Commission de la défense nationale et des forces armées
Présidence de M. Jean-Jacques Bridey, président
— Audition du général Bernard de Courrèges d’Ustou, directeur de l’Institut des hautes études de défense nationale et directeur de l’enseignement militaire supérieur.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
M. le président Jean-Jacques Bridey. Chers collègues, je suis ravi d’accueillir en votre nom à tous le général Bernard de Courrèges d’Ustou, directeur de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), mais aussi de l’enseignement militaire supérieur. Je lui donne immédiatement la parole.
Général Bernard de Courrèges d’Ustou, directeur de l’Institut des hautes études de défense nationale et directeur de l’enseignement militaire supérieur. Monsieur le président, je vous remercie de votre invitation à venir m’exprimer devant la commission de la Défense. J’ai cru comprendre que c’était la première fois que le directeur de l’enseignement militaire supérieur était ainsi convié ; je ne boude donc pas mon plaisir ! Permettez-moi également de saluer un certain nombre d’auditeurs – ou de futurs auditeurs – de l’IHEDN que je reconnais parmi votre assemblée. À ma gauche se tient le colonel François Villiaumey, directeur des études de l’école de guerre, c’est-à-dire son numéro deux. Je n’hésiterai pas à solliciter son expertise durant la phase de questions-réponses qui suivra mon intervention liminaire. Comme vous l’avez dit, Monsieur le président, je porte un double képi puisque je suis directeur de l’enseignement militaire supérieur – et à ce titre placé sous la responsabilité du chef d’état-major des armées – mais aussi responsable de l’IHEDN, institut interministériel sous l’autorité du Premier ministre et dont la mission, vous le savez, est de contribuer à la diffusion d’une culture de défense et de sensibiliser aux questions internationales. J’évoquerai essentiellement l’enseignement militaire supérieur dans mon propos liminaire mais je me tiens bien évidemment à votre disposition pour répondre à toute question concernant l’IHEDN.
Quelle est la finalité de l’enseignement militaire supérieur ? Il me semble en effet que tout propos doit débuter par la définition des objectifs. Le métier des armes est de préparer la guerre ou les opérations et, si nécessaire, de conduire ces opérations en employant la force au nom de la France. Cela implique pour les chefs militaires, sous-officiers ou officiers, de donner des ordres amenant à donner la mort ou à la faire donner et, à l’inverse, à risquer sa vie. Le caractère assez extraordinaire de ce pouvoir fait que nous estimons nécessaire que nos cadres, nos officiers, suivent un parcours les amenant à exercer tous les niveaux de responsabilité. Permettez-moi de prendre l’exemple de l’armée de terre. Au départ à la tête d’une section de trente hommes, l’officier prendra ensuite la tête d’une compagnie d’une centaine d’hommes, puis d’un régiment qui peut compter jusqu’à un millier d’hommes. Plus tard, les officiers prennent le commandement d’opérations ou rejoignent des niveaux stratégiques, sur les théâtres d’opérations ou à Paris, auprès d’autorités militaires ou politiques. La nature de la mission – préparer et conduire la guerre – et le fait que, s’agissant des officiers, l’on ne peut pas toujours s’y préparer correctement au sein des unités, font que les armées françaises ont mis en place un cursus de formation assez important qui, dans un premier temps, est conduit au sein de chaque armée, direction et service, sous la responsabilité des chefs d’état-major et des directeurs de services, puis, dans un second temps, au niveau interarmées, sous la responsabilité de la direction de l’enseignement militaire supérieur (DEMS). En ce qui me concerne, je n’ai donc pas la responsabilité de la formation initiale, ni de la formation continue conduite au sein de chaque armée. Ma responsabilité est celle de la formation à partir du niveau interarmées, c’est-à-dire de la combinaison des moyens terrestres, aériens, navals dans un environnement politique, médiatique et diplomatique.
La DEMS est relativement jeune puisqu’elle a été créée sous cette forme par un arrêté de mars 2009. Sa mission est de préparer les officiers supérieurs des forces armées et des formations rattachées à exercer des responsabilités d’état-major, de commandement et de direction au sein de ces entités, des états-majors interarmées ou interalliés, des organismes interministériels et dans tout autre poste où s’élabore et s’exécute la politique de défense et de sécurité. En outre, la DEMS met à la disposition des chercheurs et des étudiants un fonds documentaire de référence au plan national et international dans les domaines de la défense et de la sécurité nationale. Pour vous donner quelques chiffres clés concernant la DEMS : 140 personnes y travaillent et son budget est de 3,9 millions d’euros dont 1,1 million de bourses au profit des stagiaires étrangers de l’École de guerre. J’ajoute que la DEMS est implantée sur le site de l’École militaire, et comprend trois organismes : l’École de guerre (260 stagiaires militaires et auditeurs civils), le centre des hautes études militaires (CHEM) qui accueille trente auditeurs, le centre de documentation de l’École militaire. J’en viens à présent à une présentation plus fine de chaque organisme, ce qui me permettra d’évoquer les importantes évolutions introduites à compter des années 2014 et 2015 à la demande du général de Villiers, alors chef d’état-major des armées.
En premier lieu, l’École de guerre, qui s’est substitué au Collège interarmées de défense en 2012. Cette école est née en 1993 du regroupement de différentes structures d’enseignement supérieur de guerre propres à chaque armée ou interarmées, nationales ou internationales. Cette année, nous formons donc la vingt-cinquième promotion de l’École de guerre. Sa mission est de préparer des officiers supérieurs des forces armées, des directions et services, à exercer des responsabilités au sein des états-majors d’armée et interarmées, au sein des directions et services, ainsi que dans des organismes ministériels et interministériels et internationaux où se conduit et se conçoit la politique de défense et de sécurité. L’École de guerre constitue également la première étape d’identification des hauts potentiels, c’est-à-dire les futurs officiers généraux. Étalée sur neuf mois, de septembre à juin, la formation se déroule selon quatre axes : conception et constitution des capacités militaires ; planification et conduite des opérations ; culture générale, incluant des volets sur l’histoire militaire et la stratégie ; développement personnel, avec des modules du type « penser autrement » ou « convaincre ». Deux principes de formation ont été introduits en 2014-2015 : la personnalisation des formations et l’ouverture de l’école. La personnalisation permet de répondre à l’hétérogénéité des profils, de nationalités différentes et venant d’armées et de spécialisations multiples. Nos stagiaires possèdent des cursus professionnels et opérationnels divers, qu’il nous faut prendre en compte, d’autant qu’ils n’ont pas vocation à tous occuper les mêmes fonctions à la sortie de l’école. Ainsi, au-delà du tronc commun que j’ai évoqué, nous leur proposons de suivre des modules spécialisés, qui représentent dorénavant de l’ordre de 30 % de la formation. À titre d’exemple, on compte, parmi les options, les enseignements suivants : « renseignement », « ressources humaines », « finances », « relations internationales », « capacitaire ».
Cette année, la promotion de l’École de guerre compte 156 officiers français et 73 officiers étrangers venant de 61 pays différents. Ainsi, 32 % des stagiaires sont de nationalité étrangère, ce pourcentage atteignant 48 % pour les officiers de l’armée de terre. À ces 229 officiers s’ajoutent 31 auditeurs libres civils, qui doivent assister à un certain nombre de conférences durant l’année. En tout, nous accueillons donc 260 stagiaires, auxquels s’ajoutent les 24 Français en stage à l’étranger, au Royaume-Uni, en Allemagne ou ailleurs. La moyenne d’âge est de 38 ans et nous ne comptons que 7 % de femmes, cette proportion allant de 0 % pour la gendarmerie à 25 % pour les services.
