DÉSERTION : LES EXPLICATIONS DU MINISTÈRE DES ARMÉES SUITE AUX RÉVÉLATIONS DU MONDE (Par Me Elodie MAUMONT, avocat associé)

Il y a quelques mois MDMH AVOCATS publiait sur son blog un extrait de l’article de Faustine VINCENT paru le 17 avril 2018 dans Le Monde sous le titre « Le temps des déserteurs ». https://www.mdmh-avocats.fr/2018/04/20/desertion-un-delit-du-code-de-justice-militaire-en-recrudescence/

Cet article avait fait grand bruit à l’époque et suscité diverses réactions puisqu’il était alors révélé par l’administration elle-même que 1544 cas de désertion avaient été enregistrés en 2017 après 1213 cas en 2016.

Mais attention, attention, ces chiffres ne seraient pas tout à fait exacts si on s’en tient à une lecture rapide de la réponse apportée le 23 août 2018 par le Ministère des Armées à la question écrite n° 04802 de Monsieur Arnaud BAZIN du 3 mai 2018 révélée le 13 septembre 2018 par l’ADEFDROMIL-AIDE AUX VICTIMES dans son article « Cas de désertion »                 https://www.adefdromil.org/50384

Outre cette querelle de chiffres en définitive peu intéressante, le Ministère des Armées tentant d’expliquer qu’en réalité « le nombre de désertions effectives enregistrées dans les armées s’est élevé à 939 en 2016 et 942 en 2017 » et que les autres cas mentionnés dans la presse seraient des cas requalifiés pour les besoins de la cause [à savoir la communication du Ministère] « d’absences irrégulières » (alors que le délai de grâce est bien expiré) ayant donné lieu à des décisions de classement sans suite du Parquet et donc à l’absence de poursuites en raison de la réintégration des intéressés au sein de leur arme, la réponse apportée par le Ministère des Armées est, pour les praticiens que nous sommes, particulièrement révélatrice du déni qui règne aujourd’hui sur ce sujet.

Bien que considérant que ‘les actes de désertion résultant le plus souvent de problématiques personnelles » et dont on comprend alors qu’elles ne seraient nullement de la responsabilité des armées, le Ministère des Armées ne craint pas d’afficher « le plan ambitieux » « d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires présenté par la ministre dès octobre 2017. » et de préciser que « au delà du bilan chiffré des désertions, la ministre des armées souhaite rappeler que la fidélisation des personnels militaires représente un enjeu majeur pour son ministère. » et « qu’à cet égard, l’amélioration des conditions de vie des soldats constitue un élément essentiel ».

Il est, à nos yeux, particulièrement dommage que Madame la Ministre des Armées n’ait pas répondu précisément à la question posée par l’honorable parlementaire qui précisait notamment « qu’il aimerait connaître (…) les moyens susceptibles d’être mis en œuvre afin d’y remédier [aux désertions] alors que nos armées recrutent actuellement 25 000 personnes par an« .

En effet si la condition des militaires est évidemment à prendre en considération, il nous apparait que le véritable problème est bien plus profond et qu’est d’abord en cause le recrutement des militaires puis leur fidélisation.

Sans penser que cela pourrait régler toutes les difficultés, il nous apparait que si les militaires étaient véritablement informés de leurs droits et de leurs devoirs lors de leur engagement mais également juste avant l’expiration de la période probatoire, les chiffres ne seraient pas ce qu’ils sont.

Nous rappelons de notre côté quotidiennement à ceux qui nous contactent qu’une démission dans l’armée, passée la période probatoire, doit être agréée et donc acceptée par leur hiérarchie.

Nous déplorons régulièrement le manque d’informations flagrant dont ils souffrent et tenant notamment à l’étendue et la nature de leur engagement.

Quant au traitement judiciaire des désertions et ainsi que nous l’avons déjà exprimé, il nous apparait qu’en dehors du temps de guerre, la désertion, relevant essentiellement de la discipline militaire, devrait être dépénalisée et qu’il n’appartient pas à l’autorité judiciaire de prendre en charge des problématiques relevant essentiellement d’une question de ressources humaines.

© MDMH – Publié le 14 septembre 2018

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