Commission de la défense nationale et des forces armées
Présidence de M. Jean-Jacques Bridey, président
La séance est ouverte à dix-sept heures.
M. le président Jean-Jacques Bridey. Madame la ministre, nous sommes heureux de vous accueillir pour cette audition sur le projet de loi de finances pour 2018.
Nous avons entendu les annonces faites à la suite du Conseil des ministres, mercredi dernier, et noté avec intérêt la forte progression des crédits prévue pour 2018. Cela ne peut que réjouir l’ensemble de la commission et la communauté des armées. Ce PLF s’inscrit dans le cadre de la croissance progressive des moyens annoncée et confirmée à plusieurs reprises par le président de la République pour atteindre les 2 % du PIB.
Mme Florence Parly, ministre des Armées. La présentation du budget est toujours un moment important, pour votre travail de législateur et pour nos armées.
Avant d’y venir, je voudrais d’un mot, à la suite de l’événement de Marseille, rendre hommage aux militaires de l’opération Sentinelle et leur exprimer notre reconnaissance collective pour leur efficacité et leur engagement.
Depuis que nous nous sommes vus en juillet, j’ai rencontré certains d’entre vous à plusieurs reprises, comme à l’université d’été de la défense à Toulon, et je suis très heureuse de la qualité de ces contacts.
Le projet de loi de finances pour 2018, en croissance, vous l’avez souligné, Monsieur le président, est une réponse : une réponse à l’engagement exceptionnel de nos armées, à notre devoir d’assurer la sécurité des Français, au financement de nos ambitions, de notre soif d’innovation et de notre volonté d’aider concrètement les femmes et les hommes du ministère des Armées.
C’est un budget de remontée en puissance que je suis particulièrement fière de vous présenter puisqu’il propose à votre examen une hausse historique de 1,8 milliard d’euros des moyens consacrés à nos armées, du jamais vu depuis au moins vingt ans. Ce budget en forte progression, dans un contexte par ailleurs contraint, est une réponse qui nous permet à la fois de faire face aux exigences du court terme, et il y en a, et de préparer l’avenir avec confiance et ambition.
Pour mesurer l’ampleur de cet effort inédit, s’il ne fallait retenir que trois chiffres je vous proposerais le triptyque suivant : 1,8 milliard, 30 milliards, et 1,8 %.
Tout d’abord, 1,8 milliard, c’est, je l’ai dit, la progression des crédits du budget du ministère par rapport à 2017, ce qui le portera à 34,2 milliards d’euros contre 32,4 milliards, soit une augmentation de 5 %. Le budget des armées avait déjà augmenté l’an dernier, mais c’est trois fois plus qu’en 2017, la croissance du budget en 2017 par rapport à 2016 ayant été de 600 millions. À cela s’ajoutent des recettes de cessions, à hauteur de 190 millions, et le budget des armées s’élèvera donc, tout compris, à 34,4 milliards d’euros en 2018.
Le second chiffre est 30 milliards : le projet de loi de programmation des finances publiques planifie une remontée en puissance du budget des armées pour les années 2019-2022 de 1,7 milliard par an. La somme de l’exercice 2018 et de ce qui figure dans ce projet de loi de programmation est donc de 190 milliards d’euros : c’est ce que la Nation consacrera à sa défense au cours de la législature. L’investissement était de 160 milliards sous chacun des deux quinquennats précédents, soit une différence de 30 milliards, presque une année de budget du ministère.
Enfin, 1,8 % est le pourcentage du budget du ministère rapporté au PIB. Notre cible, fixée par le président de la République, est d’atteindre 2 % en 2025. Pour être plus précis, nous serons en 2018 à 1,82 %, contre 1,77 % en 2017. Nous avons posé les jalons d’une trajectoire crédible vers l’objectif. La structuration de cette trajectoire est l’objet de la loi de programmation militaire (LPM) qui couvrira les années 2019 à 2025.
Avant d’entrer dans le détail des mesures budgétaires, je souhaite faire un petit retour en arrière sur la gestion 2017. L’annulation de crédits de 850 millions d’euros a été douloureuse mais c’était une contribution naturelle au titre de la solidarité, face à des impasses budgétaires dans certains budgets ministériels. La maîtrise de notre déficit public est indispensable et il n’y avait pas de raison que le ministère des Armées ne participe pas à cet exercice.
J’insiste cependant sur les conditions que nous avons posées pour appliquer ces annulations. La première, c’est qu’elles n’affectent pas la protection et la condition de vie du soldat en opération. La seconde, c’est qu’il ne soit procédé à aucune annulation de programme. En accord avec les armées, nous avons simplement décalé de quelques mois certaines livraisons sans lien direct avec les opérations sur le territoire national et les opérations extérieures (OPEX) en cours. En début de quinquennat, la charnière se traduit souvent par des annulations de programmes ou des remises en cause de livraisons de matériel : ce n’est pas le cas, grâce au budget que je vais vous présenter.
Ce budget pose des bases solides pour aborder avec confiance la future LPM, qui prendra en compte, grâce à la revue stratégique dont les résultats seront connus dans les prochains jours, une analyse fine, actualisée du contexte international. Cette LPM permettra de prendre acte de la remontée en puissance de nos trois armées et de l’inscrire dans le temps long. J’ai fixé pour cette LPM trois priorités principales : restaurer la soutenabilité de nos engagements, investir résolument dans l’avenir pour que nos armées puissent faire face aux menaces de demain, et permettre aux hommes et femmes de la défense de vivre l’exercice de leur mission dans les meilleures conditions possibles. C’est ce triptyque qui nous permettra de disposer des forces capables de répondre aux engagements de notre pays. Notre objectif est de déposer sur le bureau des assemblées un projet de LPM au début de l’année 2018 en vue d’une promulgation à l’été prochain, ce qui nous permettrait d’aborder de façon éclairée le débat budgétaire pour 2019.
J’en viens au budget pour 2018. Le contexte dans lequel nous évoluons a peu changé depuis juillet, à savoir une menace majeure qui pèse sur la France, liée au terrorisme. Nous ne devons pas baisser la garde en la matière, même si des progrès sont déjà enregistrés, notamment au Levant, dans le cadre de l’opération Chammal. Au Sahel, en revanche, nous devons convenir que l’opération Barkhane consiste à contenir le phénomène terroriste et à accompagner les évolutions politiques et diplomatiques nécessaires pour parvenir à une véritable stabilisation.
Il convient d’évoquer également les stratégies de puissance de la Russie et de la Chine, auxquelles on peut ajouter la Corée du Nord, compte tenu de l’actualité estivale, qui montrent que la question de la prolifération nucléaire n’est pas du tout résolue. L’Europe est potentiellement à portée des missiles nord-coréens et nous devons, dans cette crise, faire preuve de beaucoup de fermeté et de vigilance.
Ce contexte implique d’être en mesure de soutenir nos engagements opérationnels, qui, clairement, resteront élevés en 2018, au Sahel, au Levant, en Atlantique, en Méditerranée mais aussi à l’est de l’Europe. C’est pourquoi nous devons lutter contre l’usure accélérée des matériels du fait de la dureté des théâtres et de la durée des engagements, tout en œuvrant au profit des personnels et en maintenant un juste équilibre entre la préparation et l’engagement en opération. Le budget prévoit ainsi un effort en faveur de l’activité afin de poursuivre le retour de la préparation opérationnelle vers les normes fixées par la LPM en vigueur, une condition indispensable pour assurer que les forces engagées maîtrisent tous les savoir-faire opérationnels dont elles ont besoin et maintenir les compétences d’un modèle d’armée complet.
Ainsi, l’effort au titre de l’entretien programmé du matériel (EPM) représentera en 2018 3,9 milliards d’euros de crédits de paiement, soit 450 millions de plus qu’en 2017. Cet effort permettra d’assurer une hausse de l’activité dans tous les domaines où nous sommes encore en dessous des normes fixées par la LPM.
Enfin, tirant les conclusions d’un niveau d’engagement structurellement élevé, le budget 2018 prévoit de porter de 450 à 650 millions d’euros la provision pour la couverture des OPEX.