J’en viens à présent au centre des hautes études militaires (CHEM), qui constitue en quelque sorte notre pointe de diamant. Le CHEM a été créé en 1911 mais existe depuis 1952 sous sa coloration interarmées actuelle. Nous connaissons donc cette année la 67e session du CHEM. Sa mission est de préparer les officiers auditeurs à l’exercice des plus hautes responsabilités dans les armées, en interarmées ou dans les administrations centrales. Il dispense une formation de nature politico-militaire et stratégique qui concerne les domaines opérationnels, la préparation du futur, le management et l’organisation des armées ainsi que les aspects interministériels et internationaux des questions de défense et de sécurité. Il contribue à l’enrichissement des réflexions stratégiques sur ces questions. Comme pour l’École de guerre, la scolarité permet d’identifier les très hauts potentiels. Parmi les colonels auditeurs, qui sont tous « généralisables » dans les années suivantes, nous identifions les futurs commandeurs, c’est-à-dire les futurs généraux quatre ou cinq étoiles. Pour être complet, j’ajouterai que les trente auditeurs du CHEM suivent un enseignement commun du lundi au jeudi, et retrouvent régulièrement leurs camarades de la session nationale « politique de défense » de l’IHEDN en fin de semaine, le vendredi et le samedi, ainsi que lors des missions de découverte des armées, organisées de septembre à janvier, puis des déplacements consacrés aux relations internationales, qui ont lieu de janvier à juin. Ainsi, 20 % de la scolarité se déroule en commun avec les auditeurs civils de l’IHEDN. Sur les trente auditeurs, on compte cette année 24 colonels français et six auditeurs étrangers : un Allemand et un Britannique, comme chaque année, un Canadien, un Américain, un Espagnol et un Malien. Depuis deux ans en effet, le CHEM accueille un officier africain.
Conformément aux évolutions souhaitées par le général de Villiers en 2014, le CHEM organise un séminaire de préparation des officiers généraux qui vient clore l’enseignement à distance suivi depuis 2015 par tous les officiers inscrits sur la liste d’aptitude. Cet enseignement comporte cinq modules : connaissance du ministère des Armées ; politique militaire ; stratégie et opérations ; construction et préparation de l’avenir ; relations internationales. Les colonels ne disposant pas du même bagage professionnel, nous leur fournissons ainsi les principales clés de compréhension dans ces domaines. Au terme de cette phase d’enseignement à distance, ils se retrouvent tous à l’École militaire pour ce séminaire, qui est l’occasion d’organiser diverses conférences et interventions des plus hautes autorités du ministère des Armées. Celles-ci permettent à nos auditeurs de passer une semaine ensemble, de mettre à jour leurs connaissances dans les principaux domaines qu’ils auront à traiter comme officier général et, à l’inverse, aux chefs d’état-major de rencontrer ces officiers et de faire passer un certain nombre de messages.
Enfin, le centre de documentation de l’École militaire, qui n’est pas un organisme de formation. Composé d’une vingtaine de personnes, essentiellement des civils, dirigé par un conservateur en chef des bibliothèques, il constitue un pôle documentaire spécialisé dans les domaines de la défense et de la sécurité nationale. Par ailleurs, le centre a pour mission d’appuyer les activités d’enseignement, notamment par la création de documents au profit des stagiaires de l’École de guerre, des auditeurs du CHEM et de l’encadrement. Enfin, il contribue à la diffusion de la pensée stratégique. L’activité de cet organisme s’inscrit donc au sein de trois cercles : l’École de guerre et le CHEM ; tous les organismes de l’École militaire dédiés à la doctrine, l’enseignement militaire supérieur, la recherche – je pense par exemple à l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM) – ou encore l’évaluation ; toute personne s’intéressant aux questions de défense même si l’accès au site est plus compliqué depuis les attentats.
Après avoir ainsi brossé en quelques mots le portrait de la DEMS et de ses composantes, je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions, y compris au sujet de l’IHEDN.
Mme Pascale Fontenel-Personne. À la tête de l’IHEDN, vous contribuez à renforcer le lien entre la Nation et sa défense ainsi qu’à cimenter une communauté de défense et de sécurité. Les enjeux de cohésion nationale et de consolidation de l’esprit de citoyenneté sont aujourd’hui primordiaux. À vos yeux, les élus eux-mêmes sont-ils suffisamment sensibilisés à ces questions, et si tel n’est pas le cas, quelles mesures pourraient y contribuer ?
M. Yannick Favennec Becot. L’IHEDN met en œuvre différentes formations visant à renforcer l’esprit de défense dans la jeunesse. Les débats actuels autour d’un service national universel ont-ils suscité des vocations plus nombreuses pour ces formations ? Quels sont d’ailleurs les profils de ces jeunes stagiaires ?
Mme Marianne Dubois. La création récente d’un cycle de formation spécialement destiné aux étudiants d’école de journalisme me paraît particulièrement pertinente, car le traitement de l’actualité de défense est aujourd’hui parfois approximatif, voire caricatural. Pouvez-vous nous présenter le contenu de cette formation et l’ampleur de son audience ?
M. Joaquim Pueyo. Dans votre intéressant exposé, vous nous avez bien indiqué les effectifs de stagiaires admis à l’École de guerre et d’auditeurs admis au CHEM, mais combien y a-t-il de candidats ? Ces formations doivent être très demandées. Comment est organisée la sélection ?
Concernant par ailleurs les stagiaires et auditeurs étrangers, notamment ceux du CHEM, comment sont-ils choisis et comment est organisée la protection du secret de la défense nationale dans le cadre d’une scolarité associant Français et étrangers ?
Mme Frédérique Lardet. Au vu de l’expérience et du bilan de l’IHEDN en matière de promotion de l’esprit de défense au sein la jeunesse, et compte tenu de ce que les armées possèdent comme savoir-faire particuliers, par exemple en matière de cohésion, quels sont selon vous les points essentiels à ne pas perdre de vue dans les débats autour du service national universel ?
Général Bernard de Courrèges d’Ustou. Monsieur Pueyo, la sélection des stagiaires de l’École de guerre ne relève pas de la direction de l’enseignement militaire supérieur, mais de chaque chef d’état-major d’armée ou directeur de service concerné, dans la limite du nombre de places attribué à leur armée ou leur service par le chef d’état-major des armées. Dans les armées et la gendarmerie, la sélection se fait par concours, et le taux de sélection s’établit, me semble-t-il, aux alentours d’un admis pour trois ou quatre candidats.
Mon rôle consiste à suivre le contenu des concours et à veiller à ce qu’il n’y ait pas de disparités excessives entre ceux-ci. D’ailleurs, l’armée de terre s’est engagée dans une réforme de sa scolarité en amont de l’École de guerre pour y réintroduire davantage de compétences tactiques. En outre, dans l’hypothèse d’une nette baisse du niveau des officiers sélectionnés ‒ hypothèse qui ne s’est jamais vérifiée ‒, il me reviendrait d’alerter les autorités compétentes, voire de proposer un ajustement du nombre de places ouvertes.
Pour ce qui est des auditeurs du CHEM, c’est le cabinet du ministre qui choisit les auditeurs français, suivant les propositions qui lui sont faites par le chef d’état-major des armées qui les sélectionne sur dossier, en liaison avec les chefs d’état-major des armées concernés. Concernant les militaires des armées, le CHEM comprend neuf places pour l’armée de terre, cinq pour la marine nationale et cinq pour l’armée de l’air. Formellement, un colonel ou un capitaine de vaisseau ne fait pas acte de candidature ; il est sollicité par sa hiérarchie. Les auditeurs du CHEM sont en outre les seuls auditeurs de droit de l’IHEDN ; les autres auditeurs sont en effet sélectionnés par l’Institut.
