Pouvoir d’instruction du juge administratif

Question écrite n° 20784 de M. Robert Laufoaulu (Iles Wallis et Futuna – Les Républicains-R) publiée dans le JO Sénat du 24/03/2016 – page 1158

M. Robert Laufoaulu demande à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, de bien vouloir de lui faire connaître si le manquement à l’obligation de mettre en œuvre le pouvoir d’instruction du juge administratif, a déjà été sanctionné par la Cour européenne des droits de l’homme, sur le fondement de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il lui demande, en outre, si la cour européenne des droits de l’homme s’est déjà prononcée sur le rôle du juge dans l’administration de la preuve et sur l’usage que le juge fait, ou non, de son pouvoir inquisitoire.

Transmise au Ministère de la justice

Réponse du Ministère de la justice publiée dans le JO Sénat du 30/03/2017 – page 1304

L’article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales pose comme principe fondamental le droit de saisir un tribunal indépendant et impartial afin que celui-ci tranche notamment toute contestation portant sur des droits et obligations de caractère civil au cours d’un procès respectant le principe de l’égalité des armes et le principe du contradictoire. Dans sa jurisprudence, la Cour européenne des droits de l’Homme appréhende la question de la preuve devant un tribunal sous l’angle des parties et non celle du juge. Ainsi, elle juge que le principe de l’« égalité des armes » implique l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause – y compris ses preuves – dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (CEDH, 27 octobre 1993, DOMBO BEHEER c/ Pays-Bas, n°  14448/88). Dans l’exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, il appartient au juge administratif d’ordonner toutes les mesures d’instruction qu’il estime nécessaires à la solution des litiges qui lui sont soumis, et notamment de requérir des parties ainsi que, le cas échéant, de tiers, en particulier des administrations compétentes, la communication des documents qui lui permettent de vérifier les allégations des requérants et d’établir sa conviction. Il lui incombe en particulier, dans la mise en œuvre de ses pouvoirs d’instruction, de veiller au respect des droits des parties et d’assurer l’égalité des armes entre elles (CE, 1er octobre 2014, n°  349560). Ainsi, sauf à démontrer que le juge administratif avait une obligation de procéder à une mesure d’instruction sous peine de méconnaître le principe du contradictoire, il y a lieu de constater que l’absence de mise en œuvre par le juge administratif de son pouvoir inquisitorial ne saurait constituer une violation de l’article 6 précité. D’ailleurs, la Cour européenne des droits de l’Homme n’a pas sanctionné un éventuelmanquement à l’obligation de mettre en œuvre le pouvoir d’instruction du juge administratif. Elle ne s’est également jamais prononcée sur le rôle du juge dans l’administration de la preuve, ni l’usage qu’il fait, ou non, de son pouvoir inquisitoire.

Source: JO Sénat du 30/03/2017 – page 1304

À lire également