Le 2 octobre 2014, deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) déclaraient « l’interdiction générale et absolue faite aux militaires de créer et d’adhérer à un groupement à caractère syndical » contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Dans le même temps, en reconnaissant les spécificités de l’exercice de la fonction militaire et ses restrictions inhérentes, la CEDH ouvrait la voie à un « droit d’association pour la défense des intérêts matériels et moraux ». Ce fut donc sur cette base que le président de la République missionna le président de la section de l’administration du Conseil d’Etat, Bernard Pêcheur, pour évaluer la portée des arrêts de la CEDH et en tirer les conclusions juridiques.
Du fait de la singularité du statut militaire et de l’obligation de neutralité incombant aux armées, il n’a jamais été question pour la France de syndicaliser ces dernières, même si les syndicats militaires existent dans d’autres pays européens aux traditions et dispositions constitutionnelles différentes.
Aussi, prenant acte de la décision de la CEDH et suivant les recommandations du rapport Pêcheur, la France a choisi d’adapter sa législation pour la conformer au droit européen et mettre enfin un terme à une interdiction obsolète du Code de la défense datant de 1949.
A la différence des précédentes injonctions de la CEDH (en 2002 et 2010), la France n’a pas attendu la condamnation de la Cour pour agir : dans son discours sur la défense nationale, en mars 2012, François Hollande avait déjà indiqué qu’en la matière, l’amélioration de la condition et de la concertation militaires faisait partie de ses cinq priorités.
Elu président de la République, François Hollande et son ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, ont à plusieurs reprises démontré leur volonté commune de faire progresser la citoyenneté et les modalités du droit d’expression des militaires.
A la demande du ministre, un groupe de travail spécifique sur ces sujets fut ainsi mis en place en décembre 2013 au sein de la principale instance de concertation, le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM). Un an plus tard, le président chargeait les ministres de la défense et de l’intérieur (pour les gendarmes) de rédiger un projet de loi relatif « au droit d’association professionnelle des militaires ».
Parallèlement, et dès 2012, la commission défense du Parti socialiste a produit plusieurs rapports et recommandations sur la condition et la concertation militaires, qui vinrent nourrir la réflexion des parlementaires et du ministère de la défense.
Désormais, le droit accordé aux militaires de créer et d’adhérer à des Associations professionnelles nationales militaires (APNM) est acquis et a été intégré à la loi d’actualisation de la Loi de programmation militaire adoptée définitivement le 17 juillet. Ce progrès majeur pour la citoyenneté va également entraîner une réforme du fonctionnement et de la représentativité du CSFM.
Dans la prolongation des efforts des précédents ministres de la défense socialistes, Jean-Pierre Chevènement et Alain Richard, lesquels avaient mené d’importantes réformes dans les instances de concertation en 1989 et 1999, l’existence des APNM constituera un progrès majeur améliorant le dialogue social interne aux armées. Devant les sacrifices consentis par nos soldats à l’étranger comme en France pour la protection des Français, du territoire et des intérêts de la France, améliorer leur condition et leur statut de citoyens n’est que justice.
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« la France n’a pas attendu la condamnation de la Cour pour agir » : quand la représentation nationale cessera de prendre les citoyens pour des imbéciles, ceux-ci retourneront peut-être aux urnes ..
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