Pour ce qui est des stagiaires et auditeurs étrangers, il n’y a pas de concours d’entrée, mais une sélection opérée conjointement par le ministère des Armées et le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, notamment la direction de la coopération de sécurité et de défense. Ce système vise à répondre à la fois aux besoins des armées ‒ avec qui veut-on coopérer plus étroitement ? ‒ et aux enjeux diplomatiques ‒ envers quel pays veut-on faire un geste ? Cette sélection peut aussi faire l’objet de débats au sein du ministère des Armées entre les armées et la direction générale des relations internationales et de la stratégie.
La formation est commune aux Français et étrangers, ce qui peut bien sûr poser des difficultés. Nous avons ainsi été conduits à renforcer nos exigences de niveau en langue française, car même si certains cours sont dispensés en anglais, une bonne maîtrise du français est indispensable. Les stagiaires étrangers peuvent ainsi bénéficier de six mois de perfectionnement en langue française en amont de leur scolarité à l’École de guerre.
Je ne citerai pas chacune des soixante-et-une nationalités représentées cette année à l’École de guerre, mais on y trouve notamment nos principaux alliés au sein de l’Alliance atlantique, comme les Américains, les Britanniques ou les Allemands, étant entendu que c’est avec les Britanniques que nos liens sont les plus étroits. Nous accueillons également des militaires d’une vingtaine de pays d’Afrique, qui envoient chacun un stagiaire à l’École de guerre. Enfin, sept stagiaires viennent du Moyen-Orient et onze d’Asie, de pays divers comme l’Afghanistan, le Cambodge ou la Chine. Je me souviens d’ailleurs que lorsqu’il a fallu réduire de deux à un le nombre de places de stagiaires offertes à la Chine, l’attaché de défense a fait valoir que c’était peu pour 2,3 millions de soldats ! En tout état de cause, contrairement à d’autres pays, nous essayons d’intégrer nos stagiaires étrangers au maximum de nos cours, ce qui suppose toutefois certaines adaptations lorsque sont abordées des questions de renseignement ou d’autres sujets sensibles. Les cours sont alors réservés aux Français, nos camarades étrangers se voyant proposer d’autres activités, telles que des sorties culturelles ou des présentations à thème économique.
Concernant la contribution de l’IHEDN à la consolidation d’une communauté de défense, le développement d’un esprit de défense est bien au cœur du décret de 2009 qui fixe son statut. L’ouverture à des auditeurs du secteur privé est d’ailleurs une des spécificités de l’Institut depuis sa création en 1948. Il s’agit traditionnellement de cadres à hautes responsabilités. Mais après les émeutes de 2005, le vice-amiral d’escadre François Dupont, mon prédécesseur, a souhaité avec raison que l’Institut conduise également des actions en faveur de la cohésion nationale et de la citoyenneté. Ont ainsi été instituées deux sessions de cinq à six jours par an, rassemblant une cinquantaine d’auditeurs issus des territoires dits fragiles, pour des conférences, des visites et des travaux en comité visant à les sensibiliser aux questions de défense vues moins sous l’angle de ce qui nous menace que de ce qui nous rapproche.
J’ajoute que la communauté de l’IHEDN est animée aussi par quarante-trois associations présentes sur tout le territoire, y compris dans nos outre-mer, et que ces associations s’attachent elles aussi à promouvoir les valeurs de la citoyenneté par des actions de toute nature, comme des journées thématiques ou des séminaires.
Pour répondre à vos questions sur notre action spécifique en faveur de la jeunesse, je tiens à souligner la grande richesse que constituent les séminaires « jeunes » de l’IHEDN. Depuis vingt ans, une dizaine de séminaires rassemblent chacun de soixante à quatre-vingts jeunes de vingt à trente ans. Je signale que ce sont là les seules activités de l’Institut dont le public est paritaire ; il n’y a d’ailleurs pas de raison que les questions de défense et de sécurité intéressent moins les jeunes femmes que les jeunes gens. Ces séminaires sont organisés en une semaine, du lundi au samedi midi, avec hébergement en internat. La pédagogie y est la même que celle des autres activités de l’IHEDN : conférences, visites de sites militaires et industriels, et travaux en comité avec présentation le samedi devant les autorités de l’Institut ou les autorités locales, car la plupart de ces sessions se tiennent en région, y compris outre-mer. À titre d’exemple, je pars d’ailleurs la semaine prochaine à La Réunion pour clôturer à la fois une session régionale et une session « jeunes ». Le public se partage entre étudiants, pour un peu plus de la moitié des effectifs, et jeunes actifs, principalement issus du secteur privé ; il comprend quelques militaires. Étudiants et jeunes actifs se partagent à part à peu près égales. Je souligne combien ces séminaires sont stimulants, et combien l’association nationale des auditeurs jeunes de l’IHEDN est active.
S’agissant de l’offre de formations spécialement destinée aux élèves d’écoles de journalisme. Leur création résulte d’un constat : nos autres activités rassemblent surtout des convaincus, dans une forme d’entre soi. J’ai donc souhaité, de façon générale, que l’IHEDN aille vers des gens qui restent à convaincre. D’où l’ouverture des sessions de jeunes à quelques jeunes qui ont un autre bagage que la plupart de nos jeunes auditeurs, plus proche de certaines réalités. Ainsi, dans une session de quatre-vingts jeunes, on retrouvera désormais cinq à sept jeunes issus par exemple d’écoles de la seconde chance. Leur contribution est particulièrement utile dans les travaux ayant pour thème la cohésion nationale.
C’est dans le même esprit d’ouverture que nous avons créé cette année un séminaire destiné aux futurs journalistes, en lien avec quatre ou cinq écoles de journalisme et de communication ‒ ce qui n’est pas la même chose ! Je crois que c’est là un partenariat gagnant-gagnant : pour les écoles en question, l’IHEDN fournit un module pédagogique d’une semaine à leurs étudiants, dans un domaine qu’ils ne connaissent pas très bien. Cette première année est un succès. Il en ressort d’ailleurs que si certains jeunes nourrissaient à l’égard des armées des préjugés, la présentation objective des choses, sans volonté d’embrigadement, a permis de les lever. L’Institut leur avait préparé un beau programme, avec séminaires, visite d’une base aérienne et d’un régiment de chars près d’Orléans, travaux en comité. Ce succès va probablement nous conduire à doubler l’effectif de cette formation, pour la porter à quatre-vingts auditeurs. J’ai d’ailleurs été frappé du fait que des jeunes habitués aux outils de communication savent s’approprier rapidement des sujets qui leur étaient étrangers, tels que le service national universel ou la dissuasion. Bref, c’est un succès, et comme je le dis souvent : avant de convaincre, encore faut-il faire connaître.
J’en viens au service national universel. Je crois qu’il y a un grand besoin d’encadrer l’enthousiasme actuel, et certaines expériences de l’IHEDN me donnent à penser que nos séminaires « jeunes » peuvent y apporter quelque chose. Par exemple, lors d’un séminaire en région, nous avons réalisé un sondage sur l’idée d’instituer dans le cadre scolaire une cérémonie de salut aux couleurs, un peu à l’instar de ce que font les Américains. J’ai été étonné que si 60 % des jeunes s’étaient dits prêts à une telle cérémonie, une fois par semaine par exemple, pour certains autres, le drapeau n’avait en revanche aucune signification particulière. C’est à mes yeux un des enjeux du service national universel que de faire mieux connaître nos valeurs et nos symboles républicains.
