M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe Les Républicains.
M. Pierre Lellouche. Monsieur le Premier ministre, après les déclarations de M. Ayrault devant la commission des affaires étrangères réunie à huis clos la semaine dernière, je souhaite vous interroger sur deux points de notre politique étrangère qui ont un impact direct sur la lutte contre le terrorisme.
En Libye, d’abord, alors que nous soutenons officiellement le gouvernement Sarraj à Tripoli, nous apprenons que des forces spéciales françaises combattent à l’autre bout du pays aux côtés de son rival, le général Haftar. Nous avons d’ailleurs perdu trois soldats au mois de juillet. Première question, donc : quelle est la politique de la France en Libye ?
Deuxième question : quelle est la politique de la France en Irak ? Le 24 septembre 2014 puis le 13 juillet 2015, alors que vous demandiez ici même l’autorisation du Parlement pour intervenir en Irak, vous avez explicitement spécifié que l’intervention française serait uniquement aérienne et qu’elle porterait accessoirement sur la formation de combattants peshmergas. Je vous cite, monsieur le Premier ministre : « Nous n’engagerons pas de troupes françaises au sol. » Or nous apprenons par la bouche de M. Ayrault qu’en plus des 500 hommes déjà présents en Irak a été déployée, il y a quelques jours, une batterie d’artillerie accompagnée de sa force de protection de 150 soldats.
Nous sommes en train de changer d’époque. Vous mettez le doigt dans un engrenage, celui de la participation de la France à des opérations au sol en Irak. Est-il raisonnable pour notre pays de participer à une guerre contre les sunnites, aux côtés des forces iraniennes, irakiennes et du Hezbollah ? Est-ce notre intérêt national ? Cela mérite un débat.
Vous avez outrepassé l’autorisation qui vous a été donnée l’an dernier. Nous vous demandons, monsieur le Premier ministre, de respecter la Constitution et d’ouvrir ce débat devant l’Assemblée nationale, comme l’exige l’article 35, alinéa 2, de notre Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député, notre intervention au Levant repose sur des bases juridiques claires et des bases constitutionnelles solides. Lorsque le Gouvernement a décidé, dans sa déclaration du 15 septembre 2015, l’engagement des forces aériennes, il a expressément exclu une intervention au sol en Syrie. Cette exclusion a été réitérée au moment du vote d’autorisation le 25 novembre 2015. En revanche, la prolongation de l’intervention des forces françaises en Irak accordée par le Parlement le 13 janvier 2015 n’opère pas une telle distinction.
M. Pierre Lellouche. C’est faux !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. En outre, le Premier ministre avait explicitement indiqué que le dispositif français dans ce pays continuerait d’évoluer.
M. Pierre Lellouche. Il a prononcé la phrase que j’ai citée !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. D’ailleurs, depuis de nombreux mois, des éléments terrestres sont chargés de la formation et du soutien à l’armée irakienne. Le déploiement d’une unité d’artillerie dans la région de Mossoul est simplement une extension du mode opératoire de l’engagement des forces françaises en Irak, en soutien des forces irakiennes. La nécessité d’un vote du Parlement n’est donc pas avérée.
En revanche, il importe d’informer le Parlement de l’évolution de la situation. C’est ce que j’ai fait moi-même le 26 juillet dernier : devant les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat, j’ai fait un point complet sur les opérations extérieures au Levant, y compris sur l’usage des canons César dont vous avez parlé il y a un instant. Le compte rendu en ligne de cette réunion en témoigne.
M. Pierre Lellouche. Je me réfère aux déclarations du Premier ministre !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Vous avez également évoqué la Libye. La France a toujours soutenu le gouvernement d’union nationale. Vous avez fait allusion à des actions militaires : il n’y en a pas. La France mène des actions de renseignement, comme elle le fait dans d’autres régions du monde. Sur ce point, je me tiens à la disposition de la Délégation parlementaire au renseignement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)
Source: Assemblée nationale