L’engagement des armées au service de nos concitoyens couvre de nombreux domaines en plus des OPEX. Plus de 10 000 militaires sont engagés sur le territoire national, soit dans l’opération Sentinelle, soit pour assurer la posture permanente de sûreté, soit dans le cadre de divers plans gouvernementaux, notamment Vigipirate. Dans le cadre de la posture permanente de sûreté, plus de 1 500 personnes assurent vingt-quatre heures sur vingt-quatre et tous les jours la surveillance et la protection de nos approches maritimes, aériennes et spatiales, et portent assistance aux personnes en détresse. Je n’oublie pas non plus nos militaires participant à la posture de dissuasion, aviateurs et marins capables de réagir sans délai sur ordre du président de la République. L’engagement a été pris dans ce PLF 2018 de maintenir les composantes de la posture de dissuasion, avec un budget au profit de la dissuasion nucléaire qui passera de 3,9 à 4,04 milliards en 2018.
Pour répondre immédiatement aux menaces qui pèsent sur les Français et à l’engagement exceptionnel de nos forces, nous avons ménagé une enveloppe prioritaire de 200 millions d’euros pour la protection de nos militaires. Ce paquet « Protection » vise tout d’abord à protéger nos combattants, ce qui passe par le remplacement des gilets pare-balles actuels par des gilets de nouvelle génération, plus légers et plus protecteurs ; 49 000 ont été commandés, tandis que le paquetage des soldats a été sensiblement amélioré et continuera de l’être en 2018. Ce paquet renforcera aussi la protection des équipements en permettant l’emploi de davantage de véhicules blindés sur les théâtres d’opération, avec pour objectif la généralisation de l’emploi de véhicules blindés pour l’ensemble des missions de nos armées.
Protéger le combattant, cela signifie aussi garantir une protection accrue des installations militaires. Les emprises militaires sont nombreuses sur notre territoire et constituent autant de cibles potentielles. C’est pourquoi nous allons marquer un effort particulier pour renforcer cette protection contre de potentielles attaques terroristes, dont la probabilité restera élevée dans les mois et années à venir. Nous allons donc consacrer 105 millions d’euros au budget des infrastructures, dédiés spécifiquement au renforcement des protections, actives comme passives, des emprises militaires les plus vulnérables, en particulier les dépôts de carburant et de munitions, les hôpitaux et les écoles. Cet effort en termes d’infrastructures se doublera d’un effort en termes d’investissement humain puisque 150 postes seront créés l’an prochain.
Répondre à l’exigence de sécurité est un préalable absolu mais ce n’est pas suffisant. Lors de mes déplacements parmi les troupes, j’entends les difficultés et les aspirations, voire les craintes, qu’elles expriment. Leurs craintes portent sur leurs conditions de vie mais aussi celles de leurs familles.
J’ai conclu de ces différents contacts qu’il fallait apporter une réponse immédiate dans le cadre du présent budget. Je me sens en effet responsable de la défense mais aussi de tous ceux qui y contribuent – et, selon une expression qui m’est chère, il n’y a pas de soldat fort sans famille heureuse. Aussi, sous l’égide du président de la République et du Premier ministre, j’ai lancé un plan d’accompagnement des familles et d’amélioration des conditions de vie des militaires. Une concertation est en cours, que j’ai souhaité la plus large possible. Ce plan sera achevé d’ici à un mois. Nous aurons bien sûr l’occasion d’en reparler ensemble. Il vise en tout cas à mieux prendre en compte les absences opérationnelles, à améliorer l’intégration des familles dans la communauté de défense, à mieux vivre la mobilité et à accroître le nombre de logements – une question très sensible, en particulier, cela va de soi, dans les zones tendues. Une enveloppe supplémentaire de 22 millions d’euros a d’ores et déjà été provisionnée en attendant que le plan soit complété. Nous en attendons des effets concrets sur le quotidien de nos soldats au cours de l’année 2018.
Ensuite, la masse salariale du ministère – à savoir les crédits du titre 2 de la mission « Défense » – devrait progresser en 2018 de 300 millions d’euros, pour atteindre 11,7 milliards hors pensions.
Je tiens par ailleurs à souligner l’importance du plan catégoriel pour 2018 qui s’élèvera à 136,5 millions d’euros, soit un ordre de grandeur très comparable à celui prévu pour 2017 mais en très nette augmentation par rapport à 2015 ou 2016 où les montants étaient plutôt de l’ordre de trois ou 10 millions. Ce plan comprend 124 millions au titre de mesures déjà lancées en 2017 pour 34,3 millions, ou bien au titre des protocoles de la fonction publique dénommés « parcours professionnels, carrières et rémunérations », qui ont été appliqués au personnel civil du ministère des Armées ou transposés au personnel militaire pour presque 88 millions, ou encore au titre du financement de mesures interministérielles.
Au-delà du financement des mesures déjà décidées, un volant de mesures nouvelles de 12 millions favorisera l’attractivité du ministère vis-à-vis du personnel civil, grâce à la sensible augmentation de l’enveloppe dédiée aux compléments indemnitaires actuels – vous savez qu’en la matière les ministères se comparent les uns aux autres et que celui des armées n’est pas forcément le mieux placé ; c’est pourquoi un effort devait être fait. Nous disposerons donc au total d’une enveloppe de 20,8 millions qui facilitera en outre la montée en puissance des services de renseignement – une priorité renouvelée.
Voilà pour les mesures de très court terme. Mais il nous faut également préparer l’avenir. Aussi avons-nous, dans le cadre du présent budget, répondu pleinement à la nécessité de renouvellement des équipements parfois vieillissants, parce que nous le devons à nos soldats mais également à tous les Français, la qualité de nos matériels étant une condition pour pouvoir intervenir partout où les intérêts de la France sont menacés. Dans ces conditions, les crédits d’équipement pour 2018 atteindront 18,5 milliards d’euros soit une augmentation de 7 % – 1,2 milliard d’euros – par rapport à l’année 2017.
Outre la modernisation des matériels, ces crédits permettront l’entretien des infrastructures et auront des répercussions immédiates pour nos soldats. À cet égard, les matériels seront soit rénovés soit renouvelés. Plutôt que de vous lire la longue liste de ceux qui entreront en service en 2018 ou la longue liste de ceux qui seront commandés en 2018, avec l’accord du président je vous ferai distribuer un petit document énumérant les principaux d’entre eux, me contentant pour l’heure de n’en citer que trois ou quatre. Ainsi, en 2018, le premier avion ravitailleur en vol Multi Role Tanker Transport (MRTT) entrera en service. C’est une très bonne nouvelle. Une frégate multi-missions (FREMM) supplémentaire entrera également en service l’année prochaine. Puis, compte tenu des événements climatiques qui ont eu lieu récemment aux Antilles, nous avons commandé, pour le destiner à cette région du monde, le quatrième et dernier bâtiment multi-missions, baptisé Dumont d’Urville. Enfin, plusieurs commandes structurantes seront passées : un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Barracuda – un gros morceau, si je puis dire – et trois autres ravitailleurs MRTT.
Un très grand effort est donc réalisé en termes d’autorisations d’engagement puisque le programme 146 s’élèvera en 2018 à 13,6 milliards d’euros, c’est-à-dire une croissance de 35 %. C’est pourquoi quand j’affirme que nous préparons l’avenir à travers ce budget, les chiffres en attestent.
En complément du développement de nos équipements, l’infrastructure est une préoccupation essentielle pour nos forces, qu’il s’agisse des infrastructures de défense, qui contribuent à l’entretien et à la sécurisation de nos matériels, ou des infrastructures de vie, sur nos bases, pour nos personnels. Souvent, ce poste a fait l’objet d’arbitrages quelque peu douloureux dans un contexte tendu et, de ce fait, s’est trouvé pénalisé. C’est pourquoi, cette année, nous allons faire un effort significatif puisque, hors dissuasion et hors fonctionnement, ces crédits atteindront 1,5 milliard d’euros contre 1,2 milliard l’année dernière. Cela nous permettra de renforcer l’effort de maintenance au profit du parc existant, de mieux garantir l’achèvement, en temps et en heure, d’infrastructures dans des délais compatibles avec la livraison des équipements eux-mêmes – dès lors que ceux-ci nécessitent le renouvellement de celles-là. Il faut en outre tenir compte de la progression des effectifs de nos armées au cours de ces deux dernières années, afin d’améliorer les conditions de vie des personnels et de renforcer la sécurisation et les emprises militaires.
Autre élément essentiel de ce projet de budget : l’innovation puisque, pour renouveler et maintenir en condition nos équipements, il faut sans cesse innover. L’innovation n’est pas un gadget mais une condition de la supériorité de nos forces sur le terrain ; c’est aussi la condition pour que notre industrie de défense reste performante à l’exportation. Nous disposons de savoir-faire extraordinaires : j’étais hier à la direction générale de l’armement (DGA) à Bruz et je vous invite à aller visiter cette installation qui permet notamment de tester la furtivité de nos matériels.
