Mutation/ Sanction d’un médecin militaire : le Service de Santé des Armées désavoué par le Tribunal administratif de Strasbourg. (Par Jacques BESSY, président de l’Adefdromil)

Dans un jugement du 13 janvier 2015 (Affaire n°1205254), le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la mutation d’office dans l’intérêt du service d’un médecin chef que le Service de santé des armées  voulait allègrement muter de Tarbes à Strasbourg.

Il a estimé que l’intérêt du service invoqué par le ministre n’était nullement démontré et que le déplacement constituait bien au contraire une sanction déguisée.

Les faits.

Lors d’un séjour en Afghanistan, de mai à septembre 2011 dans le cadre de la mission Pamir Kapisa, le médecin en chef X, en poste à Tarbes, a dû faire face à un différend professionnel au sein de l’antenne qu’il dirigeait à Tagab.

Une mission composée de deux médecins psychiatres s’est rendue sur place depuis Paris et a conclu que, dans le cadre de la réorganisation de la chaîne de soutien « santé » et pour le bien du service, le médecin chef devait quitter Tagab pour Nejrab. Avec réticence, l’intéressé a rejoint son poste quelques jours après l’ordre reçu  du général, commandant la Brigade Lafayette. Une sanction disciplinaire a été initiée, mais la procédure a été ensuite abandonnée.

A son retour en France, le médecin chef a informé deux parlementaires des problèmes rencontrés lors de son séjour en Afghanistan. Le ministre de la défense alerté, leur a répondu qu’un « emploi plus en adéquation avec ses capacités actuelles sera néanmoins recherché en 2012 ».

C’est dans ces conditions que l’intéressé, sur la demande de sa hiérarchie, a postulé pour les garnisons de Pau, Castres, et Carcassonne et s’est retrouvé muté au centre médical de Strasbourg Haguenau, par une décision du 19 avril 2012, confirmée par la décision du ministre de la défense rejetant le recours préalable obligatoire de X, en date du 12 septembre 2012. C’est cette décision qui était soumise au contrôle de légalité du Tribunal administratif.

Les motifs de l’annulation.

Sans remettre en cause l’obligation de mobilité à laquelle les militaires sont astreints en application de l’article L 4121-5 du code de la défense, le Tribunal relève :

1° que les pièces versées au dossier n’établissent pas qu’il n’existait aucune possibilité de muter l’intéressé dans une des trois garnisons pour lesquelles il avait postulé ;

2° que la mutation litigieuse n’était pas non plus justifiée par le besoin d’affecter au centre médical de Strasbourg Haguenau un médecin du profil de X ;

3° que l’ambiance au sein même de son unité d’affectation à Tarbes n’était nullement altérée au point qu’elle aurait justifiée la mutation ;

4° que le ministre se borne à faire valoir que la mutation de X est intervenue au terme de cinq années passées à Tarbes, ce qui, en soi, ne peut justifier de l’intérêt du service ;

5° la juridiction note ensuite, que la mutation aurait entraîné une dégradation de la situation professionnelle et personnelle du médecin chef, dans la mesure où il aurait ainsi perdu l’indemnité pour services aériens.

Elle estime enfin, que l’ensemble de ces éléments traduit la volonté de sanctionner le médecin chef  X et elle annule, en conséquence, la décision du ministre qui s’était substituée à l’ordre de mutation contesté.

Une somme de 1000 euros est mise à la charge de l’Etat en application de l’article L761-1 du code de justice administrative.

Mars 2015

 

 

 

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