Du dérapage raciste d’un officier à la bévue d’un ingénieur atomicien : deux séquences jugées lundi en chambre militaire. La procureur : « Tout soldat mérite le respect »
Une enseigne de vaisseau comparaissait lundi en chambre militaire pour « outrage envers un subordonné pendant le service » en l’espèce des propos racistes tenus à un barreur sur la passerelle du Dixmude, un bâtiment de projection de la Marine nationale. « Retourne chez toi manger des bananes sur ton île » puis « un bon noir, c’est un esclave » une salve balancé à trois reprises comme en atteste les bandes sonores des conversations qui par sécurité sont enregistrées sur la passerelle. Les faits s’étaient produits en mer et c’est au retour à Toulon que le marin a porté plainte.
« J’ai manqué de discernement, c’était dit sur le ton de la plaisanterie » se défend Romain, 35 ans, raide dans son bel uniforme blanc impeccable. L’officier au crâne rasé et aux yeux bleus acérés, rappelle qu’il s’est excusé avant de quitter la passerelle. « Pourquoi avoir porté plainte à votre retour à Toulon ? », semble s’étonner la présidente Karine Molco qui se tourne vers Djamal-Eddine le jeune barreur ultramarin outragé.
La réponse fuse : « Le bateau a décidé d’étouffer l’affaire, on me disait que c’était une blague. C’est pour cela que j’ai voulu faire valoir mes droits à mon retour à terre. » Son avocate fait observer que dans cette procédure « il y a eu deux poids deux mesures. Mon client a été sabré dans sa notation. Et l’officier de carrière a eu lui dix jours d’arrêt, soit à peu près la sanction pour un lacet mal fait. »
Rappeler l’Histoire, rien de tel pour lancer le réquisitoire. « Souvenons-nous de l’héroïsme des soldats d’Afrique décimés à Monte Cassino. Tant de tirailleurs sénégalais sont tombés pendant les deux guerres mondiales, et ceux de la IIème Division blindée du général Leclerc » lance le procureur de la République pour qui ces propos racistes sont « insupportables dans l’armée française ». « Tout soldat mérite le respect quelle que soit sa couleur » conclut-il en rappelant d’ailleurs que « notre Garde des Sceaux a eu à en connaître il n’y a pas longtemps de cela ». 6 mois de prison avec sursis sont requis.
« Oui il a dépassé les bornes », admet l’avocat de la défense qui tente de relativiser les mots et leur portée avant de s’aplatir sur un « Mon client s’est déjà fait traiter de crâne d’oeuf » et de quémander la non inscription de la condamnation au casier judiciaire. Le tribunal l’a condamné au final à 3 mois de prison avec sursis, a rejeté la demande de non inscription au casier. L’officier devra en outre verser 2000 euros au marin en réparation du préjudice moral et 1500 euros pour ses frais de justice.
Saisine atomisée
Dans une autre affaire, un ingénieur atomicien du porte-avions Charles-de-Gaulle était renvoyé en correctionnelle pour « divulgation de secret de défense nationale par la négligence du dépositaire » et « violation de consigne en temps de guerre ». On reproche à l’expert en chimie nucléaire d’avoir lors de l’escale à Chypre en octobre 2016, fait un film à bord du porte-avion avec d’autres marins faisant la fête et de l’avoir posté sur son compte Facebook à ses proches. Son avocat, Me Jean Boudot, a coupé court au procès en atomisant l’acte de saisine du tribunal.
Il a d’abord tenu à souligner qu’aucune information secrète n’avait été diffusée, que les locaux filmés ne sont pas davantage classifiés – la preuve Drucker a fait une émission à bord en 2015 avec une pléiade de stars – et que s’agissant de « violation de consigne en temps de guerre », il a fait observer que la France n’était juridiquement pas en guerre, aucune déclaration de guerre n’ayant été autorisée par le Parlement comme le prévoit la Constitution. Le tribunal a annulé la saisine. Et vogue le grand Charles.
David Coquille
Source: lamarseillaise.fr