Question écrite n° 00495 de M. Rémy Pointereau (Cher – Les Républicains) publiée dans le JO Sénat du 13/07/2017 – page 2252
M. Rémy Pointereau attire l’attention de M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur sur les contrôles d’identité dans certains lieux recevant du public.
Depuis le début de 2015 plusieurs attentats se sont produits en France. Par le passé, notre pays a subi d’autres actes meurtriers.
Ils ont souvent comme auteurs des individus recensés par nos services de renseignement et connus des services de police ou de la justice.
Devant ces faits d’une extrême gravité, le Parlement, sur proposition du Gouvernement, a pris des mesures exceptionnelles pour lutter contre le terrorisme qui frappe notre pays pendant une période limitée afin de mieux sécuriser les biens et les personnes. Se pose alors la question de savoir si, au-delà de l’état d’urgence, ne pourrait pas être étudiée la possibilité d’améliorer à titre préventif le contrôle d’identité des personnes qui accèdent à un lieu public.
Aussi souhaite-t-il lui demander si pourrait être envisagée la mise en place d’un contrôle d’identité dans les hôtels comme cela s’est pratiqué dans notre pays, avant d’être abandonné depuis plusieurs années, ce qui pourrait permettre de mieux contrôler les déplacements des personnes ayant commis ou envisageant de commettre des actes terroristes ou relevant de la criminalité. Cela pourrait contribuer à rassurer la population. Par ailleurs, il pose la question de savoir, notamment pour des raisons de sécurité mais pas uniquement, si pourrait être restaurée l’obligation pour les citoyens de déclarer leur domiciliation lors d’un déménagement dans une nouvelle commune, ce qui permettrait aux maires des communes de mieux connaître la population vivant sur leur territoire et mieux connaître leurs besoins, leurs difficultés et leurs attentes.
Réponse du Ministère de l’intérieur publiée dans le JO Sénat du 20/09/2018 – page 4790
A la suite des attentats qui se sont produits depuis 2015 en France, vous appelez à faire évoluer la législation pour qu’au-delà de l’état d’urgence, soit étudiée la possibilité d’améliorer à titre préventif le contrôle de l’identité des personnes accédant à un lieu public. Vous évoquez également la possibilité d’instaurer une obligation pour les citoyens de déclarer leur domiciliation pour permettre aux maires de mieux connaitre leur population. Au préalable, il y a lieu de rappeler qu’y compris durant l’état d’urgence, une pratique des contrôles d’identité à titre préventif ne saurait être généralisée. En effet, dans sa décision n° 2017-677 QPC rendue le 1er décembre 2017, le Conseil constitutionnel a jugé que si le législateur peut autoriser la mise en œuvre de contrôles d’identité qui ne soient pas fondés sur le comportement de la personne, ces opérations doivent nécessairement être justifiées par des circonstances particulières établissant le risque d’atteinte à l’ordre public dans les lieux en cause. A donc été censurée la disposition prévoyant que des opérations de contrôle d’identité pouvaient être autorisées en tout lieu dans les zones où s’appliquait l’état d’urgence, au motif qu’une conciliation équilibrée entre, d’une part, l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public, et, d’autre part, la liberté d’aller et de venir et le droit au respect de la vie privée n’était pas assurée. Au-delà des contrôles et vérifications d’identité régis par les articles 78-2 et suivants du code de procédure pénale, et hors état d’urgence, le contrôle dans les lieux publics a été nettement renforcé. En premier lieu, la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale a renforcé le dispositif de contrôle en instaurant une procédure de vérification de situation lorsque le contrôle d’identité ou la vérification d’identité d’une personne révèle qu’il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement peut être lié à des activités à caractère terroriste. En second lieu, la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique et la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ont permis de renforcer les mesures de contrôle lors d’événements sportifs, récréatifs ou culturels. En application de cette dernière loi, le préfet peut instaurer par arrêté motivé un périmètre de protection au sein duquel l’accès et la circulation des personnes sont réglementés afin d’assurer la sécurité d’un lieu ou d’un événement exposé à un risque d’actes de terrorisme à raison de sa nature et de l’ampleur de sa fréquentation. L’arrêté peut prévoir que certains agents de police judiciaire puissent procéder, au sein du périmètre de protection, avec le consentement des personnes faisant l’objet de ces vérifications, à des palpations de sécurité ainsi qu’à l’inspection visuelle et à la fouille des bagages. Au-delà de ces dispositions ayant vocation à s’appliquer à tout lieu public, tout exploitant d’un hébergement touristique est tenu en application de l’article R. 611-42 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, de remplir, ou faire remplir, et faire signer par ses clients étrangers une fiche individuelle de police, dite aussi fiche d’hôtel, comportant diverses données personnelles (nom, prénoms, nationalité, adresse, etc.). Cette obligation pèse sur les hôteliers, les exploitants de villages et maisons familiales de vacances, de résidences et villages résidentiels de tourisme, les loueurs de meublés de tourisme et de chambres d’hôtes, les exploitants de terrains de camping, caravanage et autres terrains aménagés. Les fiches individuelles de police doivent être conservées pendant une durée de six mois et remises, sur leur demande, aux services de police et unités de gendarmerie, pour un certain nombre de finalités énumérées à l’article R. 611-42 précité : prévention des troubles à l’ordre public, enquêtes judiciaires et recherche dans l’intérêt des familles. Enfin, le Gouvernement n’est pas favorable à la mise en place d’une obligation de déclaration de domiciliation en mairie qui créerait des contraintes et des charges nouvelles disproportionnées et peu justifiées pour les communes. En outre, la création d’une obligation de déclaration se traduisant par la constitution d’un traitement de données à caractère personnel, la question du respect des exigences constitutionnelles relatives à la protection des libertés individuelles serait nécessairement posée au regard de « l’ampleur du traitement » (Conseil constitutionnel, 2014-690 DC du 13 mars 2014). De même, les principes constitutionnels de liberté d’aller et venir et de respect de la vie privée doivent être respectés : la création d’un tel fichier devrait donc être justifiée par un motif d’intérêt général précis et d’une importance suffisante afin d’aboutir à une conciliation équilibrée avec la protection des libertés individuelles. Par ailleurs, il est loisible à la commune, notamment par le moyen de la consultation des rôles des impôts locaux ou du recensement, de connaître l’arrivée de nouveaux résidents sur son territoire. En effet, le recensement des populations que l’institut national de la statistique et des études économiques établit permet aux communes de disposer de données chiffrées sous forme anonyme pour évaluer les caractéristiques de leur population et gérer en conséquence les services publics locaux.
Source: JO Sénat du 20/09/2018 – page 4790