Dans un arrêt de section du 27 juillet 2015, Ministre de l’économie et des finances c/Mme A. n°375042, le Conseil d’Etat abandonne une jurisprudence ancienne et estime désormais que la pension d’orphelin prévue par l’article L.40 du code des pensions civiles et militaires de retraite peut être cumulée avec les prestations familiales. Il estime désormais que la pension d’orphelin ne constitue ni un accessoire ni une majoration de la pension de réversion perçue par le conjoint du fonctionnaire décédé. les dispositions de l’article L. 40 du code des pensions civiles et militaires de retraite confèrent à l’enfant orphelin d’un fonctionnaire décédé un droit à pension qui se distingue des droits du conjoint du fonctionnaire décédé et constitue un droit propre de l’enfant. Cette pension est due à l’enfant orphelin jusqu’à l’âge de vingt et un ans et peut donc bénéficier à des enfants majeurs
CE sect. 27 juillet 2015 Ministre de l’économie et des finances c/ Mme A. n° 375042
1. Considérant qu’il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’époux de MmeA…, militaire, est décédé en décembre 2006 ; que Mme A…bénéficie à ce titre d’une pension de réversion et ses trois enfants d’une pension temporaire d’orphelin prévue à l’article L. 40 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que, par décision du 20 décembre 2011, le directeur régional des finances publiques de la région Languedoc-Roussillon a refusé à Mme A… le versement d’un complément de pension de réversion ; que, par décision du 2 février 2012, le directeur du service des retraites de l’Etat a opposé un refus à sa demande de versement des sommes réclamées au titre de la pension d’orphelin pour ses trois enfants ; que le ministre de l’économie et des finances se pourvoit en cassation contre le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 24 décembre 2013, en tant qu’il a annulé la décision du 2 février 2012 refusant à Mme A…le versement des pensions temporaires d’orphelin ; que, par la voie du pourvoi incident, Mme A…demande l’annulation du même jugement en tant qu’il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 20 décembre 2011 refusant de lui accorder un complément de pension de réversion ;
Sur le pourvoi principal :
2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 40 du code des pensions civiles et militaires de retraite : » Chaque orphelin a droit jusqu’à l’âge de vingt-et-un ans à une pension égale à 10 % de la pension obtenue par le fonctionnaire ou qu’il aurait pu obtenir au jour de son décès, et augmentée, le cas échéant, de 10 % de la rente d’invalidité dont il bénéficiait ou aurait pu bénéficier, sans que le total des émoluments attribués aux conjoints survivants ou divorcés et aux orphelins puisse excéder le montant de la pension et, éventuellement, de la rente d’invalidité attribuées ou qui auraient été attribuées au fonctionnaire. S’il y a excédent, il est procédé à la même réduction temporaire des pensions des orphelins. (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 89 du même code : » Est interdit du chef d’un même enfant, le cumul de plusieurs accessoires de traitement, solde, salaire et pension servis par l’Etat, les collectivités publiques et les organismes de prévoyance collectifs ou obligatoires, aux intéressés ou à leur conjoint, dans les conditions prévues à l’article L. 553-3 du code de la sécurité sociale. Cette interdiction ne s’applique pas à la majoration de pension prévue à l’article L. 18. (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 553-3 du code de la sécurité sociale : » Lorsqu’un même enfant ouvre droit aux prestations familiales et à une majoration de l’une quelconque des allocations ci-après énumérées : (…) 4° retraites ou pensions attribuées par l’Etat, les collectivités publiques ou les organismes de prévoyance obligatoire, les prestations familiales sont perçues par priorité et excluent, à due concurrence, lesdites majorations (…) » ;
3. Considérant que les dispositions de l’article L. 40 du code des pensions civiles et militaires précité confèrent à l’enfant orphelin d’un fonctionnaire décédé un droit à une pension ; que cette pension se distingue des droits du conjoint du fonctionnaire décédé et constitue, comme cela résulte d’ailleurs de la dénomination qui lui est donnée par les textes, un droit propre de l’enfant, ; qu’en outre, cette pension est due à l’enfant orphelin jusqu’à l’âge de vingt-et-un ans et peut donc bénéficier à des enfants majeurs ; qu’il résulte de ce qui précède qu’une telle pension d’orphelin ne peut être assimilée ni à un accessoire ni à une majoration de la pension de réversion perçue par le conjoint du fonctionnaire décédé ; que les