Toute une nuit de brimades dans la caserne du « 13 »

À la barre du tribunal correctionnel de Chambéry, hier matin, le discours tenu par les deux anciens militaires du 13e Bataillon des chasseurs alpins, âgés de 25 ans au moment des faits, a radicalement changé. Il faut dire que ce qui leur est reproché a été commis il y a quatre ans et demi et qu’ils ont refait leur vie loin de l’armée et de la Savoie.

Par volonté de les “endurcir”

Dans la nuit du 7 au 8 février 2012, les deux soldats, l’un première classe, l’autre caporal à l’époque, tous deux entrés dans l’armée et au “13” en 2007, auraient commis des violences volontaires en réunion à l’encontre d’autres hommes du “13”, dans l’enceinte de la caserne. Et il est même fait état d’une agression sexuelle.

Cette nuit-là, dans une chambre du Roc Noir à Barby, les coups et les brimades pleuvent sur la tête, les bras et les jambes de trois soldats, tous 1re classe et membres de leur section. Il y aura trois passages dans cette même chambre, entre 22 h et 2 h du matin, où les deux prévenus vont faire subir « une humiliation » traumatisante à leurs victimes, telle que la qualifie le Parquet. « Ce n’est pas un simple bizutage, de toute façon déjà interdit et répréhensible, car c’est à l’encontre de soldats qui avaient de l’expérience dans l’armée, pas des jeunes recrues. »

Il y a les coups violents portés (balayettes et coups de poing), des lits mis en cathédrale alors que les trois militaires dorment, avec des chutes au sol. Il y a même un des chasseurs alpins à qui l’on demandera finalement de se mettre nu. Et puis, il y a cette scène qui caractérise ladite agression sexuelle : l’un des deux prévenus soulevant une victime sur ses épaules et l’autre pointant une barre de traction entre ses fesses et exerçant des pressions. Avec ou sans pénétration ? Avec ou sans caleçon ? Les versions divergent mais l’examen clinique pratiqué par un médecin limite la portée du geste.

À l’époque, de retour d’une nouvelle mission extérieure en Afghanistan, les deux accusés jugent que le niveau de leur unité a baissé, par manque d’aguerrissement de certains nouveaux. C’est leur état d’esprit alors. Le cocktail “détonant” pris ce soir-là (bière, boisson énergisante et vodka) serait l’autre élément déclencheur de leur “expédition punitive” visant à “endurcir” des membres de leur section.

Lors de leurs auditions en 2012, après avoir tenté d’abord de dissimuler les faits, ils justifient ainsi leurs actions. Mais cette fois, à la barre, tous les deux s’excusent et assument qu’ils ont fait « n’importe quoi ». Le 1er classe leader de section reconnaît même que ce « mauvais délire » dans lequel ils s’étaient engagés « aurait pu se reproduire » s’il n’y avait pas eu cette dénonciation par les victimes sur insistance de leur hiérarchie à faire la lumière sur cette affaire.

La notion d’agression sexuelle requalifiée

« Les valeurs de l’armée et du corps du “13”, faites de fraternité et de solidarité, ont été bafouées et salies par ce déchaînement de violences juste pour rabaisser », insiste encore Cédric Mestre, au ministère public. Il requiert un an de prison avec sursis à l’encontre de chacun des deux ex-militaires pour les violences ayant entraîné des ITT inférieures à 8 jours. Mais il s’interroge le premier sur la connotation d’agression sexuelle.

Les deux défenseurs des prévenus, Me Daniel Cataldi et Me Vanessa Bailot-Vidal lui emboîtent le pas. Leur demande de requalification de l’agression sexuelle, motivée par l’absence de perversité sexuelle dans l’expertise psychiatrique de leurs clients, va aboutir à l’heure du rendu du jugement par le président Édouard Thérolle.

Le tribunal correctionnel de Chambéry a condamné les deux prévenus à une peine identique d’un an de prison avec sursis pour violences volontaires commises en réunion et avec une arme par destination.

Source: ledauphine.com

À lire également