De la réserve au secret, un fonctionnaire peut-il tout dire? (Vincent Dufief)

Quel est le point commun entre le magistrat Philippe Bilger, le gendarme Jean-Hugues Matelly et l’ancien agent de la DGSE Maurice Dufresse? Tous ces fonctionnaires se seraient récemment vus reprocher un manquement à leur «devoir de réserve» à la suite de prises de position publiques.

Si les conséquences de ces manquements ont pu être de diverses gravités (de lasimple convocation par un supérieur pour le magistrat Bilger à la révocation pour le gendarme Matelly; et encore inconnues pour ce qui est de M.Dufresse), il demeure que les diverses obligations limitant l’expression publique des fonctionnaires sont pour le mois floues.

En réalité, deux obligations d’intensités très différentes s’imposent aux fonctionnaires.


De la réserve…

Le premier devoir, le plus fréquemment invoqué contre les fonctionnaires «bavards», est le devoir (ou «obligation») de réserve, dont le régime est ainsi décrit sur le sitede la Direction générale de l’administration et de la fonction publique:

«Le principe de neutralité du service public interdit au fonctionnaire de faire de sa fonction l’instrument d’une propagande quelconque. La portée de cette obligation est appréciée au cas par cas par l’autorité hiérarchique sous contrôle du juge administratif.

L’obligation de réserve est une construction jurisprudentielle complexe qui varie d’intensité en fonction de critères divers (place du fonctionnaire dans la hiérarchie, circonstances dans lesquelles il s’est exprimé, modalités et formes de cette expression).

C’est ainsi que le Conseil d’Etat a jugé de manière constante que l’obligation de réserve est particulièrement forte pour les titulaires de hautes fonctions administratives en tant qu’ils sont directement concernés par l’exécution de la politique gouvernementale.

A l’inverse, les fonctionnaires investis d’un mandat politique ou de responsabilités syndicales disposent d’une plus grande liberté d’expression.

La réserve n’a pas trait uniquement à l’expression des opinions. Elle impose au fonctionnaire d’éviter en toutes circonstances les comportements portant atteinte à la considération du service public par les usagers.»

En réalité, l’on se rend compte que la notion de devoir de réserve est à géométrie relativement variable, ce qui permet de l’appliquer à bon nombre de comportements. Voire d’en faire un instrument de pression politique?

Il demeure pour autant que ce devoir de réserve ne saurait restreindre la liberté d’expression de toute personne, protégée par la loi et par la convention européenne des droits de l’homme.

Ainsi, aux termes d’une réponse ministérielle du 8 janvier 2001, le ministre de la Fonction publique et réforme de l’État a bien précisé que «cette obligation de réserve ne saurait être conçue comme une interdiction pour tout fonctionnaire d’exercer des droits élémentaires du citoyen : liberté d’opinion et, son corollaire nécessaire dans une démocratie, liberté d’expression».

Et comme dans toute situation de conflit entre deux droits, ce sera au juge d’apprécier, au cas par cas…

… au secret

Une autre obligation, aux contours bien précis et strictement encadrés par la loi, pèse sur les fonctionnaires. Il s’agit du secret professionnel, imposé aux fonctionnaires par l’article 26 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983:

«Les fonctionnaires sont tenus au secret professionnel dans le cadre des règles instituées dans le code pénal.

Les fonctionnaires doivent faire preuve de discrétion professionnelle pour….

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