Deuxième exemple, invité à des remises de diplômes organisées par un réseau de soutien aux jeunes de banlieue appelé « Les déterminés », un temps de convivialité m’a permis de discuter avec des jeunes sur le ton le plus libre qui soit. À cette occasion, j’ai été frappé à la fois par leur méconnaissance absolue des armées et, en même temps, par l’a priori très favorable qu’ils ont sur celles-ci. Cela montre que beaucoup reste à faire pour rapprocher les armées de la jeunesse. L’IHEDN y contribue par son offre de sessions. Les associations de son réseau font en ce sens un travail formidable, par exemple au sein des trinômes académiques. J’attends donc comme tout un chacun les décisions qui seront prises sur la base des différents rapports commandités, et je crois que le rôle que jouent déjà l’Institut, les associations et son fonds de dotation sera appelé à être encore approfondi.
M. André Chassaigne. Je souhaiterais tout d’abord saluer le directeur d’un établissement créé sous le gouvernement du Front Populaire, même si, à l’époque, celui-ci était nommé Collège des hautes études de la Défense nationale, puis a pris le nom d’Institut des hautes études de Défense nationale en 1948. Je souhaiterais vous interroger sur deux choses auxquelles vous avez déjà partiellement répondu. En premier lieu, il semblerait que le baccalauréat soit un prérequis nécessaire à l’intégration d’un séminaire jeunes dispensé par l’IHEDN. Ne pensez-vous pas qu’il serait intéressant d’élargir l’accession à ces séminaires à des jeunes qui n’auraient pas le bac ? Ensuite, l’Association nationale des jeunes auditeurs de l’Institut, l’ANAJ IHEDN, s’est vue confier une mission d’expertise et d’appui par la Secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale à la suite de laquelle elle a transmis des propositions quant à la mise en œuvre du service national universel. Cette démarche signifie-t-elle que vous aurez un rôle à jouer dans l’élaboration du SNU ?
Mme Aude Bono-Vandorme. Le passage par l’École de guerre est-il une obligation, c’est-à-dire une condition nécessaire bien que non suffisante, pour « accéder aux étoiles » ? D’autre part, le temps de préparation aux concours est-il identique pour chaque corps d’armée ou le processus est-il facilité pour l’armée de terre ?
M. Loïc Kervran. Pourriez-vous revenir sur le profil des enseignants et sur la façon dont ce profil permet « to think outside the box » (penser de façon non conventionnelle, originale et créative), c’est-à-dire un certain renouvellement de la pensée ?
M. André Chassaigne. Pourrions-nous avoir la traduction des mots prononcés en anglais ? (Sourires)
M. Loïc Kervran. … d’autre part, quels liens l’IHEDN entretient-il avec le monde de la recherche, l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire faisant, à ma connaissance, uniquement partie de la direction générale des relations internationales et stratégiques du ministère des Armées ?
Mme Patricia Mirallès. Dans la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale, il est envisagé, afin d’assurer une formation minimale en cyberdéfense, de permettre à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) de labelliser des formations continues à destination des agents du service public. Aussi, quel rôle pourrait endosser l’IHEDN aux côtés de l’ANSSI dans ce projet et quelle serait la valeur ajoutée desdites formations ?
M. Laurent Furst. Je pensais poser ma question en alsacien, toutefois je me contenterai du français ! Être formateur consiste à préparer et penser une part de l’avenir. Les conflits étant de plus en plus internationalisés, quelle vision avez-vous de l’usage des langues étrangères dans l’armée, notamment de l’anglais ? Son apprentissage doit-il être généralisé et le combattant de demain devra-t-il être en mesure de parler anglais ? D’autre part, la guerre étant également de plus en plus numérisée, quel niveau en informatique devraient atteindre les soldats de demain ?
Mme François Dumas. Ayant moi-même été auditrice de l’IHEDN, j’ai pu bénéficier de ce qui a été, à mes yeux, bien plus qu’une formation mais une véritable expérience humaine et personnelle. Cette session nous a ramenés à notre condition d’humains, égaux en droits et en obligations à défendre notre pays. Comment mieux faire connaître cet institut au niveau régional, notamment auprès d’élus locaux moins habitués à ces sujets, mais aussi auprès des entreprises avec qui les liens devraient être renforcés ? Par ailleurs, comment pouvons-nous vous y aider ? Comment participer à l’élaboration et au renforcement d’un esprit de défense européen ? Nous avons en effet un véritable rôle à jouer dans la promotion et la reconnaissance de cet esprit comme nous l’avons constaté lors de notre récent déplacement en Chine.
Général Bernard de Courrèges d’Ustou. Il est en effet indiqué dans nos informations d’inscriptions que le niveau baccalauréat est requis pour accéder aux séminaires jeunes de l’IHEDN. Toutefois, j’ai manifesté ma volonté d’ouvrir ces formations à une proportion de jeunes ne disposant pas de ce diplôme tout en conservant un certain équilibre dans le groupe. Nous accueillons désormais des jeunes issus des Écoles de la deuxième chance ou de l’Institut de l’engagement ne disposant pas nécessairement du baccalauréat. Nous en recevons entre cinq et six intégrés à des promotions de quatre-vingts jeunes. Je me souviens avoir reçu il y a quelques années trois jeunes de l’École de la deuxième chance des Yvelines, recrutés par le biais de l’ANAJ (association des auditeurs jeunes) et de la sous-préfète déléguée à l’égalité des chances. La formation attirant beaucoup d’étudiants de grandes écoles de type Sciences Po et des jeunes actifs, l’ensemble des participants s’est présenté habillé de manière très formelle et élégante le premier jour. L’un de ces trois jeunes, arrivé en tenue décontractée, notamment en jeans, est rapidement reparti, gêné, tandis que les deux autres sont restés. Ces derniers, enthousiasmés par la formation, ont témoigné de leur expérience dans un article de presse particulièrement positif où ils relataient « une belle expérience », des découvertes exceptionnelles et de nouvelles amitiés nouées durant cette semaine. Ils en ont ainsi conclu qu’au-delà de leurs formations académiques et niveaux sociaux, l’ensemble de ces jeunes pouvaient avoir des points communs, ce qui les a par ailleurs encouragés à garder le contact.
Je conclurai en disant qu’il est en effet désirable d’ouvrir la formation, en avançant toutefois progressivement afin de conserver un bon équilibre.
S’agissant de la contribution de l’ANAJ sur le service national universel, il est logique qu’elle s’investisse dans la mesure où elle se trouve plutôt en pointe sur la question de l’intégration et de la cohésion nationale. De manière générale, toutes les associations qui nous sont liées se sont investies sur ce sujet et différents rapports ont été établis. L’ANAJ avait quant à elle décidé de créer une « task force » de réflexion et, comme ses membres ont beaucoup d’entregent, leurs travaux sont parvenus au cabinet de la ministre des Armées, cette dernière les ayant finalement reçus afin de leur permettre de présenter leurs propositions. Il me semble que le rapport rendu par la commission dite « Ménaouine » reprend certaines d’entre elles, notamment s’agissant de la nécessité de consulter les jeunes. Ce rapport de l’ANAJ est d’ailleurs public et peut être consulté librement sur son site internet.
