Audition, ouverte à la presse, de M. Bruno Sainjon, président-directeur général de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA). — Informations relatives à la commission.

Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 16 mars 2016

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 39

Présidence de Mme Patricia Adam, présidente

— Audition, ouverte à la presse, de M. Bruno Sainjon, président-directeur général de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA).

— Informations relatives à la commission.

La séance est ouverte à neuf heures trente.

Mme la présidente Patricia Adam. Je suis heureuse d’accueillir M. Bruno Sainjon, président-directeur général de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA). Chargé de recherches et d’études dans nombre de domaines stratégiques intéressant l’industrie aéronautique, spatiale et de défense, l’Office est un outil aussi précieux que malheureusement méconnu du grand public. Votre audition permettra, je l’espère, de mieux faire connaître vos apports à la base industrielle et technologique. Elle fait également suite aux travaux de notre rapporteure pour avis sur le programme 144, Mme Isabelle Bruneau, qui dans son dernier avis avait attiré l’attention sur les difficultés de l’ONERA, tout particulièrement s’agissant de l’état de la grande soufflerie de Modane.

M. Bruno Sainjon, président-directeur général de l’ONERA. C’est pour moi un honneur et un plaisir d’être entendu aujourd’hui par la commission de la Défense et des forces armées. C’est en effet la première fois qu’un président de l’ONERA participe à une telle audition devant votre commission. Cette première audition intervient aussi à un moment particulier pour l’ONERA qui célèbre cette année son soixante-dixième anniversaire.

J’ai eu, depuis mon arrivée à la tête de l’ONERA, mi-2014, l’occasion d’être entendu par plusieurs d’entre vous, entretiens au cours desquels je vous ai non seulement fait part des enjeux stratégiques que représente l’ONERA, mais aussi de mes préoccupations concernant sa situation budgétaire. J’ai également pu constater – et avec moi l’ensemble du personnel de l’ONERA – votre implication et votre soutien qui se sont manifestés à plusieurs reprises de manière très concrète. C’est la première fois que la représentation nationale s’intéresse d’aussi près à notre situation ; c’est la raison pour laquelle je tenais à commencer cette audition en vous remerciant au nom de l’ensemble des personnels pour votre soutien et votre intérêt.

Je voudrais d’abord donner quelques points de repères sur l’organisme que j’ai l’honneur de présider. La création de l’ONERA au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale fut pour l’État la manifestation de l’affirmation d’une souveraineté retrouvée et d’un désir de reconquête de la position enviable qu’occupait la France en matière aéronautique avant ce conflit. Il s’agissait également de reconstruire une industrie aéronautique de premier plan et le caractère stratégique de l’ONERA conduisit naturellement à le placer sous la tutelle unique du ministre de la Défense.

L’ONERA est un établissement public à caractère industriel et commercial dont les missions sont régies par le code de la défense. L’ONERA a pour missions principales le développement et l’orientation des recherches dans le domaine aérospatial, la conception, la réalisation et la mise en œuvre des moyens nécessaires à leur exécution, la diffusion, en liaison avec les services ou organismes chargés de la recherche scientifique et technique, aux plans national et international des résultats de ces recherches, en favorisant leur valorisation par l’industrie aérospatiale et leur éventuelle application en dehors du domaine aérospatial.

Dans le domaine spatial, l’article R 3423-2 du code de la défense définit ainsi le rôle de l’ONERA : « En liaison avec le Centre national d’études spatiales, il contribue par son action propre ou par le moyen de conventions aux recherches et aux réalisations expérimentales dans le domaine spatial ».

Cette tutelle unique du ministère de la Défense dont l’exécution est confiée à la Direction générale de l’armement (DGA) prend en compte les orientations des autres ministères concernés et au conseil d’administration de l’ONERA siège ainsi un représentant de chacun des trois ministres chargés respectivement des transports, de la recherche et du budget. À mon arrivée à l’ONERA j’ai eu à cœur de remettre l’Office en conformité avec le code de la défense car il était constaté un nombre important d’écarts entre la théorie et la pratique, ainsi que le souligne la Cour des comptes dans son récent rapport sur l’ONERA.

L’ONERA compte aujourd’hui un peu moins de 2 000 personnes dont environ 250 doctorants. Pour mettre ces chiffres en perspective, il est nécessaire de préciser que les effectifs s’élevaient il y a vingt ans à plus de 2 400 personnes hors doctorants, soit 650 permanents de plus qu’aujourd’hui. Le potentiel humain a connu un plan social en 1997 suivi d’une érosion lente qui a mené aux effectifs actuels. Il est intéressant de remarquer qu’en parallèle, et pour le seul secteur aéronautique, les effectifs de notre principal partenaire et homologue en Europe, le Deutsches Zentrum für Luft-und Raumfahrt (DLR) allemand, ont connu une forte progression de 35 % entre 2008 et 2014, passant de 1 277 à 1 736 personnes, accompagnée d’une augmentation de près de 50 % des financements publics, alors que le DLR se préoccupe quasi uniquement de recherche civile et intervient très peu dans le domaine de la défense, contrairement à l’ONERA. De même, le financement public du DLR a crû d’environ 50 %, alors que baissait parallèlement celui de l’ONERA.

Les ingénieurs et les chercheurs de l’ONERA se consacrent à la recherche finalisée pour le secteur aérospatial. Les travaux conduits concernent aussi bien les avions militaires et civils, les hélicoptères, les systèmes de missiles et de défense que les lanceurs spatiaux… Pour prendre un raccourci sans doute un peu sommaire, il n’existe pas de grands systèmes aérospatiaux français qui ne comportent une part plus ou moins importante d’ONERA.

Je vous donnerai plus avant quelques exemples de réalisations dans différents domaines.

Le rapport de la Cour des comptes paru début septembre 2015 ainsi que celui de la rapporteure pour avis du programme 144, Mme Isabelle Bruneau, ayant largement développé le sujet des contraintes budgétaires qui ont pesé sur l’ONERA depuis 2008, ce que j’ai appelé l’effet triple lame, je me limiterai aux exercices 2015 et 2016. En 2015, le budget de l’ONERA était d’environ 225 millions d’euros. L’ONERA a reçu du ministère de la Défense en 2015 une subvention pour charge de service public d’un montant de 105 millions d’euros majorée d’une subvention exceptionnelle de neuf millions d’euros. J’évoquais au début de mon intervention mes préoccupations d’ordre budgétaire. Le budget 2014 avait été construit avec l’hypothèse d’un déficit de 10 millions d’euros, dont on a pu craindre en cours d’année qu’il n’atteigne 25 millions d’euros, mais qui fut limité à 16 millions d’euros grâce à des mesures drastiques qui ont permis d’obtenir la subvention exceptionnelle de neuf millions d’euros. Je dois vous dire que les prévisions fin 2014 et jusqu’à mi-2015 faisaient craindre une année 2015 également fortement déficitaire. Le budget 2015 n’a d’ailleurs été approuvé que tardivement en conseil d’administration, le 10 juin 2015, avec la prévision d’un déficit limité estimé à 3,7 millions d’euros. Cependant l’exercice 2015 renoue avec l’équilibre puisqu’il fait apparaître un résultat légèrement positif de 5,2 millions d’euros. Mais je tiens à attirer votre attention sur le fait que cette embellie ne doit pas faire illusion car elle résulte d’une part de la subvention exceptionnelle de neuf millions d’euros que j’ai déjà mentionnée et d’autre part de mesures d’austérité qui ont gravement atteint nos capacités d’investissement scientifique qui ont connu en 2015 le niveau historiquement bas de 17,3 millions d’euros. À titre de comparaison, la capacité d’investissement de l’ONERA atteignait 42,5 millions d’euros en 2009. Or le maintien à niveau et le renouvellement ses installations scientifiques est vital pour l’ONERA. De la même façon, les acquisitions que l’ONERA effectue à 68 % auprès de PME/PMI partenaires ont été affectées.

