Président de la République. Discours devant les Forces françaises aux Emirats Arabes Unis

RUBRIQUE : DÉFENSE, INTERNATIONAL, DÉVELOPPEMENT ET FRANCOPHONIE, NATION, INSTITUTIONS ET RÉFORME DE L’ETAT

Abou Dabi– Samedi 3 décembre 2016

Madame, Messieurs les ministres,

Messieurs les parlementaires,

Amiral,

Officiers, sous-officiers, officiers mariniers, militaires du rang des forces françaises des Emirats arabes unis,

Mesdames, Messieurs,

Je tiens d’abord à remercier le colonel BOITEAU qui nous accueille sur cette base aérienne, vous qui à 6 000 kilomètres de la métropole portez et défendez les intérêts de la France. Je tenais à vous exprimer ici ma reconnaissance parce que vous servez les intérêts de la France dans une région du monde, le Moyen-Orient, particulièrement agitée mais également cruciale pour notre propre sécurité.

Cet ensemble est placé sous l’autorité de l’amiral PIATON et comporte à la fois des forces militaires françaises stationnées dans le pays, des forces également maritimes et tous les éléments qui concourent à l’efficacité de notre mission.

Je le disais : le Moyen-Orient est traversé par des crises et des fractures et elles nous touchent directement, ce n’est pas nouveau. Le général de GAULLE dans ses Mémoires de guerre avait perçu l’enchevêtrement des facteurs d’instabilité et la nécessité pour la France, comme il le disait, d’en être, d’y être pour défendre nos intérêts.

Aujourd’hui, le Moyen-Orient est saisi de convulsions, de crises, de guerres et j’ai été conduit à prendre des décisions lourdes pour notre pays et à engager nos forces dans le cadre de la coalition en Irak d’abord, puis en Syrie dans le cadre de l’opération « Chammal ». Mais votre mission va même au-delà de ce que j’ai décidé au titre de l’engagement de la France parce que vous devez aussi assurer par le renseignement, par d’autres actions, la lutte contre le terrorisme, la piraterie, les entraves possibles à la libre-circulation, que ce soit en mer, où passe l’essentiel du pétrole du monde, ou dans le secteur aérien à travers des aéroports ici aux Émirats, mais aussi dans l’ensemble de la région qui accueillent des millions de voyageurs.

C’est la raison pour laquelle la France et les Émirats ont eu à cœur depuis des années d’entretenir un partenariat stratégique et de nouer une relation de défense particulièrement étroite et, j’allais dire , même exceptionnelle. Nous faisons ici la preuve par votre présence de la confiance que nous nous accordons mutuellement : les Émirats à l’égard de la France ; la France à l’égard des Emirats. Nous travaillons ensemble, nous poursuivons les mêmes objectifs et vous, vous êtes ici plusieurs centaines de militaires et de civils déployés aux Emirats, un tiers d’entre vous y résident en permanence avec leur famille. Il y a un état-major interarmées, une base navale qui accueille plusieurs dizaines de bâtiments par an, un groupement tactique interarmes de l’armée de terre, le 5e régiment de cuirassiers qui a été créé récemment et enfin cette base 104 où nous nous retrouvons aujourd’hui.

J’ai aussi une pensée particulière pour les services de soutien, ceux dont on parle moins mais qui sont essentiels pour la réussite des missions que je vous confie.

Alors, quelles sont ces missions ?

D’abord, assurer une présence dissuasive dans cette région et de monter en puissance aussi vite que possible dès que j’en décide avec le Premier ministre et les ministres responsables lorsque il y a un danger, une urgence ou une nécessité. Vous l’avez démontré lorsque j’ai pris la décision après les attentats du 13 novembre 2015 et lorsqu’il y a eu des frappes qui ont été déclenchées pour répondre aux attaques qui nous avaient été portées sur notre propre sol par les terroristes islamistes de Daesh.Vous avez été capables de répondre dans un délai particulièrement court et avec une efficacité particulièrement grande mais vous avez aussi démontré avec nos amis émiriens combien vous étiez capables aussi de monter un exercice exceptionnel il y a quelques jours, l’exercice « Golfe 2016 » qui a fait la démonstration d’une capacité commune de pouvoir agir ensemble sur des terrains particulièrement difficiles.

A partir d’ici, nous pouvons nous projeter dans toute la région et réaliser les opérations dont j’ai décidé l’ampleur et le ministre, la localisation avec l’état-major.