En 2018, le budget des études amont s’élèvera à 720 millions d’euros, c’est-à-dire le même montant qu’en 2017, dans le cadre d’un effort de recherche et développement (R&D) de 4,7 milliards. J’ai récemment exprimé le souhait, pour le prochain projet de loi de programmation militaire, que l’effort relatif aux études amont, qui conditionnent l’ensemble de la chaîne, puisse être porté à un milliard d’euros par an.
Nous entendons donc moderniser nos équipements, innover mais aussi poursuivre la modernisation du ministère des Armées. Ce dernier n’a pas attendu l’année 2018 pour se transformer en profondeur mais il nous faut continuer en ce sens car nous avons une obligation vis-à-vis de l’ensemble des Français qui sont aussi des contribuables et qui s’attendent que chaque euro investi dans le budget des armées le soit le plus efficacement possible, ce qui suppose que nous soyons nous-mêmes plus efficaces et que nos processus soient plus simples. Je serai déterminée, sans aucun tabou ni aucun a priori – chacun comprendra ce que cela signifie : des projets ont été lancés, par le passé, et ont suscité des débats… C’est pourquoi nous devrons examiner toutes les formes de transformation possibles avec et pour nos personnels et non pas contre eux : il s’agit de simplifier et de faciliter leur quotidien.
Autre priorité : la cyberdéfense et le renseignement. La révolution numérique en cours est d’abord une formidable opportunité pour nous tous mais aussi une source de menaces que nous devons prendre en compte. Nous avons déjà éprouvé les conséquences désastreuses de certaines cyber-attaques aussi bien pour nos concitoyens dans leur vie quotidienne que pour nos entreprises ou encore pour la sécurité nationale. Face à des menaces qui n’ont pas de visage ni de nom, il faut à la fois savoir, comprendre et anticiper. Dans ces conditions, le projet de loi de finances prévoit la poursuite de la croissance des moyens dédiés au renseignement et à la cyberdéfense, ce qui permettra de prolonger l’effort engagé il y a déjà plusieurs années et qui, en matière de connaissance et d’anticipation, est un effort à long terme.
Les effectifs consacrés au renseignement et à la cyberdéfense vont par conséquent bénéficier d’un traitement particulier : s’ils ont progressé de près de 1 800 emplois entre 2014 et 2017, cette dynamique se poursuivra en 2018 avec un renforcement de 850 postes dédiés aux services du renseignement, à l’état-major des armées et à la DGA. Pour la seule cyberdéfense, les effectifs auront presque doublé en cinq ans pour atteindre, à la fin de l’année 2018, un total de plus de 2 200 postes. Quant aux effectifs des services de renseignement à proprement parler, ils seront passés de 7 660 en 2013 à 8 200 début 2017 pour atteindre près de 9 000 à la fin de l’année 2018.
Sur le plan de l’organisation, un commandement de la cyberdéfense a été créé en 2017 et illustre donc la volonté du ministère de s’adapter aux défis de demain. D’ici à 2019, l’objectif est de disposer de 2 600 combattants numériques.
Je ne reviens pas sur les modes de coopération avec nos partenaires étrangers dans le domaine du renseignement – en particulier au niveau européen – qui ont pour conséquence de décupler l’efficacité des moyens que nous pouvons mobiliser au plan national.
Demain, Geneviève Darrieussecq vous présentera les éléments relatifs aux anciens combattants et au lien entre l’armée et la Nation – à travers, en particulier, les réflexions des uns et des autres sur le projet de service national universel.
Je terminerai cette présentation en rappelant ce qui m’apparaît comme l’essence même de ce budget : avec 1,8 milliard d’euros supplémentaires, nous entamons une dynamique de remontée en puissance qui se poursuivra dans les années à venir. Au fond, cet effort, nous le faisons tout simplement parce qu’il est une nécessité compte tenu de l’intensité de l’engagement de nos soldats sur les différents théâtres d’opération, et parce qu’il nous faut défendre notre souveraineté non seulement dans un cadre national mais encore et de plus en plus, le président de la République l’a rappelé, à l’échelon européen, chaque État membre devant assurer la montée en puissance de son effort en matière de défense.
M. le président Jean-Jacques Bridey. Nous vous remercions, Madame la ministre, pour cette présentation détaillée du budget de la défense, lequel se caractérise, vous l’avez souligné, par une « remontée en puissance ».
M. François André. Les chiffres-clefs que vous nous avez présentés, Madame la ministre, satisferont tous ceux qui considèrent qu’un effort budgétaire est nécessaire et légitime pour nos armées elles-mêmes mais surtout pour notre sécurité collective.
Vous avez évoqué les grands principes qui ont présidé aux mesures de gestion, en particulier celles prise au cours de l’été dernier. Pouvez-vous nous en dire davantage sur le report des charges pour l’année 2018 compte tenu de ces mesures de régulation ? Je pense à celles qui ont déjà été prises – pour un montant de 850 millions d’euros – mais aussi, je me vois contraint de l’évoquer, à celles qui restent pendantes étant donné les crédits encore gelés.
Je souhaite ensuite vous interroger sur l’impact budgétaire du redimensionnement de l’opération Sentinelle – sauf erreur de ma part, quelque 170 millions d’euros étaient jusqu’à présent budgétés à ce titre. Quelles sont les évolutions attendues pour 2018 voire pour les années suivantes ?
M. Joaquim Pueyo. Nous avons bien noté, Madame la ministre, que vous poursuiviez l’objectif consistant à atteindre, pour le budget de la défense, 2 % du PIB en 2025.
J’étais sur le point de poser la même question que notre collègue André concernant le gel et l’annulation de crédits en 2017 : cela a-t-il empêché la commande de matériels prévue par la loi de finances pour 2017, commande reportée en 2018 ? Vous nous avez informés par exemple que le programme Scorpion serait poursuivi, ce qui est une bonne nouvelle – attendue par les militaires.
Ensuite, le budget de la défense prévoyait 400 à 450 millions d’euros pour les OPEX, le reste provenant d’une contribution interministérielle, à savoir, tout de même, 1,1 milliard. On ajoute 200 millions pour 2018. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Le financement des OPEX continuera-t-il d’être complété par cette contribution interministérielle, sachant que tous les ministères sont « contraints » dans leurs dépenses ?
Par ailleurs, je rappelle avoir été de ceux qui plaidaient en faveur du maintien de l’opération Sentinelle. Je me suis du reste plutôt accordé avec vous quand vous avez manifesté l’intention de redéployer le dispositif. On a vu hier à Marseille que des réservistes pouvaient aussi être concernés ; et à mes yeux la réserve doit monter en puissance.
Enfin, je me félicite que soit lancé un plan de soutien aux familles dans la mesure où nous devons nous montrer plus attentifs à la condition militaire.
Mme Frédérique Lardet. Ma question, Madame la ministre, porte également sur l’opération Sentinelle. Des travaux réalisés par des Think Tank tendent à montrer qu’il est nécessaire de proposer une architecture de sécurité adaptée au nouveau contexte stratégique et un modèle de formation des personnels de la garde nationale dédié à la prévention et à la gestion des risques. Pour renforcer la contribution des citoyens, de la garde nationale et des réservistes, pensez-vous agir dans la continuité de la réorganisation de l’opération Sentinelle qui vient de nous être proposée ? Comment comptez-vous intégrer l’ensemble des réflexions sur le sujet ?
M. Alexis Corbière. Comme Joaquim Pueyo, Madame la ministre, je m’interroge sur le périmètre du budget que vous nous présentez. Cette commission est certes un lieu de travail mais aussi de franchise et il est difficile pour nous de travailler sans avoir sous les yeux le détail du budget de la défense, si ce n’est une brochure du service de communication de votre ministère, laquelle ne permet pas une discussion riche avec vous. J’y insiste : quel est le périmètre du budget de la défense ? Quid des OPEX : y sont-elles ou non intégrées ?
Je rappellerai ce qu’a déclaré le Premier ministre devant la représentation nationale le 19 juillet dernier : « Comme depuis de très nombreuses années on se paie de mots en plaçant le budget des OPEX à l’extérieur du budget de la défense, nous voulons mettre fin à cette mauvaise pratique. Nous allons augmenter les dépenses militaires et commencer la réintégration des dépenses d’OPEX parce que c’est beaucoup plus sain. » Si je comprends bien ces propos, Édouard Philippe a exprimé le souhait de réintégrer le financement des OPEX au budget de la défense. Mais j’avoue avoir parfois du mal à prendre position sur votre budget ; en effet, je le répète : les OPEX en font-elles partie ou non ? Cette question est fondamentale car votre réponse permettra de juger si ce budget est vraiment en augmentation ou bien s’il paraît augmenter du fait d’un périmètre différent.