Une des singularités de l’ONERA est que la subvention dont il bénéficie est inférieure à 50 % de son budget, la plus grande partie du budget de l’ONERA étant issue de la recherche contractuelle. La subvention couvre donc seulement deux tiers de sa masse salariale. Ces contrats proviennent aussi bien d’agences de programmes étatiques telles que la DGA et la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) que de l’industrie. L’an dernier a ainsi vu une remontée des prises de commandes avec plus de 105 millions d’euros contre 94 millions d’euros en 2014 et 84 millions d’euros en 2013, malgré un très faible niveau de commandes pour nos grands moyens d’essais, principalement les souffleries, soit moins de 10 millions d’euros, là aussi un seuil historiquement bas. Il s’agit là d’une conséquence cyclique du déroulement des programmes aéronautiques et spatiaux qui se trouvent aujourd’hui dans un creux après l’A380, l’A350 et l’A400. Cette perte de recettes issues des grands moyens techniques vous montre à quel point furent sévères les mesures d’austérité auxquelles a été soumis l’ONERA pour aboutir au résultat positif évoqué, sans oublier un effort sur la masse salariale entraînant la réduction des effectifs d’une trentaine de personnes en 2015. Il conviendra d’être particulièrement vigilant sur ce point car, comme cela a été souligné dans les rapports que j’ai cités, les femmes et les hommes de l’ONERA constituent sans le moindre doute sa première richesse.

Le budget 2016 a été adopté lors du conseil d’administration du 18 février dernier, moins tardivement que le précédent, mais toujours en léger déficit de 2,8 millions d’euros, avec encore des efforts dans tous les domaines, dont la masse salariale. En effet, si le budget est exécuté tel qu’il a été voté, l’ONERA comptera au terme de 2016 à nouveau trente personnes en moins. C’est d’ailleurs l’occasion pour moi de vous indiquer que nous avons été particulièrement sensibles que députés et sénateurs s’emparent de cette question au cours des débats intervenus fin 2015 lors de la discussion du projet de loi de finance 2016.

Une autre spécificité de l’ONERA est son parc de souffleries unique en Europe, voire au monde. Il s’agit d’équipements indispensables à la France et à l’Europe pour garder leur rang. Ces moyens, qui permettent de couvrir toute la gamme des vitesses – de Mach 0,1 à Mach 20 – et intéressent les avions, les missiles et les lanceurs spatiaux, sont un atout déterminant pour la France dans la préparation de son avenir aérospatial. Plus précisément, parmi les douze souffleries considérées comme stratégiques en Europe, trois des souffleries de l’ONERA le sont pour la défense et cinq autres pour l’industrie. Nous avons attiré l’attention fin 2014 sur l’importance des investissements nécessaires pour conserver l’excellence de ces huit souffleries. Le cas le plus emblématique est celui de la soufflerie S1 de Modane Avrieux pour laquelle le ministre de la Défense a récemment annoncé la mise en place du financement nécessaire aux opérations de consolidation. Je tiens là encore à remercier les parlementaires, députés et sénateurs, de l’intérêt et du soutien qu’ils nous ont apportés, qui ont certainement contribué à l’accélération du traitement de ce dossier.

L’ONERA a la capacité de satisfaire les besoins expérimentaux – avec ses souffleries – et les besoins de simulations numériques grâce à son expertise au plus haut niveau mondial en modélisation des phénomènes physiques utilisée dans l’élaboration de codes numériques qui sont d’ailleurs souvent repris par l’industrie. Je profite de cette audition pour vous signaler que si nous vivons dans une société baignée par le numérique, force est de constater que les outils numériques sont totalement incapables de calculer une configuration d’avion complète avec les précisions nécessaires. Les projections indiquent que ce constat ne sera pas modifié au cours des deux décennies à venir. Certains pays, comme les États-Unis, ont pris le pari il y a une quinzaine d’années de réduire leurs capacités en matière expérimentale pour viser le « tout numérique ». Ils font aujourd’hui machine arrière et investissent lourdement pour reconstituer une capacité expérimentale. Fort heureusement la France ne s’était pas engagée dans cette voie.

Concernant notre implantation sur le territoire, l’ONERA est présent sur huit sites, ce qui est beaucoup pour un établissement de 2 000 personnes : trois implantations en Île-de-France, son siège situé à Palaiseau depuis fin 2014, Châtillon et Meudon, deux à Toulouse, une à Modane, une à Lille et enfin la dernière, la plus petite, à Salon-de-Provence sur le site des écoles de l’armée de l’air pour faciliter la continuité entre enseignement et recherche.

Notre environnement industriel a beaucoup évolué au cours des deux dernières décennies, ce qui a conduit aux regroupements et au paysage que vous connaissez aujourd’hui. Il est toutefois important de signaler que tous ceux qui se sont penchés sur le sort de l’ONERA au cours des derniers mois, qu’il s’agisse de la Cour des comptes, des rapporteurs de l’Assemblée nationale et du Sénat, du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) ou d’industriels missionnés, tous ont fait le constat unanime de la nécessité d’un ONERA fort pour l’État français et pour l’industrie. Par ailleurs de nouveaux acteurs ont fait leur apparition, tels que les pôles de compétitivité ou plus récemment l’Institut de recherche technologique (IRT) Saint-Exupéry à Toulouse. Il est clair que l’ONERA n’a pas suffisamment pris en compte ces changements de périmètre au cours des quinze dernières années. Nous sommes en train de corriger cela et d’impliquer davantage l’ONERA dans tous les nouveaux outils mis en place, comme le montrent, par exemple, nos succès rencontrés via le programme d’investissements d’avenir (PIA) ou les appels à projets lancés par les sociétés d’aide au transfert de technologie (SATT) qui se mettent en place autour des communautés universitaires, comme ce fut le cas à Palaiseau en 2015.

Je ne développerai pas, faute de temps, le volet international qui nous vaut des succès et une reconnaissance européenne et mondiale. L’ONERA est un partenaire recherché par les institutions les plus prestigieuses comme la NASA (Administration nationale de l’aéronautique et de l’espace) américaine ou le TsAGI (Institut central d’aérohydrodynamique) russe. Pour ce qui concerne l’aviation civile nous avons aussi remporté des succès à Bruxelles dans le cadre des appels à projet portant sur l’initiative « Clean Sky 2 » ou le programme « Horizon 2020 ». L’ONERA a notamment été retenu en coopération avec le DLR dans le cadre du programme relatif aux nouvelles configurations d’aéronefs. Mais, très clairement, nos moyens limitent notre implication à l’international alors même que le souhait d’un ONERA internationalement fort et présent répond au souhait de l’ensemble de nos partenaires ainsi que l’a souligné le GIFAS dans le document qu’il a élaboré l’été dernier. Cette limitation risque également de déséquilibrer nos coopérations avec le DLR comme cela commence à être le cas pour la coopération emblématique portant sur les hélicoptères.

J’aurai l’occasion de revenir sur certains points quand j’évoquerai le prochain contrat d’objectifs et de performances (COP) de l’ONERA mais je souhaite vous présenter quelques exemples de réalisations et de la contribution de l’ONERA à la souveraineté de la France et à la compétitivité de son industrie aérospatiale.

Le radar GRAVES (grand réseau appliqué à la veille spatiale) est l’unique système opérationnel de veille et de surveillance de l’espace en Europe. Il est utilisé par l’armée de l’air et ses données sont exploitées au Centre national des opérations aériennes (CNOA) basé au Mont Verdun près de Lyon. Il a été entièrement conçu par l’ONERA qui en a également piloté la réalisation faute d’implication industrielle suffisante ; il permet de suivre au quotidien les satellites qui évoluent jusqu’à une altitude de 1 000 km. Grâce à lui la France dispose de manière autonome d’une base de données des éléments orbitaux des différents satellites. Depuis sa mise en service opérationnel en 2005 il a répertorié et assuré le suivi de plus de 2 200 objets qui passent au-dessus de notre territoire.

Cette réalisation illustre aussi l’une des contributions de l’ONERA à la souveraineté de notre pays et à sa diplomatie : l’extension, le 14 avril 2015, de la coopération franco-américaine concernant la surveillance de l’espace à des échanges d’informations classifiées illustre ainsi le caractère déterminant qu’a eu le système GRAVES dans ces relations. Un précédent accord, signé en 2005, limitait les échanges aux données ouvertes. L’ONERA est en 2016 dans l’attente de la notification par la DGA des contrats lui permettant d’assurer dans les années prochaines l’entretien, le développement et l’amélioration des performances de ce système.

