Légitime défense des forces de l’ordre
M. le président. La parole est à M. Philippe Cochet, pour le groupe Les Républicains.
M. Philippe Cochet. Monsieur le président, ma question s’adresse à monsieur le Premier ministre.
Quelle est l’autorité de l’État quand un Premier ministre et son ministre de l’intérieur parlent de « sauvageons » quand ce sont des meurtriers qui attaquent les forces de l’ordre à Viry-Châtillon ? D’un point de vue pénal, ces auteurs peuvent être poursuivis pour tentative de meurtre, voire tentative d’assassinat. C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour les policiers, les gendarmes et, en général, pour les forces de l’ordre. La lâcheté de l’État et son manque d’autorité flagrant déstabilisent cette fonction régalienne qu’est la sécurité des personnes et des biens. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
M. Jean-Paul Bacquet. N’importe quoi !
M. Philippe Cochet. Quand vous promettez des pare-brise anti-projection et des tenues ignifugées, la traduction directe des policiers a été de dire : « Ah ! c’est bon, on peut nous jeter des cocktails Molotov maintenant. »
Mais pour qui prenez-vous les policiers ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Ils ne manifestent pas parce qu’ils manquent de moyens : ce n’est pas un problème de crayons ou de pleins d’essence des véhicules de police. Ces femmes et ces hommes exercent leur métier avec un sens aigu du service public.
Nous sommes en plein état d’urgence et nos policiers continuent chaque soir de recevoir sur eux des boules de pétanque jetées des toits des zones de non-droit, ils échappent à des émeutes dans des quartiers et sont blessés. Qu’ils soient policiers, gendarmes, pompiers, médecins, secouristes, ils n’en peuvent plus de l’impunité et de votre manque d’autorité.
Chaque nuit, les policiers se rassemblent dans toute la France et encore aujourd’hui devant les tribunaux.
Mme Brigitte Bourguignon. Ça vous arrange bien !
M. Philippe Cochet. Pour échanger régulièrement avec eux, je vous rassure : ils aiment leur métier et ils ne font pas de politique, contrairement à ce qu’affirme, en bon commissaire politique, le premier secrétaire du Parti socialiste qui, lui aussi, est complètement hors sol. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Ils sont simplement écœurés, car vous les avez abandonnés avec votre politique laxiste en termes de sécurité.
Face à une telle carence se pose très clairement la question de la légitime défense de nos forces de l’ordre. Le risque ne peut pas être uniquement du côté de ceux qui protègent les Français. Monsieur le Premier ministre, force doit rester à la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, quand on est attaché à l’autorité de l’État et qu’on a le respect des policiers – je rappelle que l’un d’entre eux est actuellement à l’hôpital Saint-Louis –, il y a des formes d’abaissement de la parole publique que l’on s’interdit au sein de la représentation nationale. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Je pense franchement, monsieur le député, que l’on doit s’interdire cet abaissement de la parole publique qui ne vous concerne pas seul puisque j’ai été qualifié par l’un de ceux que vous semblez soutenir de « celui qui sert de ministre de l’intérieur » – ce qui témoigne d’un niveau vraiment très élevé de la parole publique et de la pensée politique.
M. Christian Jacob. Regardez-vous dans une glace !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Quand on abaisse à ce point la parole politique, il ne faut pas avoir le bilan que vous avez. Vous vous exprimez au nom d’un groupe qui a supprimé 13 000 emplois au sein des forces de police et de gendarmerie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)
M. Christian Jacob. Et vous, qu’est-ce que vous avez fait ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous vous exprimez en donnant des leçons aujourd’hui, alors que vous avez diminué de 15 % les crédits de fonctionnement de la police et de la gendarmerie, et qu’il y a aujourd’hui des commissariats qui ne sont pas rénovés, des véhicules en état d’obsolescence, que précisément nous sommes en train de rénover et de remplacer sous l’autorité du Premier ministre.
Vous parlez de l’autorité de l’État dans les quartiers, mais imaginez-vous, monsieur le député, que les policiers de France et les gendarmes ignorent que vous avez supprimé en cinq ans quinze unités de forces mobiles qui nous manquent cruellement, partout en France, pour assurer le maintien de l’ordre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Parce qu’il y a un exercice qui s’appelle la primaire, vous êtes en train de verser des larmes de crocodile sur le sort de ceux que vous n’avez cessé d’affaiblir par les décisions budgétaires et politiques que vous avez prises.
Alors je vous le dis, monsieur le député, les policiers, je les rencontre tous les jours et ce depuis des années.
M. Alain Chrétien. Ils ne vous aiment pas !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ils manifestent effectivement une colère. Mais cette colère, ils la manifestent surtout contre l’état de déshérence dans lequel vos amis ont laissé la police et la gendarmerie et auquel nous sommes en train de remédier par nos décisions. Rien dans votre démagogie ne parviendra à les convaincre, parce que, par cette démagogie, vous les méprisez et vous abaissez la parole politique ! (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, écologiste et républicain se lèvent et applaudissent vivement. – Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. – Huées sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Source: Compte rendu intégral Assemblée nationale Première séance du mardi 25 octobre 2016