M. le président. Je vous propose de répondre à cette première salve, si j’ose dire, Madame la ministre. (Sourires.)
Mme la ministre. En 2017, 850 millions d’euros de crédits ont été annulés. Sur quoi ont porté ces annulations ? D’abord sur des versements à des organisations internationales qui disposent de trésorerie – opération dépourvue du moindre impact puisque l’argent thésaurisé dans ces organisations continue à alimenter, si je puis dire, les programmes en cours. Nous avons ensuite retrouvé quelque marge de manœuvre en renégociant des contrats d’armements et en décalant de quelques mois, je vous l’ai dit, plusieurs programmes d’armement.
Les 850 millions ainsi annulés ont fait l’objet, au même moment, de façon concomitante, d’une réouverture de crédits sur le budget du ministère des Armées à hauteur de 643 millions. Cette somme, en 2017, a été affectée aux OPEX pour compléter les 450 millions d’euros de crédits d’ores et déjà inscrits dans le projet de budget pour 2017. Si l’on ajoute les deux sommes, nous disposons aujourd’hui d’1,1 milliard de crédits permettant de faire face aux OPEX de 2017. Cela sera-t-il néanmoins suffisant pour faire face à la totalité du coût des OPEX ? La réponse est probablement négative parce que, en 2016, les OPEX avaient coûté environ 1,3 milliard et que nous n’avons pas le sentiment que ce montant soit amené à diminuer en 2017, au contraire : à côté de la coalition au Levant, nous avons amplifié nos efforts pour reprendre Mossoul ou d’autres villes occupées par Daech. Je ne peux pas vous dire, à 100 millions près, ce qu’il en sera mais je suis presque certaine que nous dépasserons 1,3 milliard d’euros. Cela signifie qu’il nous manque d’ores et déjà 200 millions au moins.
Comment allons-nous pourvoir au financement intégral de ces opérations ? Je ne peux pas encore vous donner de réponse ferme car nous entrons précisément dans la période de négociation avec le ministère de l’Action et des comptes publics. Bien sûr, compte tenu de la contribution d’ores et déjà très significative que le budget des armées apportera au financement des OPEX en 2017 – nous les avons déjà financées à hauteur d’1,1 milliard d’euros –, et du principe, énoncé par la loi de programmation militaire, selon lequel ces opérations extérieures doivent aussi pouvoir être financées par la solidarité interministérielle, vous vous doutez bien que je ferai tout pour obtenir que cette solidarité s’exprime.
M. le président. Nous serons à vos côtés.
Mme la ministre. Je vous en remercie, Monsieur le président. Je n’en doutais pas, à vrai dire.
Autre sujet dont nous discutons avec le ministère de l’Action et des comptes publics : celui des crédits qui restent gelés au titre du budget 2017. Lorsque j’ai pris mes fonctions, il y avait près de 2,7 milliards d’euros de crédits gelés, dont 850 millions ont été annulés. J’ai obtenu le dégel d’1,1 milliard d’euros au mois de juillet. Restent donc 700 millions d’euros aujourd’hui, dont je demande le dégel intégral. Je suis en train d’essayer de me mettre d’accord avec le ministre de l’Action et des comptes publics sur un calendrier de dégel qui permette un paiement fluide des factures à régler d’ici à la fin de l’année. Je travaille, d’une part, à ce que ces 700 millions d’euros soient dégelés, d’autre part, à ce qu’ils puissent l’être dans un délai qui ne crée pas de rupture de paiement ni de frottements, ce qui entraînerait des surcoûts et des problèmes se répercutant malheureusement sur les entreprises – petites et moyennes, notamment –, ce que nous voulons absolument éviter. Si ce dégel de crédits est indispensable, c’est précisément parce que nous ne voulons pas reporter à l’exercice 2018 des problèmes que nous n’aurions pas résolus en 2017, sans quoi la mesure nouvelle importante dont le budget 2018 bénéficie pourrait être amoindrie.
Quant au périmètre budgétaire du ministère, il ne connaît aucune modification entre 2017 et 2018, sauf en ce qui concerne les OPEX : la provision, qui était de 450 millions d’euros en 2017, sera de 650 millions en 2018. Nous ne sommes donc pas tout à fait à périmètre constant. Cette somme est nécessaire pour nous rapprocher de la réalité des coûts des OPEX. Ce que le Premier ministre a voulu exprimer dans le propos que vous rappeliez tout à l’heure, Monsieur Corbière, c’est qu’avec une provision de 450 millions, nous étions en complet décalage avec la réalité du coût global des OPEX. On peut tous souhaiter que ce coût soit le plus limité possible car ce serait un bon signe de l’état de santé du monde. Mais, compte tenu de ce que sont nos interventions, 450 millions d’euros étaient vraiment insuffisants. La somme de 650 millions reste encore en fort décalage mais l’on s’approche des 50 % du coût prévisionnel. Eu égard à ce qui ne figure pas dans le budget 2018, il faudra en rediscuter avec le ministre de l’Action et des comptes publics. Je compte bien, là aussi, faire prévaloir le principe rappelé tout à l’heure de financement interministériel – la question étant évidemment de savoir dans quelles proportions.
Le redimensionnement de Sentinelle n’aura pas d’impact budgétaire. L’objectif de l’ajustement du plan Sentinelle que nous avons présenté il y a quelques semaines est de gagner en efficacité. Nous n’avons donc pas changé le format du plan : il s’agit toujours de 7 000 hommes, chiffre que nous avons la capacité de porter à 10 000 à tout instant pour un délai d’un mois. Nous ne nous sommes pas du tout inscrits dans une logique d’économies si bien qu’en 2018, nous devrions constater une dépense de l’ordre de 150 millions d’euros, à peu près comparable à la dépense constatée les années précédentes – aux effets de progression de la masse salariale près, qui ne doivent pas être majeurs.
La garde nationale fera l’objet d’un réexamen dans le cadre des réflexions que nous allons mener sur le service national universel et dont vous parlera certainement Geneviève Darrieussecq demain. En effet, nous sommes train de remettre à plat l’ensemble des dispositifs existants, qu’il s’agisse du service civique, de la réserve ou de la garde nationale. Aujourd’hui, cette dernière regroupe des éléments militaires, la réserve, et des éléments relevant des forces de sécurité.
Au fond, Madame la députée, vous appelez de vos vœux que la formation à certains risques et à la gestion de crises puisse être mieux prise en compte par nos concitoyens dans leur ensemble. C’est en effet un des axes qui nous guideront lorsqu’un format de service national sera proposé
Enfin, j’en viens au programme Scorpion. En 2018, nous commanderons vingt Griffon et vingt Jaguar et recevrons la livraison de trois Griffon et du Système d’information et de communication Scorpion, dit SICS. La future loi de programmation militaire marquera l’arrivée, dans les forces, de l’essentiel de Scorpion – programme considérable de plus de cinq milliards d’euros, très attendu par l’armée de terre.
M. Thibault Bazin. Madame la ministre, vous avez évoqué l’actualité estivale concernant la Corée du Nord. Pyongyang a effectué le dimanche 3 septembre dernier son sixième essai nucléaire qui pourrait concerner une bombe thermonucléaire. La Corée du Nord a signé le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) en 1985 pour ensuite le dénoncer en 2003. Elle a signé plusieurs fois des accords promettant le démantèlement de son programme nucléaire, qu’elle n’a jamais respectés. Depuis un an et demi, on assiste à une véritable course aux armements et la guerre des mots, notamment avec les États-Unis, s’accélère encore ces derniers jours. L’Europe, vous l’avez dit, se retrouve désormais à portée de tir des missiles coréens. La Corée du Nord est menaçante mais elle n’est pas seule à ne pas respecter ce traité et à détenir un arsenal nucléaire, en dehors des cinq États initiateurs du TNP.
Plusieurs questions se posent : de quels moyens disposons-nous pour contrôler ceux qui ne respectent pas le traité ou qui en sont sortis et qui violent ainsi le droit international ? Doit-on faire évoluer le TNP qui est débordé et non respecté ? Le président de la République a appelé la communauté internationale à la plus grande fermeté : que met-on derrière ces mots, sachant que les sanctions qui ont été prises par l’ONU à l’encontre de la Corée du Nord sont restées sans effet ? Enfin, quel rôle la France peut-elle ou doit-elle jouer en matière de non-prolifération nucléaire ?
