Question écrite n° 01245 de Mme Jacky Deromedi (Français établis hors de France – Les Républicains) publiée dans le JO Sénat du 21/09/2017 – page 2899
Mme Jacky Deromedi attire l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur les difficultés de reconnaissance et d’exécution à l’étranger de la nouvelle procédure de divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats. Une plainte a été déposée à ce sujet auprès de la Commission européenne. Ce nouveau régime ne correspond à aucun modèle connu des règlements européens, des conventions internationales et des droits étrangers. Par exemple, certains règlements européens relatifs aux prestations compensatoires, aux pensions alimentaires ou à l’exercice du droit de visite exigent une décision judiciaire ou un acte authentique. Or, la nouvelle convention de divorce ne correspond ni à l’une ni à l’autre. En cas d’enlèvement illicite d’enfants, l’autre parent rencontrera donc des difficultés pour mettre en œuvre un recours à l’étranger. Le recouvrement de créances posera le même problème. L’exécution ou la reconnaissance de la convention supposera donc l’intervention d’un juge étranger ou d’un juge français. La question se posera d’une manière générale lorsqu’il existe des éléments d’extranéité (nationalité, domiciles, biens situés à l’étranger, etc.), surtout en présence d’enfants mineurs. Elle lui demande donc quelles initiatives le Gouvernement entend prendre pour remédier à cette situation, tant au niveau de l’Union européenne qu’à l’égard des États tiers.
Réponse du Ministère de la justice publiée dans le JO Sénat du 20/12/2018 – page 6629
Le nouveau divorce par consentement mutuel français n’est pas incompatible avec les règlements européens applicables en matière familiale. Il convient seulement de rechercher au sein de ces instruments quelles sont les dispositions qui sont applicables à ce dispositif et celles qui ne le sont pas. Si certaines dispositions de ces règlements européens en matière familiale relatives à la circulation des décisions judiciaires et des actes authentiques ne trouvent pas à s’appliquer, comme les règles sur la compétence par exemple, le législateur européen a néanmoins prévu à l’article 46 du règlement n° 2201/2003 dit « Bruxelles II bis » que la circulation d’« accords entre parties exécutoires » s’effectue dans les mêmes conditions qu’une décision de justice. C’est d’ailleurs avec le souci de permettre la circulation du divorce dans les modalités prévues par le règlement Bruxelles II bis que le décret n° 2016-1907 du 28 décembre 2016 a modifié le droit national pour permettre la délivrance par le notaire des certificats visés à l’article 39 du règlement. Ces derniers permettent en effet d’introduire une requête en déclaration de constatation de force exécutoire devant les juridictions d’un autre État membre, pour permettre à l’accord d’acquérir force exécutoire dans cet État pour les dispositions concernées par cet article. En matière de déplacement illicite d’enfant, la convention de La Haye de 1980 applicable ne conditionne nullement l’action aux fins de retour de l’enfant illicitement déplacé vers l’État d’origine à l’existence d’une décision judiciaire ; il suffit que le déplacement ait eu lieu en violation du droit de l’État dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement. À cet égard, les droits des parents dont l’enfant réside habituellement en France sont donc pleinement préservés. S’agissant des obligations alimentaires, les dispositions du règlement sur la circulation des décisions et actes authentiques ne peuvent recevoir application mais les époux peuvent intégrer la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants à un acte authentique ou à une convention parentale dont ils solliciteront l’homologation par le juge aux affaires familiales, sauf à ce qu’ils préfèrent ne saisir le juge compétent que dans l’hypothèse où une difficulté se présenterait. La circulaire du 26 janvier 2017 consacre une fiche à la circulation transfrontière de la convention de divorce par consentement mutuel et détaille les dispositions applicables ainsi que les mécanismes alternatifs à mobiliser, le cas échéant, pour permettre à la convention de produire ses effets à l’étranger (fiche technique n° 10). Plusieurs États ont, comme la France, déjà choisi de ne plus imposer un recours au juge pour le divorce par consentement mutuel. Le nombre croissant de droits nationaux qui connaissent désormais d’un divorce sans juge a d’ailleurs conduit la Cour de justice de l’Union européenne à appeler le législateur européen à se saisir de cette question. Le Gouvernement français, pour sa part, cherche activement à faciliter la circulation internationale du nouveau divorce par consentement mutuel français dans le cadre de toutes les négociations d’instruments internationaux en cours. C’est le cas notamment dans le cadre des travaux de refonte du règlement européen dit Bruxelles II bis, qualifié par la Commission européenne de « pierre angulaire » de la coopération en matière familiale dans l’Union européenne. Un effort d’information est également fait auprès de différents États, au sein de l’Union européenne et hors de celle-ci, afin d’exposer le mécanisme de ce divorce et les garanties qu’il présente.
Source: JO Sénat du 20/12/2018 – page 6629