Question écrite n° 07564 de Mme Esther Benbassa (Paris – CRCE-R) publiée dans le JO Sénat du 01/11/2018 – page 5540
Mme Esther Benbassa attire l’attention de Mme la ministre des outre-mer sur la situation des peuples autochtones de Guyane et plus particulièrement sur le délai de la restitution de 400 000 hectares aux nations amérindiennes et de la mise en place d’un office foncier dédié, engagement pris par la France dans l’accord de Cayenne du 2 avril 2017 et dans l’accord pour la Guyane du 21 avril 2017.
Alors que le 10 décembre 2018 sera célébré le soixante-dixième anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) fêtera son 70 et que la commission nationale consultative aux droits de l’homme (CNCDH) a recommandé en février 2017 que « l’ensemble des pouvoirs publics et des responsables politiques prenne définitivement acte de l’engagement de principe souscrit par la France lorsqu’elle a voté la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones de 2007, et en tire toutes les conséquences pratiques », l’engagement du Gouvernement concernant la restitution des terres amérindiennes est d’une importance primordiale.
Comme le prévoit la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, les peuples premiers de Guyane ont droit à réparation, par le biais, notamment, de la restitution des terres qu’ils possédaient traditionnellement et qui ont été occupées. Cette restitution doit désormais permettre aux Amérindiens de Guyane d’obtenir la propriété sur les terres, territoires et ressources qu’ils occupent traditionnellement, qu’ils ont utilisés ou qu’ils souhaitent utiliser à l’avenir, afin de garantir leur liberté de développer leurs propres systèmes ou institutions politiques, économiques et sociaux, de disposer en toute sécurité de leurs propres moyens de subsistance et de développement et de se livrer librement à toutes leurs activités économiques, traditionnelles et autres, ce que ne leur permet pas le régime actuellement en vigueur dans les zones de droit d’usage collectif (ZDUC).
Récemment, le débat autour du projet de mine industrielle « montagne d’or », situé sur des terres sacrées amérindiennes, sur un site archéologique au « caractère exceptionnel » selon les chercheurs, a encore démontré la nécessité de se doter de garanties légales afin d’assurer la protection des terres et de la culture des peuples premiers de Guyane, face aux projets industriels qui les menacent.
Pourtant la réalisation des engagements relatifs à la restitution foncière semble encore bloquée dans les tuyaux du ministère et dans ceux de la préfecture de Guyane, un an et demi après la signature des accords.
Aussi, elle l’interroge sur la réalité de son intention d’honorer les engagements vis-à-vis de la restitution des terres des peuples autochtones de Guyane.
Réponse du Ministère des outre-mer publiée dans le JO Sénat du 31/01/2019 – page 583
L’Accord de Guyane du 21 avril 2017, paru au Journal officiel du 2 mai 2017, encadre l’attribution de 400 000 hectares aux populations autochtones. Depuis sa signature, le Grand conseil coutumier des populations amérindiennes et bushinengues (GCCPAB) a été installé et ses membres désignés le 9 juin 2018, et la mission interministérielle sur le transfert du foncier a rendu ses conclusions conformément aux engagements pris en septembre 2017. Les services de l’État et le Grand conseil coutumier travaillent de concert pour déterminer les contours juridiques et le périmètre de ces cessions par bassin de population. Le Grand conseil coutumier a de son côté créé une commission foncière ad hoc chargée de faire des propositions sur la répartition des terres cédées. Le GCCPAB sera reçu par les services de l’Etat début 2019 pour faire le point sur leurs propositions. En effet, pour les cessions à venir, il est indispensable de créer un établissement foncier selon les modalités de gouvernance préconisées par les populations autochtones et de transformer les actuelles zones de droits d’usage collectifs (ZDUC). Les zones d’usage collectifs avaient été créées pour répondre à la nécessité de disposer collectivement de terres en vue de la subsistance et du maintien du mode de vie des populations autochtones. Toutefois, le statut des ZDUC ne permet pas aux Amérindiens de disposer pleinement de leurs terres, et la cession gratuite en pleine propriété aux populations autochtones de ces terres répondra à cette revendication. De nombreux travaux avaient entouré la délimitation de ces zones et dans de nombreux cas, celles-ci devraient pouvoir être cédées gratuitement en pleine propriété à l’établissement public foncier autochtone. Concernant le projet « Montagne d’Or », les services de l’État veilleront tout particulièrement, à chaque étape de l’instruction des différentes demandes d’autorisation environnementale et minière déposées par le pétitionnaire, au respect de l’ensemble des exigences fixées par les dispositions législatives et réglementaires. Ce projet a fait l’objet d’un débat public qui s’est déroulé du 7 mars au 7 juillet 2018. À la suite du bilan établi par la Commission nationale du débat public, l’entreprise s’est engagée à déposer des éléments complémentaires afin de répondre aux observations qui avaient été faites sur la présentation de son projet. Cette nouvelle version du projet sera analysée par les services de l’État. En parallèle, une mission interministérielle, composée de membres du Conseil général de l’économie, de l’Inspection générale de l’administration et du Conseil général de l’environnement et du développement rural, consacrée aux projets miniers en Guyane, a été lancée en juillet 2018. Celle-ci étudie en particulier les impacts du projet « Montagne d’Or », notamment au regard de la préservation des lieux sacrés et archéologiques comme les « montagnes couronnées », vestiges de fortifications creusées dans les collines, et rendra son rapport dans les prochaines semaines.
Source: JO Sénat du 31/01/2019 – page 583