M. le président. On dépasse le cadre budgétaire mais le sujet est quand même intéressant. (Sourires)
M. Guillaume Gouffier-Cha. Madame la ministre, le projet de loi de finances pour 2018 prévoit, vous l’avez rappelé, un effort supplémentaire de 450 millions d’euros en faveur de l’entretien programmé des matériels – effort que je salue tout en gardant à l’esprit qu’il ne pourra pas résoudre totalement les problèmes plus structurels du maintien en condition opérationnelle (MCO). Aussi, dans le cadre de ce projet de loi de finances et, plus largement, dans le cadre de la préparation de la prochaine loi de programmation militaire, quels sont les axes de réforme et d’amélioration que vous envisagez en ce domaine ?
M. André Chassaigne. J’aborderai tout d’abord la question du service obligatoire. Quel est l’objectif recherché avec un service d’un mois ? Quel échéancier envisagez-vous ? Surtout, comment ce dispositif sera-t-il financé, sachant qu’il requerra des masses de crédits importantes mais aussi de trouver des bâtiments et de dégager de l’encadrement à son profit ?
Ensuite, les commandes du programme Scorpion que vous venez de mentionner étaient-elles déjà prévues avant votre prise de fonctions ou avez-vous pu, sur le budget de cette année, accélérer le programme comme cela était demandé ?
Enfin, vous avez évoqué la commande du quatrième B2M, les catastrophes climatiques ayant fait apparaître une insuffisance en la matière. Je croyais que ce bâtiment avait déjà été commandé depuis janvier. Ne pensez-vous pas qu’il faudrait effectivement accélérer pour couvrir des zones qui, aujourd’hui, ne sont pas desservies ? C’est tout le lien entre la sécurité militaire et la sécurité civile.
M. Yannick Favennec Becot. Vous disiez tout à l’heure, Madame la ministre, que depuis 2013, le surcoût des opérations extérieures dépassait le milliard d’euros et que pour cette année, 450 millions d’euros étaient provisionnés mais que 640 millions d’euros de crédits complémentaires avaient été ouverts cet été. Or, le président du Haut conseil des finances publiques, Didier Migaud, a estimé devant nos collègues de la commission des Finances que les opérations extérieures étaient sous-budgétisées. Pensez-vous que les crédits pour 2018 permettront de maintenir les effectifs engagés ? Si tel n’est pas le cas, envisagez-vous d’éventuels ajustements ?
Mme la ministre. Je suis la première à admettre que le budget 2018 ne permet pas, en l’état actuel des choses, de faire face à 100 % du coût final des opérations extérieures – coût que nous ne connaissons d’ailleurs pas à l’heure où nous nous parlons mais dont on peut considérer qu’il sera supérieur à 650 millions d’euros. On appelle cela comme on veut – sous-budgétisation ou autre, peu importe le terme –, mais il est certain que la situation n’est pas optimale. Elle est moins mauvaise qu’il y a un an puisque la provision aura été augmentée. En même temps, nous ne pouvons pas, compte tenu de la difficulté des temps et des contraintes qui ont pesé sur les arbitrages d’ensemble du budget 2018, imaginer de franchir d’un seul coup d’un seul une marche d’escalier qui représenterait entre 600 et 800 millions d’euros, pour pouvoir d’entrée de jeu avoir dans notre base budgétaire l’essentiel des crédits représentatifs du coût des OPEX. Par ailleurs, je ne suis pas pressée d’aller trop vite dans ce sens car j’ai l’espoir – peut-être infondé, nous verrons – de pouvoir obtenir un financement interministériel de ces opérations. Vous avez donc raison : nous n’avons pas budgétisé les OPEX à 100 % dans le projet de loi de finances pour 2018. Cela étant, la Cour des comptes pourra aussi reconnaître et souligner qu’un effort a été fait et que celui-ci sera très probablement poursuivi dans des proportions qui seront précisées ultérieurement.
Eu égard au bâtiment B2M, peut-être ma langue a-t-elle fourché : c’est une livraison, et non pas une commande, qui sera enregistrée cette année.
S’agissant du service national, l’objectif recherché – après la suppression, il y a de nombreuses années, de la conscription – est de reconstituer un lien entre l’armée et la Nation en tenant compte du fait que la menace est perceptible par chacun d’entre nous. Nous avons d’ores et déjà subi des événements dramatiques tels que le contexte est propice à la reconstitution de ce lien. On le voit quotidiennement à l’accueil positif et chaleureux qui est fait aux forces Sentinelle au cours de leurs patrouilles auprès de la population. Tout l’enjeu est de déterminer quelle forme donner à ce service national dont les contours ont été tracés en partant de l’idée qu’il ne serait pas étalé sur un an mais plutôt sur un mois. Il est aujourd’hui encore trop tôt pour dire selon quel calendrier ce service national sera instauré. Nous allons travailler, pendant les prochains mois, à la préfiguration de ce dispositif. Pour en revenir à la question du périmètre budgétaire, il est clair que le budget 2018 ne prévoit pas de moyens alloués à ce service national, d’une part, parce que tant que nous n’en connaissons pas les premières modalités, nous n’avons pas d’estimation de ce coût total ; d’autre part, parce que la question de la répartition de son financement sera posée. Je ne vois pas de raison particulière pour que le ministère des Armées en assume seul la charge. Il est vrai que j’ai plus d’interrogations que d’éléments de certitude à vous fournir à ce sujet, mais je peux vous dire que nous allons y travailler et que nous associerons à notre réflexion les parlementaires qui le souhaitent.
En ce qui concerne l’entretien programmé des matériels, vous avez rappelé que l’effort était notable mais qu’il existait pour autant des problèmes plus structurels : ceux-ci sont traités depuis un certain nombre d’années sans nécessairement que, dans le domaine aéronautique en particulier, les performances et la disponibilité opérationnelles soient jugées suffisantes. L’entretien programmé des matériels et le maintien en condition opérationnelle sont complémentaires. Si l’on raisonne non pas en termes de delta mais de masse budgétaire, l’entretien programmé des matériels représente près de quatre milliards d’euros au total, toutes armées confondues, et le MCO, six milliards d’euros. L’effort de 450 millions d’euros est considérable puisqu’il représente une progression de 13 %. La situation et la disponibilité de nos matériels sont assez variables suivant les armées. En gros, dans le domaine naval, cela va plutôt bien. Au sein de l’armée de terre, il faut distinguer clairement les matériels qui sont en opération des matériels qui sont restés sur le territoire national. Il en va de même dans l’armée de l’air où les coefficients de disponibilité sont très élevés pour les matériels qui sont en opération extérieure et peuvent, suivant la génération de matériels – lorsqu’il s’agit de matériels anciens – être dramatiquement bas sur le territoire national. D’ailleurs, ils peuvent aussi être dramatiquement bas pour des matériels plus récents, ce qui suscite de fortes inquiétudes. C’est pourquoi je souhaite porter toute mon attention dans les prochains mois sur la disponibilité des avions. J’ai confié une mission à Christian Chabbert qui doit me rendre ses conclusions à la fin de l’année 2017 afin que nous puissions agir dès 2018. Cette action portera certainement sur plusieurs leviers. Je puis en tout cas vous assurer de la forte mobilisation des personnels du ministère chargés du maintien en condition opérationnelle des avions. Je ne mets donc pas du tout en cause les efforts qui ont été réalisés. Il reste que la complexité des processus et la multiplicité des interlocuteurs nous empêchent d’atteindre le taux de disponibilité que l’on pourrait souhaiter. L’avion A400M est d’ailleurs un sujet d’inquiétude en soi.
J’en viens maintenant à la Corée du Nord.
Vous avez rappelé le mouvement de sortie auquel avait procédé cet État vis-à-vis du Traité de non-prolifération. S’agissant des moyens dont nous disposons pour contrôler les États qui ne respectent pas ce traité et, plus globalement, pour contrôler ce qui se passe en matière nucléaire, c’est l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) qui est chargée de vérifier le respect des engagements pris par les signataires du traité ou d’autres accords internationaux – je pense en particulier à l’Iran. Le problème, c’est qu’à ma connaissance, l’AIEA n’a pas accès aux installations nucléaires de la Corée du Nord.