Concernant le parcours des officiers, il n’est pas inscrit dans les textes qu’un passage par l’École de guerre soit une condition de la nomination au grade de général. Néanmoins, force est de constater qu’en pratique, si un officier n’est pas breveté, il n’a que de faibles chances d’accéder au grade de général. Il s’agit d’une condition de plus en plus nécessaire, mais qui n’est évidemment pas suffisante. Je tiens néanmoins à rappeler que l’École de guerre n’accueille pas que des saint-cyriens, pour ne parler que de l’armée de terre, mais également des personnes qui ont gravi les échelons au sein des armées, et sont devenues officiers après avoir passé les concours en interne lorsqu’ils étaient sous-officiers. Les profils sont donc réellement très divers.
Le concours d’accès à l’École de guerre diverge selon les armées, même si la tendance était à l’harmonisation ces dernières années. Il me semble, Madame Bono-Vandorme, que le point que vous évoquez se rapporte à une époque aujourd’hui révolue, lorsque l’armée de terre avait mis en place un vrai bachotage pour préparer le concours. Aujourd’hui, les officiers qui préparent le concours ne sont pas plus préservés que d’autres, et sont maintenus en poste au sein des régiments, dans des états-majors ou en cabinet ministériel, et aménagent leur temps de travail ou prennent sur leur temps libre. Le général de Villiers avait d’ailleurs manifesté le souhait de ne pas allonger les périodes d’indisponibilité des officiers au-delà du temps de la scolarité.
J’en viens à la question de M. Kervran relative au profil des enseignants. Concernant le CHEM, la réponse est assez simple : il n’y a pas vraiment d’enseignants puisque nous recourrons à des praticiens. C’est ainsi que le chef d’état-major des armées intervient trois fois par an devant les auditeurs du CHEM, dans un format d’une discussion libre d’une heure et demie. Selon les modules interviennent ainsi les chefs d’état-major, les responsables des différentes administrations, des universitaires, des membres des structures d’enseignement étrangères, les responsables des structures intervenant dans le champ du renseignement, etc. S’agissant de l’École de guerre, je passe volontiers la parole à mon voisin.
Colonel François Villiaumey, directeur des études de l’École de guerre. L’École de guerre ne compte pas non plus de corps professoral dédié. En revanche, une équipe pédagogique est chargée de concevoir l’enseignement, c’est-à-dire de fixer les objectifs, de poser les bonnes questions et d’identifier les meilleurs intervenants possibles pour y répondre. Ainsi, les aspects opérationnels sont traités par des officiers de l’état-major des armées, ou de généraux revenant des théâtres d’opération ou, plus largement, de ce que j’appellerai les têtes de chaînes du ministère des Armées pour réfléchir aux questions touchant à la conception des capacités. De ce point de vue, les modalités d’enseignement sont relativement proches de celles mises en œuvre au CHEM. En revanche, nous nous distinguons davantage s’agissant des modules plus spécifiques. À titre d’exemple, lorsque nous abordons le module relatif à l’art de convaincre, nous recourrons à des professionnels de la scène ou des avocats. Récemment, un module consacré à l’improvisation à l’oral a été l’occasion de solliciter des professionnels de la danse, du théâtre, de la musique, afin de placer nos stagiaires hors de leur zone de confort et de tester leur manière de réagir. Vous avez donc parfaitement raison d’évoquer le concept de « out of the box » car c’est vraiment ce qui nous guide pour tester la capacité des officiers à sortir des rails sur lesquels ils ont passé les quinze premières années de leur vie militaire. S’agissant de l’enseignement des matières plus académiques comme l’histoire, la géopolitique ou la stratégie, nous faisons appel à des professeurs des universités avec lesquelles nous avons noué des partenariats, mais également à l’IRSEM, dont le cahier des charges prévoit la dispense d’un enseignement au profit de l’École de guerre. Dans ce contexte, l’Institut de stratégie comparée, présidé par le professeur Georges-Henri Soutou, nous accompagne dans la définition de nos besoins concernant l’enseignement académique.
J’aimerais également dire un mot de l’enseignement de l’anglais, qui constitue un axe fort de notre scolarité. En effet, nos opérations sont essentiellement conduites en anglais, à l’exception notable de celles qui se déroulent dans la bande sahélo-saharienne. L’efficacité opérationnelle suppose donc la maîtrise de l’anglais et la totalité des officiers français suivent un enseignement en anglais, dont le niveau est équivalent à celui requis pour réussir le Test of English for International Communication (TOEIC). Il s’agit de rendre nos officiers capables d’interagir et d’évoluer dans un environnement anglo-saxon. Au-delà, nous avons mis en place trois équipes, composées de ceux qui sont le plus à l’aise dans la langue, dédiées au débat, à la rédaction de mémoire et au networking à l’anglo-saxonne. Je tiens à vous indiquer que notre équipe de débat a affronté et vaincu, il y a quelques semaines, les équipes d’Harvard, de Yale ou encore de Columbia University. Notre équipe a également battu son homologue de l’École de guerre britannique de Shrivenham. La qualité de cet enseignement est remarquable. De même, notre équipe chargée de la rédaction de mémoires a récemment exposé ses travaux au Département d’État américain, qui les a sélectionnés en vue d’une présentation au Congrès. Une telle reconnaissance témoigne, une fois encore, de la qualité des travaux de nos stagiaires. Un certain nombre d’entre eux seront publiés en anglais afin de pallier la faible visibilité de la France sur la scène internationale s’agissant des travaux de recherche dans ce domaine.
Pour conclure, l’informatique. Aujourd’hui, nous l’abordons essentiellement sous l’angle de la cyber-sécurité. À compter de l’an prochain, nous essaierons de davantage évoquer la liberté que représente le monde cyber. Dans ce cadre, nous avons noué un partenariat avec HEC et l’École 42 afin d’intégrer une quinzaine de nos stagiaires à un module de préparation à la création d’une start-up. Ce monde nous est, il est vrai, assez étranger ; il nous faut absolument le comprendre et le maîtriser.
Général Bernard de Courrèges d’Ustou. Pour compléter les propos du colonel, j’ajouterai que concernant l’anglais, nos officiers disposent d’un niveau réellement excellent, notamment ceux qui ont été amenés à travailler régulièrement en anglais dans le cadre des opérations qu’ils ont eues à mener – je pense avant tout aux marins et aux aviateurs. Pour les autres, il convient de les remettre à niveau et nous fournissons un effort important en la matière. J’ajoute que le CHEM comprend également un module d’enseignement consacré à l’anglais. Enfin, pour l’informatique, il ne s’agit pas de donner des cours d’informatique mais plutôt d’insister sur des points précis en faisant intervenir des acteurs qualifiés comme l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). Au CHEM, il arrive également que des chercheurs interviennent, comme ce fut le cas, par exemple, concernant les derniers développements en matière d’intelligence artificielle.
S’agissant de la cyberdéfense, nous venons de créer, en lien avec l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice, une nouvelle session nationale consacrée à la souveraineté numérique et à la cybersécurité. Elle rassemble une trentaine d’auditeurs pour une vingtaine de jours dans l’année. Il s’agit d’auditeurs de haut niveau, qui ne sont pas des spécialistes de la matière du point de vue technique : il s’agit de directeurs d’administration centrale, de cadres siégeant aux comités exécutifs d’entreprises. Cette session vise à sensibiliser ces hauts responsables aux grands enjeux de cybersécurité et de souveraineté numérique. Les inscriptions à cette session ont été ouvertes ‒ en ligne ‒ et la formation commencera en septembre prochain.