dispositions en vigueur de l’article L. 553-3 du code de la sécurité sociale selon lesquelles les prestations familiales sont dues par priorité lorsqu’un enfant du fonctionnaire ouvre droit à une majoration de pension et excluent, à due concurrence, lesdites majorations, ne mentionnent pas les pensions d’orphelin, qui ont un objet distinct des prestations familiales comme des majorations de pension pour charges de famille ; que, dès lors, ces dispositions ne sont pas applicables à la pension d’orphelin ; qu’il suit de là que la pension d’orphelin prévue par l’article L. 40 du code des pensions civiles et militaires de retraite peut être cumulée avec les prestations familiales ; qu’ainsi, le tribunal administratif de Nîmes n’a pas commis d’erreur de droit en annulant, pour ce motif, la décision du 2 février 2012 refusant à Mme A…le versement des pensions d’orphelin dues à ses trois enfants ;
4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le pourvoi du ministre de l’économie et des finances doit être rejeté ;
Sur le pourvoi incident :
5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 38 du code des pensions civiles et militaires de retraite : » Les conjoints d’un fonctionnaire civil ont droit à une pension de réversion égale à 50 % de la pension obtenue par le fonctionnaire ou qu’il aurait pu obtenir au jour de son décès. A la pension de réversion s’ajoutent, le cas échéant : 1° La moitié de la rente d’invalidité dont le fonctionnaire bénéficiait ou aurait pu bénéficier ; 2° La moitié de la majoration prévue à l’article L. 18, obtenue ou qu’aurait pu obtenir le fonctionnaire, si le bénéficiaire de la pension de réversion a élevé, dans les conditions prévues audit article L. 18, les enfants ouvrant droit à cette majoration. Le total de la pension de réversion, quelle que soit la date de sa mise en paiement, et des autres ressources de son bénéficiaire ne peut être inférieur à celui de l’allocation servie aux vieux travailleurs salariés augmentée de l’allocation supplémentaire du Fonds de solidarité vieillesse institué par les articles L. 811-1 et L. 815-2 du code de la sécurité sociale. » ; qu’aux termes de l’article 43 du même code dans sa version applicable au litige : » Lorsqu’il existe une pluralité d’ayants cause de lits différents, la pension définie à l’article L. 38 est divisée en parts égales entre les lits représentés par le conjoint survivant ou divorcé ayant droit à pension ou par un ou plusieurs orphelins âgés de moins de vingt et un ans. (…) » ; qu’aux termes de l’article D. 19-1 du même code : » Peuvent être élevées au minimum de pension prévu au troisième alinéa de l’article L. 38 du présent code les pensions de réversion au taux de 50 % allouées aux ayants cause de fonctionnaires ou de militaires. / Lorsque la pension est partagée entre plusieurs ayants cause, la part du minimum de pension pouvant être attribuée à chaque bénéficiaire en fonction de ses ressources propres est calculée au prorata de la fraction de pension qui lui est personnellement allouée. » ;
6. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article L. 38 du code des pensions civiles et militaires de retraite que le total de la pension de réversion et des autres ressources de son bénéficiaire ne peut être inférieur à celui de l’allocation de solidarité aux personnes âgées ayant remplacé les allocations mentionnées par cet article ; que, dans l’hypothèse d’une pluralité d’ayants cause, les dispositions de l’article L. 43 du même code instituent un partage de la pension de réversion ; que c’est pour l’application combinée de ces dispositions qu’il est prévu à l’article D. 19-1 du même code qu’en cas de pluralité d’ayants cause, le montant du complément de pension attribué à chaque bénéficiaire en fonction de ses ressources propres est apprécié au regard d’un montant minimum calculé au prorata de la fraction de pension qui lui est personnellement allouée ; qu’ainsi, en faisant application, par une décision suffisamment motivée, des dispositions de l’article D. 19-1 du code des pensions civiles et militaires de retraite précité, prévoyant que la part du minimum de pension pouvant être attribuée à chaque bénéficiaire en fonction de ses ressources propres est calculée au prorata de la fraction de pension qui lui est personnellement allouée, le tribunal administratif de Nîmes n’a pas commis d’erreur de droit ;
7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le pourvoi incident de Mme A… doit être rejeté ;
D E C I D E :
Article 1er : Le pourvoi du ministre de l’économie et des finances est rejeté.
Article 2 : Le pourvoi incident de Mme A…est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à Mme B… A….