Nous pouvons alors appliquer des sanctions. Différents régimes se sont succédé en la matière. De nouvelles sanctions ont été décidées lors de la récente Assemblée générale des Nations unies mais comme vous l’avez rappelé, Monsieur le député, il ne suffit pas d’énoncer des sanctions, encore faut-il faire en sorte qu’elles soient respectées. Il est cependant des motifs d’espoir dans ce dossier désespérant : la Russie et la Chine ont voté les sanctions sans difficulté majeure. En outre, il ressort des contacts que le ministre des Affaires étrangères a pu avoir que ces deux grandes nations ont pris conscience de la responsabilité particulière qu’elles pouvaient avoir dans la mise en application de ces sanctions. Je ne puis vous en dire plus : le ministre des Affaires étrangères sera mieux à même que moi d’en parler. Mais il est tout à fait indispensable que ces sanctions soient appliquées sérieusement. J’ai quand même entendu les autorités chinoises s’exprimer en des termes qui montrent que le sujet préoccupe désormais beaucoup Pékin alors que jusqu’à présent, la Chine n’était guère impliquée en ce domaine.
Il convient également de mentionner les sanctions que l’Union européenne sera amenée à prendre : la France souhaite jouer un rôle d’influence important vis-à-vis de nos partenaires européens pour qu’un régime de sanctions sévère et efficace puisse être institué.
Je peux difficilement aller beaucoup plus loin, Monsieur le député, car je n’ai malheureusement pas la solution clef en main – à vrai dire, personne ne la détient. Cela a été dit à plusieurs reprises, ce régime de sanctions est aussi destiné à permettre d’aboutir, à un moment donné, à une négociation avec la Corée du Nord. Force est de constater que nous n’en sommes pas là.
M. Fabien Lainé. Madame la ministre, nous prenons bonne note, au travers de la présentation des grandes lignes du projet de budget 2018, de la hausse significative (+7 %) des investissements, notamment en faveur de nouveaux équipements. On ne peut que s’en réjouir. Cela va permettre à nos armées de vrais gains d’efficacité, en particulier dans le cadre des OPEX. Néanmoins, ne craignez-vous pas que cette annonce – d’une hausse d’1,5 milliard d’euros par rapport à l’année dernière – provoque une inflation des tarifs de nos fournisseurs, en particulier des industries de la défense dont nous sommes trop souvent l’unique client ?
M. le président. C’est une très bonne question mais la réponse sera courte. (Sourires)
M. Patrice Verchère. Madame la ministre, à combien évaluez-vous le report de charges, sur 2018, des crédits non dégelés en 2017 ? Avez-vous une estimation du coût de l’intervention des armées après Irma dans les Antilles ? On sait que les opérations intérieures, au même titre que les OPEX, manquent de crédits. Enfin, on n’arrête pas de parler de gels, d’annulations, de dégels et de reports de crédits. Vous qui avez été secrétaire d’État au budget dans le gouvernement de Lionel Jospin, avez-vous espoir qu’en 2018, ce budget soit exécuté sans gels, reports ni annulations ?
M. Philippe Folliot. Étant un vieux de la vieille dans cette commission, j’ai entendu nombre de vos prédécesseurs à votre place nous présenter leur budget en essayant, avec les circonvolutions les plus diverses et variées, de nous convaincre que celui-ci était bon, en dépit de l’insuffisance des crédits qui lui étaient alloués. Partant de là, je ferai deux remarques.
D’une part, si vous avez fort pertinemment justifié les annulations de crédits subies par le ministère des Armées en 2017, il importe de souligner qu’elles s’expliquent par l’insincérité du dernier budget présenté par votre prédécesseur et que le Gouvernement et la majorité actuels n’en sont donc en aucune façon responsables.
D’autre part, nous ne pouvons tous que nous féliciter de l’augmentation sans précédent de ce budget. En dépit des interrogations qui pèsent sur le surcoût des OPEX, le budget que vous présentez est plus sincère, quant à ces opérations, qu’aucun des budgets de la défense jamais présentés sinon sous la Ve République, à tout le moins depuis 2002. Même si la contribution des autres ministères au financement de ce programme n’atteint pas le niveau souhaité, ce budget connaîtra une augmentation nette de plus d’un milliard d’euros : cette hausse sans précédent mérite d’être soulignée.
Mme Françoise Dumas. Madame la ministre, vous venez de nous confirmer votre volonté d’améliorer les conditions de vie de nos soldats et de leurs familles dans le cadre du plan d’accompagnement, en y mettant des moyens supplémentaires que ce soit pour le personnel civil de la défense ou pour financer le plan famille autour des problématiques de logement, d’intégration, etc.
Si ces sujets sont cruciaux, celui de la reconversion des militaires l’est tout autant alors qu’il n’est pas vraiment abordé dans ce chapitre, bien qu’il ait un véritable impact sur les soldats et leur famille. Chaque année, quelque 20 000 militaires de carrière ou contractuels retournent à la vie civile. Selon les chiffres fournis par Défense Mobilité, les militaires de rang éprouvent plus de difficulté à se reclasser que les officiers ou les sous-officiers, leur taux de reclassement étant de 50 %, et 7 000 d’entre eux ne bénéficient d’aucune formation faute d’avoir atteint les quatre ans nécessaires à l’ouverture de ce droit.
Cette question, qui n’est pas sans conséquence sur l’attractivité de ces métiers, va-t-elle être prise en compte dans ce budget, notamment dans son volet sur l’accompagnement des soldats et des familles ?
Mme la ministre. La croissance du budget des équipements ne risque-t-elle pas d’être absorbée par une hausse des tarifs des industriels ? La réponse est extrêmement simple : à nous de bien négocier. J’ai demandé au délégué général pour l’armement de moderniser les processus d’acquisition mais aussi d’être extrêmement attentif à ce que l’inflation des tarifs ne se produise pas au détriment du budget des armées. De ce point de vue, nous pouvons nous réjouir que, dans l’ensemble, l’industrie de défense française remporte des succès à l’exportation car cela réduit le risque que les hausses de prix ne soient réservées à un seul client, le ministère des Armées. Grâce à la multiplicité des clients, les risques sont répartis.
S’agissant des reports de charges de 2017 sur 2018, je ne peux pas encore me prononcer sur leur montant qui dépend notamment du dégel demandé de quelque 700 millions d’euros de crédits et du surcoût des OPEX. Je peux vous rappeler que le report de charges de 2016 sur 2017 était de l’ordre de trois milliards d’euros.
D’une manière plus générale, y aura-t-il des gels et des dégels ? J’aimerais bien le savoir. Je peux dire qu’il devrait y avoir beaucoup moins de gels en 2018 qu’il n’y en a eus en 2017. Le pourcentage des crédits gelés en 2018 devrait être de l’ordre de 3 % alors qu’il a pu s’élever à 10 % pour certaines années. Cela réduit la marge d’incertitude. Est-ce pour autant une bonne pratique ? Évidemment non, mais la tendance s’améliore. En tout cas, s’il y a gel, j’espère qu’il y aura dégel et pas surgel.
Venons-en à la reconversion des militaires. Nous recruterons 24 000 personnes en 2018, ce qui correspond à un flux de départs naturels de l’ordre de 20 000. Défense Mobilité, l’agence de reconversion de la défense, est chargée de reclasser les personnes qui quittent le ministère et de faciliter leur reconversion. Elle les aide notamment à acquérir des savoir-faire ou savoir-être qui leur permettront de mieux valoriser leurs compétences vis-à-vis d’employeurs.
En 2016, nous avons reclassé presque 13 000 personnes – militaires, civils, conjoints – dans le secteur privé ou la fonction publique. Le taux de reclassement global se situe à 70 %. Ce taux, plutôt satisfaisant, illustre le fait que nos personnels ont des compétences utiles pour faire une deuxième carrière dans le secteur privé, la fonction publique territoriale, hospitalière ou d’État. Environ 35 % de ceux qui ont été recrutés par une entreprise sont en contrat à durée indéterminée ; 95 % des employeurs qui ont engagé des personnels reclassés se sont déclaré satisfaits de leurs recrues. En 2017, nous avons mis en place un nouveau réseau de conseillers en transition professionnelle et une nouvelle organisation territoriale, au plus près du terrain, et nous avons engagé une démarche de modernisation de Défense Mobilité. L’agence a elle-même lancé un projet numérique qui a pour objectif d’améliorer le taux de reclassement des candidats que nous traitons.
M. Charles de la Verpillière. Madame la ministre, je me permettrais de faire une prédiction et de vous poser une question.