Madame Dumas, merci de vos bons mots pour l’Institut. Pour ce qui est de notre action auprès des élus locaux, elle repose notamment sur l’action de nos trente-deux associations régionales, dont l’activité dépend beaucoup de l’engagement de leur équipe dirigeante ; il leur appartient à eux aussi de sortir de leur zone de confort. En parallèle, l’IHEDN lui-même anime des cessions territoriales. Elles durent vingt jours par an, ce que certains cadres du secteur privé peuvent trouver trop contraignant. On peut regretter que le secteur public soit surreprésenté parmi les auditeurs de ces sessions. Il nous faut donc aller chercher de nouveaux publics par divers moyens, non seulement la publicité mais aussi le bouche-à-oreille. Pour cela, nous comptons beaucoup sur les élus nationaux et locaux, qui sont bien entendu des relais de premier choix, de même que les trinômes académiques. Et bien entendu, le service national universel changera la donne, et la communauté de l’IHEDN devra monter en ligne.
Quant à l’Europe, c’est évidemment une dimension importante de notre action, et toutes nos sessions comportent des modules d’étude consacrés à l’Europe, avec des déplacements d’étude dans certains pays et à Bruxelles. Il faut d’ailleurs reconnaître que ce ne sont pas toujours les modules que nos auditeurs trouvent les plus enthousiasmants, car l’Europe apparaît souvent comme une « grosse machine ». Par ailleurs, l’IHEDN participe beaucoup à la formation des Européens. Il est d’ailleurs le seul organisme de ce type à organiser tous les ans une session européenne des responsables d’armement rassemblant une soixantaine de hauts décideurs de l’industrie, venant de vingt-huit pays d’Europe. Cette session dépasse d’ailleurs le périmètre de l’Union européenne car elle intègre par exemple la Turquie et continuera à intégrer le Royaume-Uni après le Brexit. Il participe ainsi à la constitution d’une communauté de l’industrie de défense en Europe. De plus, l’Institut participe au collège européen de sécurité et de défense, un institut de formation continue basé à Bruxelles.
Enfin, une réflexion est en cours autour de l’idée d’une session nationale à l’échelle européenne, basée sur le modèle de la session nationale « politique de défense ». Il s’agirait de réunir trois responsables par pays : un militaire, un dirigeant civil du secteur privé et un cadre du secteur public. Nos suggestions sont en cours d’étude au cabinet de la ministre.
Mme Séverine Gipson. Mon général, vous avez répondu en partie à ma question. Lors de précédentes auditions, notamment de madame la ministre des Armées, ou encore à l’occasion de la visite à l’école de l’air de Salon-de-Provence, j’ai constaté une forte volonté d’intégrer aux formations des enjeux tels que l’innovation, la recherche, les nouvelles technologies telles que les drones mais aussi le cyber. Comment ces nouveaux métiers seront-ils pris en compte dans l’enseignement militaire supérieur ?
M. Jean-Philippe Ardoin. Le président de la République a lancé, le 26 septembre 2017, l’initiative européenne d’intervention (IEI). La France entend ainsi proposer à un cercle initial restreint d’États européens ayant la volonté politique et la capacité militaire d’assumer un engagement en opérations, des partenariats, en leur proposant des projets concrets dans quatre domaines d’action : l’anticipation stratégique, le retour d’expérience, le partage de doctrine et l’appui aux opérations. Notre pays, en tant qu’acteur fondamental de l’Union européenne, veut favoriser le développement d’une culture stratégique européenne. Dans son discours du 16 février à l’École militaire, le Premier ministre a rappelé l’importance de l’Institut des Hautes études de défense nationale. Quel sera donc le rôle de l’Institut dans les futures coopérations multilatérales au sein de l’Union européenne ainsi que dans la relation bilatérale franco-britannique ?
M. Stéphane Demilly. Je poursuis sur l’Europe, Mon général. Dans le cadre de sa journée annuelle de rayonnement à Bruxelles, l’IHEDN organise, le 15 juin prochain, je crois, un séminaire intitulé « Jeux et enjeux de puissance : Europe, États-Unis, Chine et Russie ». L’objectif affiché de ce séminaire est, semble-t-il, d’étudier les enjeux et les perspectives pour l’Union européenne, dans un contexte d’interrogations sur la politique étrangère américaine, la stratégie russe et les ambitions chinoises. La France multiplie les initiatives pour construire une véritable Europe de la défense, le contexte international actuel semblant propice à la relance de cette belle et grande idée à laquelle l’Union des démocrates indépendants est évidemment sensible. Je voudrais connaître votre opinion sur ce sujet. Sera-t-il l’objet de discussions, le 15 juin, à Bruxelles ?
Mme Alexandra Valetta-Ardisson. Le cyber prend une place croissante dans notre société et la défense n’y échappe pas. Pensez-vous que nos élites ont une formation suffisamment pointue en la matière ou devrions-nous avoir une doctrine de formation plus stratégique et offensive en matière de souveraineté numérique ?
M. Jean-Michel Jacques. Nous sommes dans l’obligation de repenser continuellement nos stratégies de défense. Le monde change constamment et nous assistons à l’émergence de nouveaux rapports asymétriques qui n’existaient pas auparavant, notamment avec la Chine ou la Russie. Vous avez participé personnellement à la rédaction du Livre blanc en 2008. En 2017, une Revue stratégique a été privilégiée. Pensez-vous que nous assistons à la fin d’une ère, celle des Livres blancs, au profit d’exercices plus courts ou est-ce un épisode singulier ?
M. Jacques Marilossian. La loi de programmation militaire fixe une trajectoire d’augmentation du budget des armées de 50 % d’ici 2025. Lors de sa visite à l’IHEDN précédemment évoquée, le 16 février, le Premier ministre a évoqué Marc Bloch, auteur de L’étrange défaite, qui soulignait les erreurs de perception des généraux français en 1940 : « Nos chefs n’ont pas su penser cette guerre. Le triomphe des Allemands fut essentiellement une victoire intellectuelle et c’est peut-être là ce qui est le plus grave ». Aujourd’hui, alors que les technologies ont sensiblement progressé et que les menaces sont devenues plus complexes voire multiformes, je vois que l’expérience d’exécution et de terrain de nos officiers généraux est le fruit de leur vécu, il y a vingt ou trente ans, donc au XXe siècle. Cela leur donne-t-il une vision pertinente de ce qu’est la guerre du XXIe siècle ? Pouvez-vous nous rassurer ? Pouvez-vous nous décrire de manière plus explicite comment nous construisons une pensée stratégique française et, bien entendu, européenne, pour le XXIe siècle ?
M. Christophe Lejeune. L’IHEDN vise à faire dialoguer les responsables politiques à haut niveau, civils et militaires. C’est ce qu’indique la présentation. Dans quelle mesure les militaires du rang et les sous-officiers sont-ils associés à ces travaux, eux qui ont parfois une perception différente du terrain ? Des formations leur sont-elles spécifiquement dédiées ? Participent-ils aux travaux de réflexion ? Un autre institut du même genre regroupe-t-il ces catégories de militaires ?
M. Jean-Jacques Ferrara. Depuis bientôt un an, dans le cadre de nos rencontres à l’Assemblée et sur le terrain, j’ai acquis le sentiment que le niveau de nos officiers supérieurs était envié par nos alliés. Cela est certainement attribuable à la qualité de leur formation et à l’enseignement dispensé dans nos grandes écoles militaires. Partagez-vous mon sentiment ? Je pense que vous allez me répondre positivement. (Sourires) Et, en second lieu, quelles sont, selon vous, les pistes de progrès pour que nos officiers soient encore meilleurs ?