La dissuasion est une autre contribution importante à la souveraineté de notre pays. En effet, si l’ONERA célèbre ses 70 ans cette année, les forces aériennes stratégiques célébraient leurs 50 ans l’an dernier. L’ONERA a accompagné le développement des capacités françaises par ses travaux sur la propulsion par statoréacteur qui constituait, il y a 40 ans, une rupture technologique. C’est cette expertise qui a permis le développement du missile nucléaire ASMP (air-sol moyenne portée), premier missile stratégique aéroporté, entré en service en 1986. Les travaux de l’ONERA ont également été décisifs dans le développement de son successeur entré en service en 2009, l’ASMP-A (air-sol moyenne portée amélioré), qui présente une évolution significative des performances du statoréacteur. Toutes ces études ont été réalisées en étroite coopération avec l’Aérospatiale hier et MBDA aujourd’hui, puisque nous sommes co-titulaires des contrats de recherche et de développement de ces nouveaux systèmes. De nombreuses compétences de l’ONERA concernant l’énergétique, les matériaux, l’aérodynamique, l’hypersonique, le guidage, le pilotage – pour n’en citer que quelques-unes – ont été mises à contribution. Aujourd’hui l’ONERA continue de s’investir dans l’avenir de la composante aéroportée selon les trois grands axes définis par le ministère de la Défense pour la poursuite de ces systèmes.

En ce qui concerne l’aviation de combat, je pourrais vous parler du rôle de l’ONERA dans le programme Rafale avec des contributions décisives concernant les entrées d’air, l’aérodynamique et la furtivité, avec notamment plus de 160 campagnes menées dans les souffleries. J’ai choisi de mentionner les travaux de recherche liés à la coopération franco-britannique FCAS (Future combat air system) qui doivent contribuer à poser les bases de l’aéronautique militaire du futur. Ces travaux portent, en coopération avec les industriels, principalement Dassault et Safran, notamment sur les problématiques d’aérodynamique, de qualité de vol, de furtivité aussi bien électromagnétique qu’infrarouge.

J’en viens au secteur civil avec l’hélicoptère « new look » qu’est le H160 d’Airbus Helicopters. Cet appareil devra assurer la succession de l’hélicoptère « Dauphin » à la fin de la décennie. Ce nouvel hélicoptère possède une empreinte acoustique réduite de moitié par rapport aux modèles précédents avec des performances aérodynamiques supérieures. Une des caractéristiques marquantes de cet appareil est la forme de ses pales, dont la genèse mérite d’être évoquée. Début 1990 des scientifiques de l’ONERA font part à leurs correspondants de la DGA d’idées innovantes concernant le développement de pales d’hélicoptère à l’aéroacoustique améliorée. Au terme de nombreux échanges, la DGA confie ce développement, qui était alors de la science pure, à l’ONERA et le premier contrat est signé en 1994. Les contrats s’enchaînent jusqu’en 2001 où le projet atteint un niveau de maturité technologique suffisant pour que la DGAC prenne le relais et notifie au couple Eurocopter-ONERA des contrats pendant dix ans afin de faire progresser le niveau technologique et de transférer ce savoir-faire à l’industrie. Un brevet a été déposé en 2008 et la pale est dévoilée par l’industriel en 2010, puis vient le tour de l’appareil en 2015. Le succès espéré du H160 à l’horizon 2020 repose donc sur un développement initié trente ans auparavant pour parvenir à disposer des technologies nécessaires.

Il est donc important de rester très attentifs si nous ne voulons pas avoir de mauvaises surprises dans une vingtaine d’années. M. François Auque, alors vice-président exécutif de Space Systems d’Airbus Group, qui intervenait lors d’un récent colloque à la Maison de la chimie me permet de conforter cette observation. Après avoir souligné, à juste titre, les succès de ce secteur en 2014, il s’adressait à Mme Geneviève Fioraso, alors secrétaire d’État à l’Enseignement supérieur et à la recherche, pour lui faire valoir que les succès d’aujourd’hui sont bien la réussite des technologies d’hier et que pour rester un acteur de premier plan, il est nécessaire que ces technologies soient soutenues aujourd’hui car « c’est une question de distance et de vitesse de la lumière ». Je suis intervenu à mon tour pour indiquer que je reprenais ces propos à mon compte en précisant qu’il convient de se préoccuper de la source de la lumière qui n’est pas la technologie mais, en amont, la recherche et la science, ce pour quoi l’État français a créé l’ONERA.

Dans le domaine civil, l’ONERA a également joué un rôle très important dans le grand succès commercial qu’est l’A320. Ce succès repose en grande partie sur le transfert d’un savoir-faire de l’ONERA en matière de commandes de vol électriques, technologie issue de besoins purement militaires. Cet exemple illustre bien l’intérêt technique, programmatique et industriel d’un outil à caractère dual tel que l’ONERA.

Bien que travaillant sur le moyen et le long terme, comme nous l’avons vu, l’ONERA est également en mesure de répondre à l’urgence. Lorsqu’au début de l’année dernière des drones pirates ont survolé des installations sensibles, c’est vers l’ONERA que se sont tournés la gendarmerie, avec laquelle l’ONERA a signé un partenariat, et le Secrétariat général pour la défense et la sécurité nationale (SGDSN). L’ONERA a été l’un des pilotes de la campagne d’essais visant à faire l’état des lieux des systèmes de détection et de neutralisation. L’État a ensuite lancé un programme de recherche avec des appels à projet à la tête desquels ont été retenus la société CS et l’ONERA, dans le but de développer un système de détection et de neutralisation de drones le plus automatisé possible.

J’ai déjà évoqué le prochain contrat d’objectif et de performance entre l’État et l’ONERA. Ce contrat doit couvrir la période 2016 – 2021 et revêt une importance particulière car, pour illustrer les écarts entre la théorie et la pratique, l’ONERA n’avait plus de contrat avec l’État depuis 2009. L’élaboration de ce contrat est placée sous le signe de l’écoute des attentes de tous nos partenaires, institutionnels et industriels. Au cours des derniers mois ont été organisés des séminaires bilatéraux avec la DGA, la DGAC, le CNES, le GIFAS, Dassault Aviation, Safran, MBDA, Thales, et Airbus. Chaque rencontre était consacrée à la prise en compte de leurs besoins scientifiques et techniques et de leurs attentes concernant l’organisation future de l’ONERA. Leur message est très clair : « L’existence d’un institut de recherche aérospatial bien positionné est un élément clé de succès pour le développement de la filière aérospatiale et l’ONERA a toute légitimité pour être cet institut. Cependant il doit être capable d’évoluer à la fois dans l’adaptation de son offre de recherche et dans son organisation ».

L’ONERA a également élaboré au cours de la même période son nouveau plan stratégique scientifique qui fixe les principaux axes d’efforts pour la décennie 2015 – 2025 et la manière dont l’ONERA se projette dans l’avenir. Le projet est suffisamment avancé pour être présenté très prochainement en comité central d’entreprise dont j’ai besoin de recueillir l’avis avant sa diffusion. Une fois accepté, ce plan sera accompagné de feuilles de route établies en étroite collaboration avec nos partenaires étatiques et industriels.

L’élaboration du contrat d’objectifs et de performance est actuellement conduite sous l’égide de la DGA, tutelle de l’ONERA, avec la mobilisation de tous les acteurs concernés par le devenir de l’ONERA. Cette mobilisation interministérielle et industrielle constitue pour nous un signe fort de l’engagement de tous pour l’ONERA de demain.