Malgré toute votre habileté à répondre à nos questions, je crois que vous ne réussirez pas, d’ici à la fin de la session budgétaire, à masquer le fait que l’augmentation de 1,8 milliard d’euros du budget de la défense ne correspond pas à un gain net pour les armées, et cela pour deux raisons déjà indiquées : le report de charges et l’étalement des programmes d’une année à l’autre ; le fait qu’en portant de 450 à 650 millions d’euros la pré-budgétisation des OPEX, vous ne mettez pas 200 millions supplémentaires puisque, de toute façon, vous seriez obligés de les mettre au moment du bouclage de l’exercice, dans le cadre du financement interministériel. Cela étant dit, même si l’augmentation n’est pas de 1,8 milliard d’euros, il y a un effort que je salue.
Dans le très intéressant discours que vous avez prononcé en clôture de l’université d’été de la défense à Toulon, vous avez annoncé que la France armerait ses drones. Le budget 2018 prévoit-il quelque chose à ce sujet ?
M. le président. Avant de passer à une autre question, j’aimerais commenter votre prédiction, cher collègue.
Tout d’abord, je ferais observer que les reports de charges n’ont pas été inventés à l’occasion du budget de 2017. Cela fait des années et même des quinquennats que nous constatons un report de charges trop important, qui oscille entre deux et trois milliards d’euros. Nous avons toujours dit qu’il fallait le réduire. J’espère que, dans le cadre de la loi de programmation 2019-2025, nous pourrons le ramener aux alentours d’un milliard, c’est-à-dire à un niveau acceptable.
S’agissant des OPEX, la loi de programmation militaire prévoit une provision de 450 millions et un financement interministériel. Appliquons la loi et constatons un effort supplémentaire du ministère des Armées pour un montant de 200 millions. Même si cette somme est comprise dans l’augmentation de 1,8 milliard du budget de la défense, c’est tout de même un gros effort.
M. Christophe Lejeune. Madame la ministre, mon intervention porte sur les études amont, destinées à préparer l’avenir. Les programmes d’armement s’inscrivent dans un temps long : ils s’étendent sur plusieurs années, voire sur plusieurs décennies quand il s’agit des équipements majeurs. Le monde de la défense représente ainsi un creuset d’innovations et de technologies de haut niveau, porteur d’emplois, je le souligne, qu’il convient de soutenir pour être au rendez-vous des enjeux de demain, par un effort de recherche important.
Actuellement, le ministère des Armées consacre 720 millions à la R&D, dans un périmètre consacré d’environ 4,7 milliards d’euros. Il semblerait, d’après le Conseil des industries de défense françaises, que ce soit insuffisant pour répondre à l’accélération des cycles et des ruptures technologiques à laquelle nous assistons.
Afin de préparer dès à présent les prochaines décennies et de nous permettre de maintenir notre supériorité technologique, vous indiquez qu’un milliard d’euros sera consacré aux études amont. Pensez-vous que ce montant sera suffisant et sanctuarisé dans la prochaine loi de programmation militaire ?
M. Louis Aliot. Dans le document budgétaire, il est question d’un rééquilibrage du fardeau de l’OTAN entre les États-Unis et l’Europe mais aussi entre les Européens eux-mêmes. Avez-vous une idée de ce que veulent nous faire payer les États-Unis et l’Europe afin de corriger ce qu’ils considèrent comme un déséquilibre ? Au sein de l’Union européenne, a-t-on une idée chiffrée de l’effort de chacune des nations au titre du combat contre le terrorisme ?
J’ai l’impression qu’on demande beaucoup à la France sur le terrain – même si elle n’y est pas seule – sans qu’elle n’obtienne, en retour, beaucoup de contributions financières européennes à cet effort. Le ministre de l’Économie a indiqué que la contribution de la France à l’Union européenne augmenterait de plus de 2,3 milliards d’euros cette année. C’est la double peine : on nous demande d’intervenir plus souvent sur le terrain et d’abonder encore davantage le budget de l’Union européenne.
M. Philippe Chalumeau. Depuis 2014, nos forces armées mettent en œuvre des systèmes de drones de moyenne altitude et à longue endurance (MALE – medium altitude long endurance) de type Reaper. Ils jouent un rôle primordial dans l’opération Barkhane où ils sont déployés depuis le Niger et permettent d’assurer une présence aérienne quasi continue pouvant aller jusqu’à vingt-quatre heures. En matière de renseignement, les drones de surveillance apportent aussi un appui aussi crucial que discret à nos forces armées en terrain hostile. Cependant, ces aéronefs sont privés de la possibilité d’agir si une cible venait à surgir dans des conditions permettant son élimination.
Lors des universités d’été de la défense, vous avez annoncé votre décision d’armer nos drones de surveillance afin de renforcer à la fois notre capacité d’action et la protection de nos forces sur les théâtres d’opérations extérieures. C’est une décision que je tiens à saluer et dont j’aimerais connaître les modalités de concrétisation dans les mois à venir. Pouvez-vous, Madame la ministre, nous indiquer quelles sont les prochaines étapes de l’armement des drones Reaper déployés ou amenés à l’être au sein de l’armée française ? Pouvez-vous nous confirmer que le futur drone MALE européen sera également armé ou, à tout le moins, armable ?
M. Didier Le Gac. Ma question pourrait se résumer en un seul mot : Louvois. La semaine dernière, lors d’une émission télévisée, le Premier ministre a été interpellé par une épouse de militaire. Quand on entend un tel témoignage, on se dit que tout n’est pas réglé. Pouvez-vous nous faire un point sur le calendrier de mise en œuvre du système Source Solde ?
Mme Séverine Gipson. En ce mois d’octobre, mois européen de la cybersécurité, il serait opportun que nous nous intéressions à notre politique de cyberdéfense et aux moyens qui lui sont alloués. Toutes les opérations de défense, intérieures ou extérieures, comportent désormais des aspects cyber indispensables à la protection de nos soldats au sol et dans les airs. C’est pourquoi la France doit se doter des meilleurs outils et des plus grands talents afin de faire face à cette menace. Madame la ministre, comptez-vous travailler avec la société civile afin de coordonner une réponse globale à cette problématique ?
Mme Alexandra Valetta Ardisson. La direction générale de l’armement exerce la tutelle de quatre établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche. Le montant total des subventions pour charge de service public, prévu dans le PLF pour 2018 pour ces écoles, s’élève à 157,3 millions d’euros, en légère augmentation par rapport à la loi de finances initiale de 2017.
Malgré leur très haut niveau, ces écoles d’ingénieurs françaises restent trop éclatées pour peser dans la concurrence mondialisée et elles doivent faire front commun pour accroître leur lisibilité et leur attractivité. Sur le plateau de Saclay, des rapprochements entre écoles ont été amorcés depuis quelques années, sans que nous en ayons aucune nouvelle pour le moment. Ce projet majeur, destiné à nous permettre d’avoir des industriels capables de fabriquer des équipements au meilleur niveau avec des ingénieurs de tout premier plan formés en France, va-t-il enfin s’accélérer en 2018 ?
Mme la ministre. Je ne vais pas revenir sur votre prédiction, Monsieur de la Verpillière. Nous verrons bien. De toute façon, il y aura un juge de paix. Je suis quelqu’un de pragmatique. Je ne dis pas que tout est parfait mais je constate que la situation serait beaucoup plus compliquée si les crédits n’augmentaient pas de 1,8 milliard d’euros. Je pense que nous pouvons nous rejoindre sur ce constat.
Pour revenir à un débat que nous avons eu précédemment, je crois qu’il est important que ce budget soit sincère en ce sens qu’il permet de financer des décisions prises dans le passé et qui n’étaient pas forcément financées jusqu’à présent. Comme nous avons déjà longuement disserté sur la situation des OPEX, je n’y reviens pas.
Plusieurs d’entre vous m’ont interrogée sur notre décision d’armer les drones, ce qui répond à un objectif d’efficacité. Nos drones de reconnaissance ne pouvant pas intervenir, nous étions confrontés à des délais d’intervention qui pouvaient nous faire manquer une opération. Les garanties en matière de conditions d’emploi – que certains appelaient de leurs vœux – ont été apportées.
Les drones seront armés à partir de 2019, en commençant par les six drones que nous avons commandés. Lorsque ces six drones auront rejoint les forces, ceux qui sont en opération seront rétrofités et équipés d’armes. L’impact financier ne sera donc visible que dans le budget pour 2019. Pourquoi ce délai ? Nous disposons de drones américains et nous devons passer par une procédure officielle qui implique le gouvernement américain ; nous ne pouvons pas commander directement l’armement à l’industriel. Les futurs drones MALE sur lesquels nous travaillons pourront être armés. En tout cas, c’est ce que nous souhaitons.