Mais nous avons aussi une autre mission qui est d’avoir une coopération bilatérale et régionale ici à Abou Dabi et de faire également la preuve, et elle est faite, que notre industrie de Défense avec des Rafale, avec les Leclerc, avec les véhicules blindés VBCI sans oublier les bâtiments qui utilisent la base navale, que cette industrie de défense est la meilleure du monde ou l’une des meilleures du monde ! Là encore, nos résultats à l’exportation en sont la meilleure illustration mais nous pouvons disposer des meilleurs équipements, nous pouvons avoir une industrie de défense qui développe des technologies de haut niveau, ce ne serait rien, en tout cas pas suffisant s’il n’y avait pas des personnels de qualité aguerris pour les servir. Ces personnels, ce sont les militaires qui sont en face de moi qui travaillent, qui s’entraînent, qui font en sorte d’être au meilleur lorsqu’ils préparent, lorsqu’ils réparent, lorsqu’ils agissent et votre savoir-faire est reconnu par tous les partenaires de la région.

Je sais aussi que grâce à ce que nous avons pu installer ici avec cette base, nous pouvons aussi mieux nous préparer. Nos unités qui sont engagées sur les théâtres d’opérations, notre armée de terre qui s’entraîne en milieu désertique, l’armée de l’air qui participe à des exercices qui sont organisés ici sur cette base et la marine qui coopère avec les Émirats et qui permet ainsi de nous préparer à la guerre des mines ou la lutte anti-sous-marine. Enfin, je souligne la place qu’occupe DCI, Défense Conseil International, parce que c’est un partenariat très important que ce soit pour des prestations au bénéfice des forces françaises ou émiriennes.

Je viens de rencontrer il y a quelques minutes les équipages de Rafale qui étaient marqués encore par l’effort qu’ils venaient d’accomplir, sept heures de vol, qui revenaient d’une mission toujours périlleuse mais nécessaire, indispensable pour le renseignement ; j’ai également eu quelques échanges avec une partie d’entre vous, les personnels qui participent à la préparation des opérations et je sais que c’est une tâche particulièrement délicate.

Je demande aux armées en ce moment d’exécuter des tâches, des missions, des opérations qui sont difficiles parce qu’elles sont nombreuses, parce que nos forces se sont engagées en Afrique, ici au Moyen-Orient et en plus sur notre propre territoire avec l’opération « Sentinelle ». Cela fait beaucoup, et parfois, ce sont les mêmes qui tournent d’opération en opération, opération extérieure, opération intérieure et préparation et entraînement. Je sais ce que cela exige comme rigueur, comme engagement, comme disponibilité, comme séparation aussi par rapport aux familles. Alors je voulais que vous le sachiez, mais vous n’aviez pas de doute là-dessus : non seulement vous avez la confiance des plus hautes autorités de l’Etat mais les Français sont fiers de vous, fiers de ce que vous faites, fiers de l’action que vous menez et aussi de la sécurité que vous leur assurez parce que agir ici, c’est agir pour la France mais c’est aussi agir pour les Français, pour leur propre sécurité.

Lutter contre le terrorisme ici au Moyen-Orient, c’est nous permettre d’éviter le terrorisme, de prévenir le terrorisme, de dissuader le terrorisme sur notre propre sol parce que ce sont les mêmes, ceux que vous combattez sont ceux-là mêmes qui ont décidé de frapper notre pays. Voilà pourquoi vous êtes investis d’une considérable affection de la part de nos compatriotes, compte tenu de la grandeur de votre mission. J’associe vos familles, celles qui sont ici et celles qui sont en France parce qu’elles subissent vos absences et forcément nourrissent des inquiétudes. J’associe tous vos proches qui vous soutiennent de loin ou de près. Mais en même temps, l’Etat doit prendre sa responsabilité, il ne peut pas simplement décider de vous engager et de ne pas vous fournir les moyens et les ressources indispensables.

Comme chef de l’Etat avec le ministre de la Défense et le Premier ministre, j’ai tenu à ce que la loi de programmation militaire votée en 2013 – Jean-Marc AYRAULT était Premier ministre – soit intégralement respectée.

Aucune loi de programmation militaire ne l’avait été jusque-là. J’ai même, compte tenu des circonstances, des menaces, des agressions, des engagements que j’avais décidés, fait une révision de la loi de programmation militaire mais à la hausse, c’est-à-dire inscrivant des crédits qui n’étaient pas prévus et je remercie les parlementaires qui s’y sont associés et qui auraient pu préférer servir d’autres priorités mais qui ont compris que c’était un enjeu pour la cohésion de la France parce que défendre la France, c’est défendre des valeurs, c’est défendre des principes, c’est défendre un esprit, un idéal. Donc défendre la France suppose qu’on mette aussi un terme – et je l’ai fait compte tenu là aussi des épreuves que nous avons traversées – à la baisse des effectifs dans nos armées.