Ce nouveau contrat devra être le reflet de ce que notre pays attend d’un organisme consacré à la recherche aérospatiale et répondre aux souhaits de nos partenaires. Je profite de cette audition pour mentionner quatre des axes qui seront poursuivis dans le contrat :

– le lien avec la Défense sera renforcé par une nouvelle démarche d’inclusion des objectifs de recherche de base de la DGA dans la programmation scientifique de l’ONERA. Les réflexions menées dans le cadre de l’élaboration du COP ont d’ailleurs fait apparaître un besoin et un désir communs de mener ensemble des actions de recherche prospective en associant les équipes de la DGA et de l’ONERA ;

– je le disais plus haut, l’ONERA est un organisme de recherches finalisées qui se consacre à la recherche aérospatiale. Les activités de l’ONERA doivent profiter en premier lieu à l’industrie aérospatiale française et la renforcer. Cet objectif est donc revisité dans le contrat d’objectifs et de performances. Je considère qu’il va de soi que cette relation nouvelle s’accompagne d’un investissement contractuel accru de l’industrie pour les travaux de recherche de l’ONERA répondant à ses besoins ;

– le rapprochement déjà initié de l’ONERA avec les grands ensembles universitaires en cours de constitution à Palaiseau, École polytechnique, École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA ParisTech), et, à Toulouse, l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE), sera amplifié. Nous espérons que le partage d’une tutelle unique assurée par la DGA facilitera les travaux ;

– j’évoquais le nombre d’implantations de l’ONERA que j’estime trop élevé en Île-de-France avec les trois sites de Châtillon, Palaiseau et Meudon. Nous avons, dans le cadre des travaux en cours, l’objectif commun de regrouper l’essentiel de notre potentiel francilien sur le plateau de Palaiseau, ce qui ira dans le sens du rapprochement avec les écoles que je viens de mentionner.

L’organisation nouvelle que je compte mettre en place sera au service de ces quelques axes et de bien d’autres que nous aurons probablement l’occasion d’évoquer lors des débats qui vont suivre. Elle visera à doter l’ONERA des moyens qui lui permettront de mieux appréhender les enjeux transverses et de renforcer nos liens avec nos partenaires en leur garantissant la qualité de relations qu’ils sont en droit d’attendre. L’organisation et la structuration actuelle de l’ONERA datent de 1997 et notre environnement a changé ainsi que nos moyens, nos outils et nos effectifs : nos interlocuteurs étatiques et industriels se sont réorganisés dans l’intervalle, certains à plusieurs reprises. Il est donc fondamental qu’à son tour l’ONERA manifeste dans ses actes sa bonne assimilation des changements intervenus.

Vous le constatez mon objectif est bien de mettre l’ONERA sur une nouvelle trajectoire. La large concertation qui vient d’avoir lieu, et qui se poursuivra, va permettre de définir de nouvelles manières de travailler. Toutefois l’ensemble des moyens financiers, subventions et contrats, étatiques et industriels, devra être au rendez-vous si l’on souhaite que l’ONERA puisse être à la hauteur de l’ambition, qui a été récemment réaffirmée de manière unanime par l’ensemble de nos partenaires, d’un ONERA fort permettant à la France et à l’Europe de garder leur rang de haut niveau mondial, un rang obtenu en partie grâce à l’action de l’ONERA au cours des 70 années écoulées depuis sa création. Soyez assurés que c’est bien l’intention, la volonté et l’envie de ses personnels de faire en sorte qu’il en soit de même à l’avenir.

Mme Isabelle Bruneau. J’ai eu l’occasion de travailler sur l’ONERA et j’ai pu découvrir combien l’Office est une véritable pépite pour la France ; j’ai tenu dans ce cadre à relayer vos demandes de financement pour les travaux rendus nécessaires par l’affaissement de la soufflerie de Modane-Avrieux, où je compte me rendre rapidement. Je me félicite d’ailleurs que vous ayez pu obtenir un engagement du ministère de la Défense de 20 millions d’euros pour la rénovation de cette soufflerie, dont l’effondrement aurait entraîné une perte évaluée à 700 millions d’euros. Pouvez-vous nous préciser le calendrier des travaux ?

Au plan international, on sait que dans le domaine aérospatial, la Chine s’équipe et pourrait nous concurrencer. Que pensez-vous précisément de la position de la recherche et de l’industrie chinoises dans ce secteur ?

Concernant le contrat d’objectifs et de performance de l’ONERA, vous nous en avez expliqué les tenants, qui reposent sur un financement mixte entre subvention de l’État et financement de contrats de recherche. Pourriez-vous nous préciser quels contrats vous entendez pérenniser ?

M. Jacques Lamblin. Le rôle transversal de l’ONERA est particulièrement important pour notre recherche ; il suffit pour s’en convaincre de lire les publications sur vos « pépites » technologiques.

Vous avez souligné une situation financière pour le moins compliquée, dans laquelle le retour à l’équilibre opéré en 2015 résulte en partie d’une réduction de vos investissements. Les élus locaux sont confrontés à un dilemme du même type : faire des économies en réduisant l’investissement, est-ce vraiment faire des économies ? Ne risque-t-on pas plutôt soit de reporter une charge, soit d’obérer l’avenir ? Dans la période qui s’ouvre devant vous, la recherche de nouveaux contrats et l’optimisation des structures suffiront-ils à couvrir vos besoins d’investissement ou aurez-vous besoin de moyens publics complémentaires ?

Mme la présidente Patricia Adam. Je compléterai cette question en vous demandant si les industriels ont bien « joué le jeu ».

M. Bruno Sainjon. L’ONERA a bel et bien fait d’importantes fautes de communication dans les décennies passées. La communication est pourtant fondamentale, mais assez étrangère à la culture des scientifiques et des chercheurs. C’est donc pour nous faire mieux connaître que nous publions la présentation de nos « pépites » et nous avons tout intérêt à le faire : grâce à nos publications, chacun peut voir tout ce qu’un milliard d’euros investi en dix ans par l’ONERA a pu produire, et la somme n’est pas considérable au regard, par exemple, des cinq milliards d’euros consacrés à la recherche dans le même temps par EDF. Il me faut toutefois signaler que notre communication ne peut porter que sur des informations ouvertes. La classification de certaines informations constitue ainsi un frein à nos efforts de communication, ainsi que, parfois, une frustration pour certains de nos agents.

Nos souffleries sont des installations remarquables que je vous invite à visiter, ainsi que notre site de Palaiseau. Modane-Avrieux est très important, et l’annonce par le ministre d’un plan d’aide de 20 millions d’euros a utilement sécurisé son avenir ; nous espérons recevoir les fonds rapidement. D’ores et déjà, nous avons pu engager la rénovation de l’épaisse dalle de béton qui soutient l’édifice, ainsi que le désamiantage de la soufflerie. Nous espérons être en mesure de notifier des marchés publics rapidement, et l’ensemble des travaux devrait s’étaler sur quatre ans. Je peux vous transmettre ultérieurement leur calendrier précis, ce qui peut en outre vous être utile pour choisir à quel moment organiser une éventuelle visite parlementaire.

Les Chinois ont tous les moyens scientifiques et financiers de progresser dans le secteur aérospatial. En 2008 déjà, la Chine a provoqué la surprise en envoyant un homme dans l’espace, comme seuls les Russes et les Américains l’avaient fait avant elle. La Chine aura sans nul doute la capacité de s’engager à très haut niveau dans une aviation civile de rang mondial, mais reste à savoir à quel rythme, ce qui dépend à la fois des moyens qu’elle y consacrera et de l’aide qui lui sera apportée. À ce propos, la Chine a annoncé fin 2014 un partenariat avec la Russie. Comme je l’ai indiqué l’ONERA entretient depuis cinquante ans une collaboration très riche et très fructueuse avec son homologue russe, le TsAGI, et avec le TsIAM, collaboration dont nous devons d’ailleurs veiller à ce qu’elle perdure au-delà du renouvellement des dirigeants. Il semble toutefois que les Chinois, à la différence des Français, visent moins une véritable coopération que l’appropriation des savoir-faire, ce qui entraîne des réticences chez leur partenaire.

Concernant nos moyens, nous avons certes fait des progrès, mais tout l’enjeu réside dans l’élaboration et la mise en œuvre de notre contrat d’objectifs et de performance. In fine, force est de constater que les moyens et les missions de l’ONERA ne sont pas cohérents : faut-il dès lors adapter les moyens aux missions ou l’inverse ? La réponse n’était pas évidente il y a deux ans car l’ONERA avait été longtemps oubliée. Le besoin d’un ONERA fort est toutefois reconnu par tous les acteurs, et la DGA a réaffirmé les missions de l’ONERA, d’ailleurs presque inchangées depuis soixante-dix ans, à une modification près, intervenue en 1961, à l’occasion de la création du CNES, avec lequel les liens, distendus dans les années 2000, sont étroits aujourd’hui. Pour que l’ONERA remplisse ses missions, les moyens devront suivre, quelle que soit leur source. Un certain niveau de subventions est indispensable pour les projets et les investissements de moyen et long terme, dont le financement par les industriels, qui proposent des contrats portant le plus souvent sur des projets de court terme, est par nature plus difficile, sauf dans des cas particuliers comme le FCAS, par exemple.