M. François André. Quelles ressources budgétaires sont dévolues à l’enseignement supérieur militaire ? À combien s’élèvent les effectifs ? J’ai cru comprendre qu’il n’y avait pas de corps professoral en tant que tel. Pour autant, je suppose que des personnels assurent le fonctionnement de ces établissements. Combien sont-ils et avez-vous subi, vous aussi, des « déflations » par le passé ? À la lumière de la loi de programmation militaire, quelles sont les perspectives d’évolution dans les années à venir ?
M. Philippe Chalumeau. L’IHEDN rencontre un véritable succès auprès des parlementaires qui sont nombreux à s’y porter candidats, ce qui rend la sélection ardue, mais je tenais quand même à vous en féliciter et à vous remercier. Cela témoigne de l’intérêt pour la chose militaire et j’estime que nous avons véritablement changé de culture ces dernières années. Au cours d’une audition récente, le chef d’état-major des armées a déploré l’inconstance et l’affaiblissement de l’engagement de la génération dite « zapping », aussi bien chez les militaires du rang que parmi les officiers supérieurs, notamment les saint-cyriens. Bien que ce ne soit pas directement votre sujet, quel regard portez-vous sur cette évolution sociétale ? Vos formations intègrent-elles ce type de parcours ?
Général Bernard de Courrèges d’Ustou. Le menu est conséquent ! Je vais essayer de répondre rapidement à chaque question.
S’agissant de l’innovation dans les formations militaires supérieures, nous intégrons dans les programmes de l’École de guerre des éléments ayant trait à la conception et à la construction de capacités, qui vont servir ensuite pendant des décennies. Typiquement, je pense aux études qui seront prochainement lancées sur des sous-marins nucléaires d’attaque qui entreront en service en 2036. Au Centre des hautes études militaires, les officiers supérieurs sont sensibilisés à la préparation de l’avenir, notamment sur les nouvelles technologies, l’innovation, la conception et la construction des capacités et des équipements par des officiers et des ingénieurs de l’armement. Ces notions sont donc bien intégrées, aussi bien pour les jeunes officiers supérieurs de l’École de guerre que pour les colonels expérimentés du CHEM. Dans ce dernier cadre, l’état-major des armées sollicite parfois des auditeurs pour des travaux de réflexion ou de prospective. Dans les deux cursus, les conférences du matin sont généralement suivies par des séances de réflexion collectives l’après-midi. C’est de cette façon que nous intégrons l’innovation. L’action volontariste de la ministre renforce notre motivation à persévérer dans cette voie.
S’agissant de l’initiative européenne d’intervention, nous ne sommes pas concernés par l’appui opérationnel mais plutôt par les domaines relatifs à l’anticipation et à la doctrine. J’ai déjà évoqué nos travaux sur les enjeux européens. S’agissant des coopérations à proprement parler, l’IHEDN ne travaille pas avec l’ensemble des pays de l’Union européenne mais échange en bilatéral avec ses principaux partenaires qui sont – pour faire simple – les Britanniques, même s’ils sortent de l’Union européenne, les Allemands, les Italiens et les Espagnols. Je dois reconnaître que ce n’est pas forcément avec les Allemands que nous avons le plus d’atomes crochus – nous avons un peu de mal à les emmener sur les enjeux d’innovation et nous n’avons pas vraiment la même mentalité opérationnelle. En revanche, nous avons énormément d’échanges avec les Britanniques, que ce soit au niveau de l’École de guerre, du CHEM ou via des exercices communs. Ce n’est pas l’Union européenne mais bien la défense de l’Europe. Nous encourageons les pays européens à jouer un rôle en matière de défense, autour de l’Europe ou plus loin. Nous incitons notamment nos amis européens à venir à nos côtés montrer le pavillon en mer de Chine méridionale.
Je confirme que nous organisons tous les ans une journée à Bruxelles avec un institut de recherche pour assurer la visibilité de l’IHEDN. Nous nous faisons épauler par des spécialistes de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire. Cette année, elle aura lieu le 15 juin, en partenariat avec l’Institut Royal des relations internationales Egmont et le soutien du Collège européen de sécurité et de défense, avec les thèmes que vous avez indiqués. Deux tables rondes auront lieu sur l’Europe, l’une sur des aspects politiques et diplomatiques, l’autre plus spécifiquement sur les aspects militaires et la construction de l’Europe de la défense. Cela représente une demi-journée. C’est très rapide. Pour être honnête, ce n’est pas forcément le moment où ces sujets sont développés avec le plus de temps ou d’intensité. Il s’agit de s’assurer que l’IHEDN est bien identifiée dans les milieux européens intéressés par la défense et la sécurité, autrement dit : de montrer le pavillon.
S’agissant de la souveraineté numérique, je précise que je n’en suis pas spécialiste bien qu’ayant une formation scientifique, j’ai un intérêt personnel pour les questions relatives à l’intelligence artificielle. Nous avons créé une session Souveraineté numérique et cybersécurité avec l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice précisément pour combler le manque constaté à haut niveau dans notre pays. Vous avez dû le voir avec Guillaume Poupard qui arrive à mobiliser des décideurs au cours d’une vingtaine de matinées par an afin de les sensibiliser aux principaux enjeux de la souveraineté numérique, comme nous avons parfaitement su le faire, du reste, dans le domaine maritime. Je pourrais vous citer les stratégies des GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple), bien connus aujourd’hui, ou comme je reviens de Chine, celles des BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) qui sont quelque peu différentes. En tout état de cause, tous les acteurs doivent être sensibilisés, pas uniquement l’administration, notamment les grandes entreprises et les élus. En dehors des modules qui existent déjà dans la plupart de nos formations, nous lançons donc cette session nationale qui concernera une trentaine d’acteurs par an issus de différents secteurs professionnels et permettra de créer une communauté autour de ces problématiques. C’est une des richesses de l’IHEDN.
La question sur le Livre blanc ou la Revue stratégique sort quelque peu de mon champ. Je n’étais qu’un simple scribe à l’époque du Livre blanc de 2008, un observateur auprès de la commission de Jean-Claude Mallet. Mais j’ai suivi aussi l’élaboration du Livre blanc en 2013. Et aujourd’hui, je n’ai pas le sentiment que nous soyons confrontés à un changement fondamental. Le souhait d’aller vite a, me semble-t-il, motivé le recours à la Revue stratégique dont le périmètre est restreint aux armées. Mais je pense qu’il est souhaitable, comme le font du reste les Américains ou les Britanniques, de prendre le temps de conduire des exercices plus complets puisque comme vous le savez les questions de défense et de sécurité ne concernent pas uniquement les armées. L’exercice du Livre blanc ne me paraît donc pas dépassé. D’ailleurs, une grande part des prédictions du Livre blanc de 2008 s’est réalisée, peut-être plus vite ou avec plus d’intensité qu’anticipé, mais finalement sans que nous soyons surpris par des éléments nouveaux. C’est donc que l’exercice avait sa pertinence.
Monsieur Marilossian, s’agissant de la formation de nos officiers généraux, je tiens à préciser que leur engagement opérationnel ne date pas d’il y a trente ans. Le sous-chef Opérations à l’état-major des armées dirigeait encore l’opération Serval il y a cinq ans. La grande majorité de nos officiers généraux ont donc une expérience opérationnelle de leur niveau, ou de colonel commandant un régiment, assez récente. Pour autant, ce n’est pas suffisant car il faudra gagner la guerre de demain en étant capable de l’imaginer aujourd’hui. Ce que nous vivons aujourd’hui dans le cadre des opérations Barkhane ou Chammal est évidemment différent de ce que nous pourrions connaître dans d’autres circonstances au Moyen-Orient, ou en Asie, où les différences sont aussi bien qualitatives que quantitatives. Le devoir des chefs militaires et des autorités politiques, c’est de préparer la victoire de demain. L’exercice de synthèse de l’École de guerre – un exercice de coalition mené sur cinq semaines – a été amendé récemment pour aborder des enjeux tels que les prises d’otages, la présence d’organisations non gouvernementales, la bataille des perceptions avec les médias. Mais il a un fond classique, si je puis dire, de conflit de haute intensité pour que nous ne perdions pas non plus certains savoir-faire. Nous avons le souci constant de maintenir ces savoir-faire qui, compte tenu de nos engagements opérationnels actuels, ne sont pas utilisés et dont nous pourrions avoir besoin dans d’autres occasions. J’espère vous avoir rassuré !
