Avant-projet de loi relatif à la réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français

Question écrite n° 07847 de M. Marcel Rainaud (Aude – SOC) publiée dans le JO Sénat du 12/03/2009 – page 605

M. Marcel Rainaud interroge M. le ministre de la défense sur l’avant-projet de loi relatif à la réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français.

L’Association des vétérans d’essais nucléaires (Aven), l’Association Moruroa e tatou et le Comité de soutien « Vérité et Justice » ayant pris connaissance de cet avant-projet de loi ont formulé des propositions de modification de ce texte.

Ces associations demandent l’abandon de la notion de seuil, en raison notamment des insuffisances des systèmes d’évaluation des expositions à la radioactivité, l’ouverture des droits à réparation pour les personnes souffrant ou ayant souffert d’une maladie radio-induite ainsi que leurs ayant droits.

Elles suggèrent par ailleurs une modification du 2ème alinéa de l’article 2 afin d’éviter les contradictions entre les systèmes d’indemnisation existant et le nouveau système, ainsi qu’une harmonisation des droits à indemnisation de toutes les catégories de victimes qu’elles soient environnementales, professionnelles ou militaires.

Il lui demande de préciser la façon dont il entend prendre en compte les propositions portées par ces associations dans la rédaction de cet avant projet de loi.

Réponse du Ministère de la défense publiée dans le JO Sénat du 01/04/2010 – page 819

Le Gouvernement, prêtant la plus grande attention au suivi des conséquences sanitaires des essais nucléaires français, a décidé de faciliter l’indemnisation des personnes atteintes de maladies radio-induites provoquées par les essais nucléaires réalisés par la France, entre 1960 et 1996, au Sahara et en Polynésie française.

La loi relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, promulguée le 5 janvier 2010, aboutissement d’un travail long et approfondi, crée un régime de réparation intégrale des préjudices subis par les victimes des essais nucléaires français, quel que soit leur statut (civils ou militaires, travailleurs sur les sites d’expérimentations et populations civiles, ressortissants français ou étrangers).

Elle permet à toute personne atteinte d’une maladie liée aux essais nucléaires français de constituer un dossier de demande d’indemnisation, qui doit comporter les éléments attestant la présence du requérant dans l’une des zones géographiques et au cours de périodes déterminées, fixées par la loi et son décret d’application.

La liste des maladies radio-induites ouvrant droit à indemnisation sera fixée par un décret en Conseil d’État. Elle s’appuiera sur les travaux du comité scientifique des Nations unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR) et évoluera en fonction de l’état d’avancement des données scientifiques.

Les demandes individuelles d’indemnisation sont soumises à un comité d’indemnisation, présidé par un conseiller d’État ou un conseiller à la Cour de cassation et composé notamment d’experts médicaux nommés conjointement par les ministres chargés de la défense et de la santé sur proposition du Haut Conseil de la santé publique.

Les associations de victimes ne peuvent être représentées au sein de ce comité dans la mesure où il s’agit d’un organe d’expertise technique, chargé d’examiner des dossiers médicaux individuels.

Pour autant, dans le cadre de l’examen de sa demande par ce comité, l’intéressé peut, s’il le souhaite, être assisté par une personne de son choix.

Les ayants droit des victimes décédées avant la promulgation de la loi précitée, soit avant le 5 janvier 2010, peuvent saisir le comité d’indemnisation dans un délai de cinq ans à compter de cette promulgation.

Toutefois, cette demande ne peut être déposée qu’au nom de la victime décédée, pour ses propres préjudices, et non au titre des préjudices des ayants droit.

Ceux-ci ont néanmoins la possibilité de demander la réparation de leur préjudice propre selon les règles de droit commun.

Le comité examine si les conditions de l’indemnisation sont réunies. Lorsqu’elles le sont, l’intéressé bénéficie d’une présomption de causalité à moins que, au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition, le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable.

Pour chacune des demandes individuelles, le comité d’indemnisation présente une recommandation au ministre de la défense qui décide de la suite réservée à la requête et notifie à l’intéressé une offre d’indemnisation ou le rejet motivé de sa demande.

L’indemnisation est versée sous forme de capital, déduction faite des réparations déjà perçues par le demandeur à raison des mêmes chefs de préjudice.

La loi du 5 janvier 2010 prévoit, en outre, que le ministre de la défense réunit au moins deux fois par an une commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires.

Cette commission peut également se réunir à la demande de la majorité de ses membres. Elle comprend dix-neuf membres : un représentant de chacun des ministres chargés de la défense, de la santé, de l’outre-mer et des affaires étrangères ; le président du gouvernement de la Polynésie française ou son représentant ; le président de l’assemblée de la Polynésie française ou son représentant ; deux députés ; deux sénateurs ; cinq représentants des associations représentatives de victimes des essais nucléaires ; ainsi que quatre personnalités scientifiques qualifiées dans ce domaine. La commission est consultée sur le suivi de l’application de la loi du 5 janvier 2010, ainsi que sur les modifications éventuelles de la liste des maladies radio-induites.

À ce titre, elle peut adresser des recommandations au ministre de la défense et au Parlement.

Il n’est en revanche pas prévu de créer un fonds d’indemnisation sur le modèle de celui des victimes de l’amiante, compte tenu de la spécificité du dispositif mis en place.

En effet, un tel fonds est généralement créé pour indemniser les victimes lorsque l’auteur du dommage est insolvable, n’a pas pu être identifié ou encore lorsque la responsabilité ne peut être clairement établie, compte tenu du grand nombre d’intervenants.

Le fonds est alors subrogé dans les droits de la victime pour exercer l’action récursoire à l’encontre de l’auteur du dommage, le cas échéant au terme d’une longue procédure judiciaire. Or, les essais nucléaires ayant été menés par l’État et sous sa seule responsabilité, c’est par conséquent l’État qui prend à sa charge l’indemnisation du préjudice sans exercer d’action récursoire d’aucune sorte.

Ce dispositif volontariste n’a d’autre objet que d’instaurer un régime de réparation des préjudices des personnes victimes des essais nucléaires français.

Source : JO Sénat du 01/04/2010 – page 819

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