Les investissements auxquels on renonce obèrent-ils l’avenir ? Oui, comme le montre le cas de nos huit souffleries dans l’entretien desquelles on a sous-investi au cours des années 2000, alors qu’aujourd’hui, leur caractère stratégique est réaffirmé. L’Office a présenté en 2014 un plan détaillé de rénovation de ses installations. Le financement évoqué de 20 millions d’euros va dans le bon sens, ainsi que les contrats de la DGAC pour la rénovation des pales de la soufflerie de Modane et l’informatisation de l’ensemble des souffleries, mais cela ne suffit pas à consolider la totalité de cette activité. L’État dit vouloir soutenir ce secteur stratégique à tous égards, y compris via les programmes d’investissements d’avenir, or curieusement, l’ONERA n’a que très peu bénéficié de ces programmes, dont il est par ailleurs l’opérateur. Une prise de conscience est en cours : nous bénéficierons en 2016 des premiers crédits de recherche directs issus d’un premier PIA, et l’idée d’un financement plus large des investissements dans nos centres au moyen de ces programmes mérite d’être étudiée.

Il est intéressant de noter que les industriels ont individuellement et collectivement réaffirmé le rôle et les enjeux de l’ONERA. Je crois qu’il était important de leur montrer que l’on voulait travailler avec eux et pour eux, et le message a été bien reçu. Il est nécessaire de bien distinguer deux volets : le volet soufflerie et le volet recherche. S’agissant du volet soufflerie, nous sommes dans un creux de cycle, et l’absence de programmes de gros-porteurs civils ou militaires et d’aviation d’affaires, a conduit à une activité très faible, de moins de dix millions d’euros. Les trois quarts de ces montants sont tournés vers l’activité export et concernent, par exemple, des essais d’avions chinois ou américains. Nous pensons avoir atteint le plus bas niveau mais nous espérons amorcer une remontée. Il est toutefois nécessaire que les industriels acceptent de contribuer par des travaux utiles à l’entretien de ces installations et de ces compétences. En matière de crédits de recherche, nous pouvons progresser. Par exemple, au moment où ont été posées les bases du volet aéronautique du PIA, il semble qu’il y ait eu alors un consensus pour réserver au sein de cette enveloppe un volume suffisant pour mener des études de bas TRL, mais cette option n’a pas été retenue. Or, vous voudrez bien me pardonner l’expression, mais quand est lâchée sans règle une masse d’argent à se répartir entre un parterre d’industriels et l’ONERA, les industriels se déchirent pour avoir la part de financement convoitée et l’ONERA n’a rien. Il y a donc des progrès à faire sur ce point. Il pourrait donc être utile que l’État, maître du jeu, mette en place une règle si un autre volet de PIA devait voir le jour. Cela dit, plusieurs mécanismes de répartition sont envisageables en la matière.

M. Gilbert Le Bris. Vous avez indiqué dans votre propos liminaire qu’il n’y a pas de grand système qui ne comporte de l’ONERA. Mais cette dose d’ONERA « inside » semble bien cachée car ce défaut de communication vous est certainement préjudiciable, par exemple, au moment des arbitrages budgétaires, comme cela a été sans doute le cas avec la soufflerie de Modane. Je prends acte du fait que vous souhaitiez apporter de la visibilité à l’ONERA, démarche à laquelle participe vraisemblablement cette audition. Êtes-vous impliqué dans l’augmentation de puissance du moteur de M88 du Rafale ? Quels sont vos atouts européens dans le programme civil Clean Sky ? Enfin, quelles relations avez-vous avec les autres organismes du ministère de la Défense qui s’occupent du domaine aéronautique comme le Service industriel de l’aéronautique (SIAé), la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère la Défense (SIMMAD), la DGA, etc. ?

M. Jean-Michel Villaumé. Vous avez évoqué des partenariats dans le domaine spatial. Avez-vous, après celui pour Ariane 5, un partenariat avec l’Agence spatiale européenne notamment pour le projet Ariane 6 ? Par ailleurs, il semble, selon ce qu’en dit la presse, que le regroupement des sites franciliens à Palaiseau et la fermeture des sites de Meudon et de Châtillon, soient compromis en raison du coût de transfert très élevé. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet ?

M. Nicolas Bays. La Cour des comptes a considéré que l’ONERA n’était pas assez impliqué dans l’aéronautique civile, estimez-vous cette critique justifiée et comment rendre l’ONERA encore plus dual ? Par ailleurs, 25 % de l’activité de l’ONERA est consacrée à la coopération européenne. Que pouvez-vous faire pour vous élargir encore au plan européen et chercher encore davantage de clients à l’extérieur des frontières européennes ?

M. Alain Moyne Bressand. L’ONERA est un établissement public et vous avez souligné la nécessité d’être financé par une part de subventions. Pensez-vous qu’une évolution de votre statut public, avec une ouverture au privé, vous aiderait à être plus performant et à combler vos lacunes en matière d’exportations et de relations avec les industriels étrangers ?

M. Alain Rousset. Je partage beaucoup des observations que vous avez faites sur le PIA et la nécessité d’une évolution du fonctionnement et de la stratégie de ce dispositif est incontestable. Il est en effet beaucoup trop concentré aujourd’hui sur les grands groupes, qui ont la capacité de l’optimiser industriellement et fiscalement. Je voudrais vous interroger sur votre relation aux PME. Le problème d’un pays centralisé comme la France, qui n’a pas renforcé ses régions, est que, contrairement à l’Allemagne et à d’autres pays, il ne sait pas accompagner suffisamment ses PME dans lesquelles réside pourtant la créativité. Nous attendons la mise en place des ONERA-Tech annoncées, à l’image de ce qu’a fait le Commissariat à l’énergie atomique (CEA). J’aimerais également aborder le problème des IRT à l’égard desquels je vous incite à la plus grande prudence. Je considère en effet insupportable qu’il s’agisse de fait d’un pillage en faveur des grands groupes de la propriété industrielle des PME du secteur, dont le retour est négatif, et je souhaite parvenir à faire évoluer ce modèle. De plus, comment travaille l’ONERA avec les régions que vous n’avez pas citées et qui sont le contact direct avec les PME ? L’ONERA devra être au cœur des réflexions sur l’avion du futur, à échéance de trente ans, pour que ne se renouvellent pas les erreurs du passé qui ont abouti à trois avions de chasse européens, alors même que les grands groupes tendent à faire passer aujourd’hui l’ingénieur au second plan, derrière le commercial. Enfin, je voudrais mentionner le statoréacteur, dont seuls disposent deux pays au monde, car je ne souhaite pas que cette technologie soit diffusée subrepticement via des accords industriels alors que la France doit savoir conserver ses savoir-faire.

M. Yves Fromion. Je vous trouve un peu sévère lorsque vous dites que l’ONERA a été oublié. J’ai été moi-même rapporteur des crédits du programme 144 pendant longtemps et votre prédécesseur, que j’allais voir régulièrement, ne me semblait pas maltraité ! Il me semble que l’État est conscient de ce qu’il doit à l’ONERA. Ma question porte sur le projet de radar transhorizon, qui permettrait à la France de disposer d’une technologie majeure. Pouvez-vous nous préciser son état d’avancement ?

M. Jean-François Lamour. Indépendamment du problème des coûts de transfert, comment pouvez-vous rendre compatible un regroupement de vos différents sites franciliens à Palaiseau et conserver votre capacité d’accompagnement des filières de recherche et développement des industries ? La concentration de vos forces, de nature très diverse, vous permettra-t-elle de disposer d’une force de frappe suffisante en matière de recherche et développement et d’études amont pour intéresser les industriels ?

Comme l’a souligné à l’instant Alain Rousset, est-ce que vous ne mésestimez pas le potentiel des PME et des ETI innovants, qui constituent aujourd’hui un vecteur puissant de recherche et développement et de recherche amont ? Si ce n’est pas le cas, êtes-vous suffisamment outillé pour le faire, notamment en matière de ressources humaines ? Ne vous manque-t-il pas des personnels, hors des laboratoires, qui se consacreraient à un « marketing de la recherche », une option qui pourrait faire partie de votre contrat d’objectifs.