Enfin, si les militaires du rang et les sous-officiers ne sont pas les premiers associés aux réflexions sur la préparation de l’avenir, les auditeurs de nos sessions sont en contact avec eux dans tous leurs déplacements d’études, et leurs échanges sont mutuellement enrichissants. J’ajoute que c’est le rôle de la hiérarchie militaire, jusqu’aux chefs d’état-major, de faire remonter leurs avis et leurs préoccupations ; à titre d’exemple, le chef d’état-major de l’armée de terre était hier encore en réunion avec des présidents des sous-officiers, c’est-à-dire des représentants de cette catégorie. Être au contact de l’ensemble des personnels est une préoccupation constante de la hiérarchie. Enfin, on compte parfois parmi les auditeurs de nos séminaires régionaux et nos sessions « jeunes » des sous-officiers, voire des militaires du rang.
Monsieur Ferrara, il est vrai que nous sommes regardés avec admiration, ou à tout le moins avec respect, par nos alliés, même les plus importants, comme les États-Unis. Mes déplacements à l’étranger me permettent de mesurer la haute opinion dans laquelle sont tenues les armées françaises, y compris aux États-Unis, non seulement pour le succès de nos opérations, mais pour la qualité des militaires français ‒ et je ne pense pas seulement aux officiers. Nos militaires du rang font preuve de hautes qualités professionnelles tout en demeurant aptes à rester rustiques, voire râleurs, c’est bien connu ! Nos corps de sous-officiers eux aussi sont reconnus pour leur valeur, qui constitue un atout très précieux dans une armée. Enfin, la qualité de nos officiers, tout aussi reconnue, tient nécessairement au moins pour une part à l’efficacité de notre appareil de formation, initiale comme continue, qui réussit à les préparer à tous types d’opérations sans se limiter au retour d’expérience de celles d’aujourd’hui.
Concernant nos ressources, Monsieur André, le budget de ma direction s’établit à quatre millions d’euros par an environ. Ses effectifs représentent à peu près 140 personnels, répartis de la façon suivante : 60 à l’École de guerre, neuf cadres au CHEM, 20 personnels au centre de documentation et une cinquantaine de personnels dans l’équipe de direction, qui est chargée de la coordination et la synthèse de l’ensemble, du soutien administratif et des relations internationales. Nos effectifs ont subi des déflations, portant notamment sur l’équipe de l’École de guerre, qui a dû repenser complètement son programme et ses méthodes pédagogiques en laissant davantage d’autonomie aux stagiaires, ce qui suppose néanmoins des liens étroits avec l’encadrement. En réalité, mes préoccupations tiennent moins, aujourd’hui, au nombre de postes ouverts au sein de ma direction qu’au fait qu’ils soient effectivement pourvus, ce qui s’avère difficile dans un contexte de hausse des effectifs qui, paradoxalement, crée des tensions dans les effectifs d’officiers. En effet, leur temps de formation étant plus long que celui des militaires du rang, les besoins accrus d’encadrement dans les forces créent un appel d’air pour les officiers, notamment les officiers supérieurs, et les sous-officiers chargés du soutien. Certaines vacances dans le tableau d’effectifs de ma direction commencent à poser des problèmes. S’agissant de l’IHEDN, son budget représente 10 millions d’euros environ, provenant pour 70 % des crédits des services du Premier ministre et de ceux du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, les 30 % restants correspondant aux frais d’inscription perçus par l’Institut. Ses effectifs représentent 90 personnels.
Pour finir avec la question concernant la fidélisation des officiers, il faut bien sûr éviter que des officiers dans la formation desquels l’institution a beaucoup investi ne la quittent juste après l’École de guerre. La refonte de la scolarité s’inscrit dans un effort d’attractivité des carrières, avec l’effort de personnalisation et d’ouverture de la formation que je vous ai décrit. La scolarité refondue exploite les moyens numériques modernes pour faire une large place à l’autonomie des stagiaires et aux échanges de vues, aux discussions, à ce que l’on appelle le brainstorming. En outre, l’ouverture aux autres armées et au monde civil est favorisée ; nous avons ainsi, par exemple, un partenariat avec la Cour des comptes. Ainsi, tout en nous gardant de faire dans le « zapping », nous nous adaptons à la fois aux mœurs et aux besoins des employeurs. Je tire d’ailleurs de mes discussions avec les stagiaires l’impression que ceux-ci sortent satisfaits de leur scolarité à l’École de guerre.
M. le colonel François Villiaumey. J’ajoute que je peux témoigner du sérieux et de l’engagement personnel des stagiaires actuels de l’École de guerre. Entrés en service dans les années 2000, ils ont été engagés dans les opérations conduites depuis lors ; c’est vraiment la « génération du feu ». Ce chiffre est sorti : 30 officiers ont directement donné la mort. Forts de cette expérience, ils arrivent à l’École de guerre animés par une solide volonté d’apprendre, d’être formés au commandement interarmées et à la constitution de capacités. L’École les encourage à pousser leurs réflexions en dehors de leur zone de confort intellectuel, à « penser out of the box » comme disait l’un d’entre vous, et eux s’attachent à mettre le produit de ces réflexions dans l’optique de préparation des opérations militaires.
*
* *
Information relative à la commission
La commission a désigné Mme Manuéla Kéclard-Mondésir secrétaire du bureau de la commission.
La séance est levée à onze heures trente.
*
* *
Membres présents ou excusés
Présents. – M. Damien Abad, M. Louis Aliot, M. François André, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Jean-Philippe Ardouin, M. Didier Baichère, M. Xavier Batut, M. Thibault Bazin, M. Christophe Blanchet, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Ian Boucard, M. Jean-Jacques Bridey, M. Philippe Chalumeau, M. André Chassaigne, M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Stéphane Demilly, Mme Marianne Dubois, Mme Françoise Dumas, M. M’jid El Guerrab, M. Olivier Faure, M. Yannick Favennec Becot, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Jean-Marie Fiévet, M. Philippe Folliot, Mme Pascale Fontenel-Personne, M. Laurent Furst, M. Claude de Ganay, Mme Séverine Gipson, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Jean-Michel Jacques, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Loïc Kervran, Mme Anissa Khedher, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Fabien Lainé, Mme Frédérique Lardet, M. Christophe Lejeune, M. Jacques Marilossian, Mme Sereine Mauborgne, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Patricia Mirallès, M. Joaquim Pueyo, M. Gwendal Rouillard, M. Antoine Savignat, M. Thierry Solère, Mme Sabine Thillaye, Mme Laurence Trastour-Isnart, Mme Nicole Trisse, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Patrice Verchère
Excusés. – M. Florian Bachelier, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Luc Carvounas, M. Thomas Gassilloud, M. Christian Jacob, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Franck Marlin, Mme Josy Poueyto, M. François de Rugy, M. Pacôme Rupin, M. Charles de la Verpillière
Source: Assemblée nationale