Cette baisse, elle était continue depuis des années parce que la défense était devenue une variable d’ajustement et nous ne pouvions plus être dans cette configuration. Je l’ai fait parce que la situation l’exigeait ; je l’ai fait malgré toutes les contraintes qui pèsent ou qui pesaient à l’époque sur nos finances publiques. Quand il faut faire des choix, mettre plus de crédits ici, en retirer ailleurs, assurer quand même que les déficits et la dette devaient être maîtrisés et baissés pour les déficits et malgré tout engager davantage de moyens et de ressources pour nos armées. Je l’ai fait parce que c’est l’arbitrage principal que je devais exercer comme président de la République ; je devais d’abord assurer que la France pouvait être défendue et que les militaires auxquels je confiais des missions pouvaient assurer les opérations sans crainte de ne pas disposer des soutiens indispensables.

Les dépenses de défense représentent aujourd’hui une part significative du budget de l’Etat et c’est un engagement collectif très important. Il faut en être conscient. Cet effort devra être poursuivi au-delà même de 2017 et sans doute devrons-nous atteindre – ça fait partie des engagements que nous avons pris – 2% de la richesse nationale vers nos armées.

J’ai demandé à nos partenaires européens de faire le même effort, c’est d’autant plus nécessaire qu’ils partent de très bas et qu’ils ont toujours conscience que d’autres peuvent protéger l’Europe. Je les ai avertis : beaucoup de pays sont dans l’Alliance atlantique, nous aussi et nous y jouons tout notre rôle, mais l’Europe ne peut pas simplement tout attendre d’un allié, même puissant et ami – je parle des Etats-Unis d’Amérique. L’Europe, elle doit être capable de faire elle-même l’effort de défense si elle veut peser dans le monde et même être capable d’être protégée contre des menaces. La France est le pays d’Europe qui est, non seulement membre à titre permanent du Conseil de sécurité, mais qui dispose de l’appareil militaire le plus puissant. Nous en avons hérité et nous avons veillé à encore ajouter à cet effort de défense indispensable. Pourquoi ? Parce que la France doit être un pays certes solidaire de ses alliés, engagé pleinement dans la construction européenne mais un pays indépendant. Vous, vous voulez que la France puisse décider par elle-même et comme président de la République, je veux que la France puisse à un moment où j’en ai décidé, agir par elle-même, bien sûr en relation étroite avec nos partenaires, nous sommes membres d’une coalition, nous échangeons nos informations, nos renseignements, nous participons à des opérations communes mais nous en décidons.

Comme président de la République, jusqu’au terme de mon mandat, j’ai comme seul devoir de protéger les Françaises et les Français et donc de les protéger aussi bien à l’intérieur de nos frontières qu’à l’extérieur ; et comme chef des Armées, je dois vous accorder les moyens indispensables pour que vous puissiez accomplir vos missions et pour que vous puissiez faire face à toutes les menaces. Voilà ma responsabilité. Voilà mon devoir : protéger la France et les Français et faire en sorte que vous, vous qui assurez les missions qui vous ont été confiées, vous puissiez le faire en ayant les moyens indispensables.Le ministre de la Défense y veille particulièrement, ce qui nous permet d’avoir une diplomatie active car c’est en ayant une force, une défense, des valeurs et aussi une économie que nous pouvons avoir une politique étrangère. Comment faire entendre notre voix pour appeler à une solution politique en Syrie ou pour assurer qu’en Irak il pourra y avoir la réconciliation, comment faire entendre notre voix en Afrique, comment faire entendre notre voix partout dans le monde si nous ne disposons pas d’une politique de défense et des moyens d’assurer notre sécurité. La diplomatie dépend beaucoup de ce que l’on est capable d’avoir comme moyens d’intervention mais la diplomatie, c’est pour chercher la paix. Ce que vous faites, c’est de permettre qu’il y ait la paix demain.

Voilà ma responsabilité, voilà mon devoir mais ce que je voulais ici vous dire sur cette base, c’est ma confiance dans la qualité de vos missions telles que vous les exécutez, grande confiance dans votre professionnalisme, dans votre dévouement, dans votre engagement et vous dire que les Français sont fiers de vous.

Vive la République et vive la France.

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