Concernant les statos et hyperstatos, où en êtes-vous avec MBDA ? S’agissant de la future dissuasion, un débat se déroule autour de l’hypervélocité, qui sera un paramètre extrêmement coûteux à prendre en compte dans les futures lois de programmation militaire : quelles sont, si vous pouvez l’évoquer, vos relations avec les industriels sur ce point ?

M. Philippe Folliot. Le programme A400M a connu des difficultés industrielles en matière de motorisation : avez-vous été directement impliqué dans ce programme ? Existe-t-il des retours d’expérience dans la perspective de programmes futurs ? Avez-vous par ailleurs des éléments précis sur l’accident qui est survenu il y a quelques mois en Espagne ?

Par ailleurs, existe-t-il des équivalents de l’ONERA dans les autres pays européens et, si oui, quelle est la nature des relations que vous entretenez avec eux ? Des mutualisations sont-elles envisageables à l’échelle européenne ?

M. Bruno Sainjon. Pour ce qui concerne le M88, nous avons fait beaucoup de choses, à commencer par les matériaux. Safran réaffirme régulièrement son attente et son besoin des grandes compétences de l’ONERA en matière de matériaux métalliques pour lesquels nous disposons d’un réel savoir-faire.

Nous avons remporté plusieurs projets européens l’année dernière dans le cadre de Clean Sky. Malgré la disparité de moyens, nous nous sommes efforcés de nous présenter à un niveau équivalent à celui du DLR. Cela a donné de très bons résultats pour les avions, notamment la conception des aéronefs civils, mais malheureusement pas pour les hélicoptères alors que nous avions présenté trois projets. Les résultats des projets présentés dans le cadre de Clean Sky sont très bons et H2020 a été une réussite. Dans le cadre d’une politique européenne de collaboration avec des pays hors Europe, l’ONERA a présenté quatre projets, avec le Canada, le Japon et la Chine, et ces quatre projets ont été retenus. L’intérêt scientifique de ces projets ainsi que la qualité de nos relations avec ces pays faisaient en effet de nous un interlocuteur intéressant.

Nous ne travaillons pas avec la SIMMAD et le SIAé. Ils pourraient naturellement nous solliciter s’ils avaient des difficultés mais aucun besoin n’a été identifié jusqu’à présent.

Il y a beaucoup de choses à dire concernant le spatial ! Il convient de se remémorer que le CNES est né d’un refus de l’ONERA. Quand, dans les années 1960, le général de Gaulle veut que la France se dote de la dissuasion et d’un accès indépendant à l’espace, il crée d’abord, pour la dissuasion, la DGA, un outil qui n’existait pas, et ensuite, au sein du CEA, une direction des applications militaires. Pour les lanceurs, c’est-à-dire l’accès indépendant à l’espace, il était naturel de se tourner vers l’ONERA, qui avait déjà travaillé sur ces questions. Mais l’ONERA refuse cette mission au motif qu’il fallait séparer les activités – ce qui n’a pas été fait en Allemagne puisque le DLR cumule les activités d’agence spatiale et d’établissement de recherche. Des entités séparées avec des liens très intriqués ont donc été créées. Ceci a très bien fonctionné jusqu’à la fin du développement d’Ariane 5 mais comme la génération suivante n’a pas suivi, l’activité et les liens avec l’ONERA se sont distendus et le CNES a internalisé certaines activités. Avec le démarrage d’Ariane 6, les liens se resserrent à nouveau : nous avons signé avec le CNES, dans les semaines qui ont suivi le lancement du projet, six programmes d’intérêt commun. Ariane 6 est avant tout piloté par des enjeux économiques, mais pour les enjeux scientifiques de recherche, nous travaillons avec le CNES sur la fiabilisation d’éléments nouveaux. La communauté spatiale a connu quelque émoi avec les projets de lanceurs réutilisables. Nous avons lancé nos premiers travaux communs avec le CNES sur ce point en fin d’année dernière et nous devrions notifier ensemble un programme d’intérêt commun. La Commission européenne a également lancé un appel à projets pour un lanceur réutilisable dans le cadre de H2020 et l’ONERA a été retenu comme chef de projet pour un démonstrateur de lanceur en partie réutilisable pour des microsatellites. L’Agence spatiale européenne (ESA) avait envisagé de lancer des projets mais a reculé pour l’instant. Airbus Safran Launchers est également un acteur avec lequel nous travaillons dans ce domaine.

Nous avons des contrats avec l’ESA pour de petits montants. Nous avons signé la semaine dernière, avec nos homologues de l’INTA espagnol (Instituto Nacional de Técnica Aeroespacial), du DLR allemand, du CIRA italien (Centro Italiano Ricerche Aérospaziali) et du NLR hollandais (Nederlands-Lucht-en Ruimtevaartcentrum), la création d’une entité européenne de recherche spatiale, l’ESRE (Association of European Space Research Establishments), afin de fédérer nos capacités de recherche et de proposer à l’ESA et à la Commission européenne des technologies de rupture innovantes. Il faut en effet, comme l’a dit Alain Rousset, aller chercher ailleurs que chez les industriels dont les motivations sont avant tout de court terme.

En ce qui concerne nos implantations en Île-de-France, le calcul est relativement simple : la vente de nos terrains de Châtillon, environ quatre hectares, et de Meudon, environ 14 hectares, ne couvrirait pas le transfert et l’implantation des moyens et des équipes nécessaires avec un écart de l’ordre de 70 millions d’euros. Nous réfléchissons donc à ces questions. Les échanges avec les promoteurs se poursuivent pour savoir quel montant il sera possible de retirer de la vente. Nous sommes assez confiants pour Meudon et l’opération devrait être quasiment auto-porteuse mais il nous manque aujourd’hui « l’allumette » pour la lancer, car il faut préalablement pouvoir préparer les infrastructures pour accueillir les équipes et les moyens, or cela nécessite une trésorerie dont nous ne disposons pas à ce stade. Mais je ne suis pas très inquiet car nous trouverons des solutions. J’ai récemment rencontré le préfet de région pour voir quelle aide il pourrait nous apporter.

Selon moi, les critiques de la Cour des comptes relatives à l’aéronautique civile s’adressaient plus à la DGAC qu’à l’ONERA. Les financements de la DGAC en direction de l’ONERA consistaient d’une part en une subvention d’équipement qui a cessé en 2011, au motif de sa compatibilité avec la réglementation européenne, et d’autre part en des financements directs d’études de recherche. Je rappelle que la subvention de la DGA est censée couvrir l’ensemble de l’activité de l’ONERA civile et militaire mais que nous avions à l’époque une pression du ministère de la Défense pour faire davantage de militaire. La création du PIA a conduit le ministère du Budget à diviser par deux les enveloppes de recherche dont bénéficiait la DGAC, qui sont passées de 120 à 60 millions d’euros. Le problème est que l’ONERA n’a pas bénéficié du PIA aéronautique et que dans le même temps la DGAC, dont le budget se trouvait réduit de moitié, a donné la priorité à la recherche industrielle au détriment de projets de recherche amont. Nos contrats de recherche avec la DGAC sont donc passés de 20 millions d’euros en 2010-2011 à 276 000 euros en 2014. Il était donc fondamental de remettre notre relation à plat. Nous avons signé quatre conventions de recherche avec la DGAC l’année dernière, plus les deux conventions d’avances remboursables que j’ai évoquées dans le cadre de la rénovation des souffleries. Je crois que la DGAC a bien compris l’intérêt qu’elle avait à travailler avec l’ONERA et la reprise des liens est une très bonne nouvelle.

Vous parliez d’accentuer le caractère dual de l’ONERA : il l’est déjà intrinsèquement puisqu’il est le plus souvent impossible de savoir au départ si les résultats de la recherche fondamentale serviront des applications civiles ou militaires. Cette double activité, civile et militaire, est en revanche une vraie force pour l’ONERA. Le ministère de la Défense est par exemple très attentif à ce que les activités de dissuasion soient liées à la problématique des lanceurs, et je suis convaincu que c’est un plus absolu dans le domaine de la recherche.