Les études amont sont dotées de 720 millions d’euros, un montant ayant vocation à être porté à un milliard d’euros aussi rapidement que possible en fonction des prévisions de la loi de programmation militaire. Je ne peux pas vous dire à quel rythme nous allons y parvenir. Nous ajusterons la trajectoire. En tout cas, vous pouvez être assuré que j’y veillerai tout particulièrement. Ces études amont sont fondamentales pour pouvoir développer les programmes d’équipements et les nouvelles technologies dont nos armées ont besoin.
Monsieur Aliot, vous m’avez interrogée sur le rééquilibrage du fardeau. En ce qui concerne l’OTAN, force est de constater que les Américains sont – et de très loin – les premiers contributeurs. Il y a déjà quelque temps, ils ont manifesté leur souhait que les autres membres de l’OTAN accroissent leur participation. C’est la raison pour laquelle il a été décidé de fixer un objectif, d’ailleurs identique à celui que nous poursuivons : les Nations membres de l’OTAN doivent consacrer 2 % de leur PIB à leur défense ; 20 % de la somme doit financer des investissements en équipements.
Certains pays – dont le Royaume-Uni, l’Estonie, la Pologne et la Grèce – remplissent déjà ces conditions. Dix-sept pays se sont engagés à augmenter fortement leur budget de défense entre 2015 et 2016. L’Allemagne a ainsi fixé à 3 % le rythme de progression de ses dépenses de défense. En 2016, la progression des dépenses de défense des membres de l’OTAN a été très supérieure à 3 % ; il me semble qu’elle frôlait les 4 %. Nous sommes donc clairement engagés dans ce processus. Cet effort supplémentaire, demandé à l’ensemble des membres de l’OTAN, tient compte d’un changement de contexte stratégique : contrairement à ce qu’on avait pu croire, après la fin de la Guerre froide les questions de défense, de protection et de sécurité ne relèvent pas du passé.
Qu’en est-il de l’Europe ? Les Européens contribuent d’ores et déjà aux opérations sur le terrain. On le voit dans le cadre des opérations que nous menons, même lorsque nous agissons hors cadre de coalition comme pour Barkhane au Sahel. Nos partenaires apportent des contributions en nature : mise à disposition de capacités de transport, ravitaillement en vol, etc. On voit bien que nos alliés et partenaires européens cherchent à nous soutenir. Les Américains le font également puisqu’ils interviennent au Sahel.
Certains États manifestent aussi leur volonté de s’unir entre eux, indépendamment des mécanismes européens qui sont en train de se mettre en place dans le cadre de l’Europe de la défense, afin de mener des opérations communes. C’est le but de la coopération structurée et permanente. À la Sorbonne, le président de la République a plaidé pour que ces interventions communes puissent se faire encore plus facilement : si certains États membres estiment qu’il est nécessaire d’intervenir lorsqu’un événement survient, ils doivent pouvoir le faire rapidement. Cette rapidité d’intervention implique une capacité à concevoir ces opérations ensemble en amont, une culture opérationnelle commune – que nous entretenons par l’interopérabilité développée à l’OTAN. Par le biais du fonds européen de défense, qui est en cours de constitution, les États peuvent aussi contribuer à des programmes communs d’investissement de défense.
On ne peut donc pas dire que la contribution de la France au budget de l’Union européenne progresse sans aucune contrepartie. Chaque État membre contribue, comme il se doit, au budget de l’Union européenne. La France mène aussi des opérations militaires avec l’appui de plus en plus manifeste d’autres États membres de l’Union européenne. Avec quelques partenaires européens, nous nous sommes ainsi mobilisés pour que la force conjointe du G5 Sahel puisse avoir des moyens effectifs et suffisants pour contribuer elle-même à la stabilisation de cette région. L’Allemagne, l’Italie, l’Espagne contribuent à la mobilisation de fonds ou de moyens pour soutenir cette force conjointe du G5 Sahel. De plus en plus, nous agissons de façon conjointe, y compris en dehors des financements communautaires.
S’agissant de Louvois, tout n’est pas parfait, mais ça va mieux : la situation est à peu près sous contrôle puisque 97 % des soldes sont payées comme elles doivent l’être, alors que ce taux n’était que de 90 % il y a quelques mois. Nous progressons et nous devrions afficher bientôt un taux de 100 %. Nous travaillons à la substitution de Louvois par Source Solde. Lors de mon déplacement à Toulon, je me suis rendue dans le service de la marine qui travaille au basculement d’un calculateur à l’autre. Nous serons attentifs aux différentes phases intermédiaires : nous ne basculerons pas d’un seul coup d’un monde à l’autre. Nous ferons des soldes à blanc, puis nous aurons un système de double calcul par l’un et l’autre logiciel. Lorsque tout cela fonctionnera parfaitement bien, nous envisagerons le basculement définitif vers Source Solde. A priori, c’est la marine qui devrait initier le processus, suivie de l’armée de terre.
Concernant Saclay, vous avez raison d’insister sur la nécessité de rapprocher nos écoles d’ingénieurs pour qu’elles aient la taille critique et la visibilité internationale qu’elles méritent. Il y va aussi de notre taille critique en termes d’innovation, donc de puissance économique de nos entreprises. J’assure la tutelle de deux écoles d’ingénieurs qui se trouvent sur le plateau de Saclay : l’École Polytechnique et l’École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA). Je suis très favorable à ce que ces deux écoles puissent se regrouper avec d’autres pour constituer un cluster dans la zone de Saclay. Parmi les autres écoles auxquelles nous pourrions penser, il y a au moins Télécom Paris et l’École nationale de la statistique et de l’administration économique (ENSAE). Je crois que le président de la République a l’intention de se rendre à Saclay à la fin du mois d’octobre. C’est une échéance intéressante pour essayer d’avancer d’ici là et de réactiver une stratégie collective entre, d’un côté, les différents établissements d’enseignement supérieur, et, de l’autre, les établissements de recherche.
La dernière question portait sur la manière d’associer la société civile à la réflexion sur la cybersécurité. Nous avons un premier rendez-vous : la revue stratégique à laquelle certains représentants de la société civile ont pu contribuer, et qui traitera notamment de ces sujets. Nous devons aller bien au-delà de la mobilisation de l’État puisque les attaques cyber concernent potentiellement des entreprises qui peuvent jouer un rôle très important dans la vie de nos concitoyens. Nous allons, en effet, devoir trouver la bonne façon de mobiliser la société civile et les forces vives, notamment dans le domaine des entreprises, pour renforcer notre niveau de protection par rapport à ces attaques cyber.
M. le président. Merci, Madame la ministre, pour la clarté et la précision de vos réponses.
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La séance est levée à dix-neuf heures vingt.
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Membres présents ou excusés
Présents. – M. Louis Aliot, M. François André, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Jean-Philippe Ardouin, M. Xavier Batut, M. Thibault Bazin, M. Olivier Becht, M. Christophe Blanchet, M. Ian Boucard, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Anne-France Brunet, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. Luc Carvounas, M. Philippe Chalumeau, M. André Chassaigne, M. Alexis Corbière, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Marianne Dubois, Mme Françoise Dumas, M. Jean-François Eliaou, M. Yannick Favennec Becot, M. Jean-Jacques Ferrara, M. Marc Fesneau, M. Jean-Marie Fiévet, M. Philippe Folliot, M. Claude de Ganay, M. Thomas Gassilloud, Mme Séverine Gipson, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Fabien Gouttefarde, Mme Émilie Guerel, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, Mme Anissa Khedher, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Fabien Lainé, Mme Frédérique Lardet, M. Jean-Charles Larsonneur, M. Didier Le Gac, M. Christophe Lejeune, M. Jacques Marilossian, M. Philippe Michel-Kleisbauer, Mme Patricia Mirallès, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, M. Joaquim Pueyo, M. Gwendal Rouillard, Mme Laurence Trastour-Isnart, Mme Nicole Trisse, M. Stéphane Trompille, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Patrice Verchère, M. Charles de la Verpillière
Excusés. – M. Damien Abad, M. Bruno Nestor Azerot, M. Florian Bachelier, M. Didier Baichère, M. M’jid El Guerrab, M. Olivier Faure, M. Richard Ferrand, M. Christian Jacob, Mme Sereine Mauborgne, Mme Sabine Thillaye
Assistait également à la réunion. – M. Éric Poulliat
Source: Assemblée nationale