué à la totalité des personnes ayant participé à la conduite des essais nucléaires français. [1] Décret abrogé et remplacé par le décret n° 2014-389 du 29 mars 2014 relatif à la médaille de la défense nationale.
Source: JO Sénat du 28/03/2019 – page 1671