Vous parliez de la possibilité pour l’ONERA de rechercher des clients à l’extérieur de l’Europe, mais nous le faisons déjà dans le domaine des souffleries. Fortes du constat que le creux de cycle post-A400, post-A380 et post-A350 se traduirait par une baisse d’activité pour les souffleries, les équipes de l’ONERA sont allées démarcher au début des années 2000 d’autres clients extérieurs. Le bilan de l’activité soufflerie depuis dix ans indique une moyenne d’environ 25 % de contrats export, car si l’on considère la baisse d’activité de ceux qui devraient être nos clients « captifs », Airbus, Dassault et Snecma, la part d’export a augmenté passant à plus de 50 % en 2014 et à plus de 75 % en 2015.

M. Moyne-Bressand posait la question du statut mais je n’estime pas qu’il s’agisse d’une limitation, y compris pour la création de filiales avec les industriels. Je ne vois pas en quoi cela constituerait un obstacle, peut-être parce que nous ne nous y sommes pas encore heurtés. Permettez-moi d’illustrer ma réponse par un exemple : lors du développement d’un nouvel avion de transport, civil ou militaire, intervient une phase de test dite analyse modale. Celle-ci consiste à tester la résistance de l’avion à des chocs en des points stratégiques. Les deux acteurs concernés par ces analyses sont, en France, Dassault et Airbus. Pour Airbus, nous avons, à la demande de l’entreprise, un partenariat avec le DLR et l’ONERA est leader quand les essais se déroulent en France, et le DLR leader quand ils se passent en Allemagne. C’est ce qui s’est passé fin 2014 quand nous sommes allés à Toulouse pour tester l’A350. En revanche Dassault s’appuie de manière privilégiée sur une société du groupe APAVE, dénommée SOPEMEA, avec laquelle nous avions dans les années 2000 des liens étroits, rompus dans l’intervalle. Nous devrions cependant signer dans les semaines qui viennent une convention avec le président de SOPEMEA afin de lier nos deux entités pour que l’ONERA devienne le « serveur » et SOPEMEA « les bras », permettant ainsi de renforcer les compétences nationales dans ce domaine. En clair, nous essayons de créer une coordination française compétitive, à même d’attirer de nouveaux clients. Cela pourrait également permettre à l’ONERA d’offrir son expertise dans des domaines dans lesquels intervient déjà SOPEMEA, comme le nucléaire ou les transports. Nous pouvons par conséquent conclure des partenariats avec l’industrie et nous disposons d’une variété de partenariats possibles, plus ou moins étroits, de manière à faire profiter les industriels de notre savoir-faire.

Par ailleurs, pour répondre à la question portant sur la présence des industriels au sein du conseil d’administration de l’ONERA, je précise qu’il en compte aujourd’hui quatre. Lorsque je suis arrivé, les entreprises représentées étaient Dassault, Safran, Thales et Airbus. Le conseil a été renouvelé en 2015, et nous avons désormais un représentant d’Airbus, de Safran, de Dassault et de Zodiac.

Pour répondre à M. Rousset, sur la relation avec les PME, 68 % des dépenses externes de l’ONERA vont vers les PME. Par exemple, nous évoquions tout à l’heure le cas de Modane, et j’ai demandé que l’on fasse le nécessaire, y compris avec SPIE, pour que ces 20 millions d’euros viennent irriguer le tissu des PME de Savoie. En outre, dans le cadre de nos recherches, il est évident que l’ONERA se tourne vers des PME à l’expertise pointue dans le domaine de la mécanique ou de l’électronique. Les achats métiers de l’ONERA entre 2009 et 2013 ont représenté 41 à 45 millions d’euros dans lesquels la part des PME était de 52 à 58 %, soit un flux de 25 millions d’euros. Avec les mesures d’austérité que j’ai été amené à prendre fin 2014 et en 2015, ces acquisitions extérieures sont tombées à un peu moins de 18 millions en 2014 et un peu plus de 18 millions en 2015. Par conséquent les économies qu’a dû faire l’ONERA ont eu un impact de sept millions sur les PME en 2014 et 2015. C’est à mon sens, un aspect à prendre en considération.

Vous avez parlé de la mise en place d’ONERA-Tech et c’est vraiment une chose à laquelle je tiens. Pour y parvenir nous comptons sur les régions dont je n’ai effectivement pas assez parlé. En effet les principaux soutiens que nous avons eus au cours des deux dernières décennies pour le maintien à niveau des investissements techniques dans le domaine des souffleries, sont venus des deux régions où sont situées les installations du Fauga et de Modane. Cependant en raison d’un processus de repli sur soi, l’ONERA s’est trop coupé des régions ces dernières années et nous avons essayé de rétablir le lien. Nous avons par exemple, et ce fut une très bonne nouvelle, obtenu l’an dernier de la part de la région toulousaine, un investissement fort d’un peu plus de quatre millions d’euros pour un projet associant l’ONERA à plusieurs acteurs régionaux dont des PME. Je tiens à ce que l’on pousse l’ONERA-Tech et je rappelle que nous étions présents avant le CEA, qui a mis, lui, les moyens humains et financiers nécessaires pour réaliser son projet, avec la force du CEA dont vous connaissez les liens. Or, nous avons beaucoup de partenariats réussis avec des PME qui sont venues nous chercher et auxquelles nous avons apporté nos savoir-faire. Certaines sont devenues des entreprises de pointe de classe mondiale dans leur domaine. Cela reste toutefois du cas par cas et l’enjeu d’ONERA-Tech est le développement de ces partenariats. Si nous disposons d’un soutien entier de la Banque publique d’investissement (BPI), ce projet devra, pour aboutir, être également financé en partie par les industriels. J’attends un soutien concret d’Airbus qui s’y est engagé en 2015.

L’ONERA est également labellisé Carnot depuis la création de ces filières. Les instituts Carnot sont aujourd’hui 34, beaucoup plus nombreux qu’à l’origine alors que les financements se sont plutôt réduits. Cela a conduit l’État à essayer de structurer ces instituts en filière d’excellence en 2014. Nous nous sommes érigés en chef de file des instituts Carnot à vocation aéronautique et avons été suivis. En 2015, parmi les trois projets retenus dès l’écrit figurait le nôtre. Nous allons donc démarrer cette année mais le problème auquel je me heurte actuellement est celui des ressources humaines et de la capacité à recruter. Je rappelle que, dans ce cadre, notre mission n’est pas de faire, mais d’animer. Mais il faut des moyens pour cela et vous comprendrez aisément que lorsque mes subventions et mes contrats couvrent à peine ma masse salariale, il est difficile d’irriguer l’extérieur.

Vous avez attiré mon attention sur les IRT. Combien de fois ai-je entendu « Mais pourquoi avez-vous laissé se créer l’IRT Saint-Exupéry à Toulouse ? », ou « Il fallait que l’ONERA s’y implique » ? Si l’ONERA ne l’a pas fait, c’est pour les raisons que vous avez indiquées, à savoir des problématiques de propriété intellectuelle, sujet brûlant en ce moment. Néanmoins cet IRT existe, il est implanté localement et on ne peut l’ignorer. Il intervient toutefois dans trois domaines limités : l’avion électrique, les matériaux et les systèmes embarqués. À nous de trouver des terrains communs.

M. Alain Rousset. L’IRT essaie de s’occuper de tout car il est en manque de tout.

M. Bruno Sainjon. On retombe sur une problématique économique : ces IRT étaient censés se développer pendant un certain nombre d’années grâce à des crédits mi-publics mi-privés, puis vivre des redevances générées par la propriété intellectuelle. C’est irréaliste économiquement. Quelque chose va donc devoir se passer pour les IRT dans les mois qui viennent.

Concernant les statoréacteurs, nous allons effectivement essayer de ne pas voir partir nos savoir-faire, d’autant plus qu’ils posent des risques en terme de prolifération. En revanche, et pour revenir rapidement sur la question du dual, le jour où l’on aura fortement progressé en matière d’avion hypersonique, ce savoir-faire unique acquis grâce à une expérience de quarante ans dans les statoréacteurs et la dissuasion fera de l’ONERA un acteur clé dans ce domaine.

Vous avez raison M. Fromion, je l’ai peut-être exprimé de manière un peu forte, mais je crois que l’ONERA s’était fait oublier et qu’il avait donc besoin de se montrer et de s’exprimer à nouveau. J’évoquais tout à l’heure le soutien apporté par votre commission au moment des débats budgétaires. J’ai tenu à rapporter à l’ensemble des personnels ce qui s’était passé à la fois à l’Assemblée nationale et au Sénat, notamment l’amendement proposé par Mme Bruneau et cosigné par plusieurs d’entre vous et qui visait à abonder de 15 millions d’euros la subvention de l’ONERA. J’ai aussi cité les interventions dans les débats de ceux qui expliquaient ne pas pouvoir souscrire à cette proposition non pas sur le fond, mais parce que la réaffectation de crédits aurait lésé certains programmes, dont le programme Contact à hauteur de 10 millions d’euros.

Quant au radar transhorizon, j’invite M. Fromion à se rendre à Palaiseau afin de voir ce que font nos équipes radar et d’approfondir ces sujets sensibles dans un cadre plus adapté. Je peux toutefois signaler que, début février, nous avons organisé les Journées programmes ONERA au cours desquelles nous avons présenté aux services officiels ce que nous envisageons de faire dans les domaines militaires, civils et spatiaux. À cette occasion, un intervenant du domaine technique de la DGA nous a dit être très fortement sollicité par les Américains qui souhaitent travailler avec la France sur ce radar, justement grâce aux compétences de l’ONERA dans ce domaine qu’ils considèrent comme les meilleures au monde. J’ai cité le radar GRAVES, mais le radar à ondes de surface est également une technologie très prometteuse que nous poussons.

Je remercie M. Jean-François Lamour qui vous invite à vous rendre sur notre site de Palaiseau. J’ai déjà évoqué le déménagement : il est évident que l’argent mobilisé pour ce projet ne pourra être utilisé ailleurs. Avant de mettre ce sujet sur la table des services officiels, il appartient à l’ONERA d’étudier celles des installations qu’il serait proposé de ne pas transférer pour des raisons scientifiques ou économiques. À nous d’être attentifs et de ne pas oublier d’installations sensibles ou stratégiques importantes.

À propos des PME, et au-delà de la réponse faite à Alain Rousset, ma position est très claire : il faut que nous fassions travailler les PME autour de nous. L’ONERA n’a pas vocation à tout faire. Nous devons développer des savoir-faire autour de nous et nous en avons la capacité : je crois que nous travaillons actuellement avec quelque 1 800 PME et j’espère que le projet ONERA-Tech nous permettra de développer encore ces relations.

Où en sommes-nous avec MBDA concernant le statoréacteur ? Comme je l’ai dit pudiquement lors de ma présentation, nous travaillons sur les trois axes développés par le ministère de la Défense. Deux axes avancent à des vitesses différentes mais, là encore, je ne vais pas pouvoir développer plus avant le sujet dans le cadre de cette audition. Je vous invite donc à venir rencontrer nos équipes sur place. Suite à une réorientation du programme, nous avons dû adapter l’une des souffleries de Modane pour faire des essais en mode supersonique assez avancé, car nous ne pouvions pas nous contenter des seuls résultats de simulation. J’en profite pour signaler que l’adaptation de la soufflerie S4 a nécessité trois ou quatre ans de travaux, financés par l’ONERA qu’il s’agisse des dépenses d’investissement ou de personnel. C’est logique car nous remplissons notre mission, mais ce facteur de coût n’est couvert pas aucune rentrée d’argent. Il faut y être attentif si l’on veut conserver cette capacité fondamentale et stratégique.

Nous avons fait beaucoup de choses sur l’A400M par le passé, y compris des essais en soufflerie, en raison des interrogations légitimes sur la motorisation particulière de cet appareil. Ces essais ont tout de même fait apparaître que certains éléments avaient été sous-dimensionnés : je pense par exemple à la pointe arrière de l’appareil qu’il a fallu renforcer d’un facteur deux. J’ai interrogé mes équipes : comment se fait-il que l’on rencontre encore des problèmes aujourd’hui ? Est-ce que certains problèmes n’ont pas été détectés à l’époque ? La réponse est positive, parce que les essais correspondants n’ont pas été demandés. De son côté, l’ONERA n’a sans doute pas été suffisamment force de proposition. J’étais hier au Fauga pour assister à la campagne d’essais que nous conduisons pour le compte d’Airbus afin de voir si nous pouvons apporter des solutions à la question du ravitaillement en vol des hélicoptères par l’A400M, dont vous savez qu’elle connaît quelques difficultés.

Il existe des équivalents de l’ONERA dans quasiment tous les pays européens. Le principal, celui qui aujourd’hui tente de prendre la tête dans ce domaine est le DLR allemand avec les moyens importants et le fort soutien dont il bénéficie. Au début des années 2000 nous avons créé une Association européenne des établissements de recherche dans l’aéronautique (EREA), qui comprend une quinzaine de membres. J’ai d’ailleurs été élu à la présidence de cette association l’année dernière ce qui, à mon sens, illustre le fait que nos partenaires européens souhaitent eux aussi un ONERA fort avec lequel dialoguer et travailler. Nous sommes en train de développer avec eux un certain nombre de partenariats bilatéraux ou multilatéraux dans le cadre des appels à projet européens.

Mme la Présidente Patricia Adam. Je crois que vous n’avez rien oublié, ce qui force l’admiration (Sourires). À la suite de plusieurs de nos collègues et de vous-même, j’invite les membres de notre commission à se rendre sur les sites de l’ONERA.

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Informations relatives à la commission

La commission a procédé à la désignation des rapporteurs des missions d’information suivantes :

Mission d’information sur la protection sociale des militaires :

– Mme Geneviève Gosselin-Fleury et M. Charles de La Verpillière ;

Mission d’information sur les enjeux industriels et technologiques du renouvellement des deux composantes de la dissuasion :

– MM. Jean-Jacques Bridey et Jacques Lamblin ;

La commission a procédé à la désignation des rapporteurs pour avis sur les projets de loi suivants :

Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Guinée relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces (n° 2607) :

– M. Guy Chambefort ;

Projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali (n° 3498) :

– M. Eduardo Rihan Cypel ;

Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Nouvelle-Zélande concernant le statut des forces en visite et la coopération en matière de défense (n° 3499) :

– M. Philippe Vitel ;

Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Croatie relatif à la coopération dans le domaine de la défense (n° 3500) :

– M. Sauveur Gandolfi-Scheit ;

Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité (n° 3501) :

– M. Jean-Michel Villaumé.

La séance est levée à onze heures trente.

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Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Patricia Adam, M. Olivier Audibert Troin, M. Nicolas Bays, M. Daniel Boisserie, Mme Isabelle Bruneau, Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Nathalie Chabanne, M. Guy Chambefort, M. David Comet, M. Bernard Deflesselles, M. Lucien Degauchy, Mme Carole Delga, Mme Marianne Dubois, M. Philippe Folliot, M. Yves Foulon, M. Yves Fromion, M. Claude de Ganay, M. Sauveur Gandolfi-Scheit, Mme Geneviève Gosselin-Fleury, M. Serge Grouard, M. Christophe Guilloteau, M. Francis Hillmeyer, M. Laurent Kalinowski, M. Patrick Labaune, M. Marc Laffineur, M. Jacques Lamblin, M. François Lamy, M. Charles de La Verpillière, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Frédéric Lefebvre, M. Christophe Léonard, Mme Lucette Lousteau, M. Jean-Pierre Maggi, M. Alain Marleix, M. Alain Marty, M. Damien Meslot, M. Philippe Meunier, M. Alain Moyne-Bressand, M. Philippe Nauche, Mme Nathalie Nieson, M. Jean-Claude Perez, Mme Sylvia Pinel, Mme Marie Récalde, M. Eduardo Rihan Cypel, M. Gwendal Rouillard, M. Alain Rousset, M. François de Rugy, M. Thierry Solère, M. Jean-Michel Villaumé, M. Philippe Vitel, M. Michel Voisin

Excusés. – Mme Danielle Auroi, M. Claude Bartolone, M. Malek Boutih, M. Philippe Briand, M. Jean-Jacques Bridey, M. Jean-Jacques Candelier, M. Laurent Cathala, M. Jean-David Ciot, Mme Catherine Coutelle, Mme Geneviève Fioraso, M. Éric Jalton, M. Bruno Le Roux, M. Maurice Leroy

Assistait également à la réunion. – M. Jean-François Lamour

Source: Assemblée nationale

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