Situation des interprètes afghans

Question orale sans débat n° 0993S de M. Alain Marc (Aveyron – UMP-R) publiée dans le JO Sénat du 22/01/2015 – page 132

M. Alain Marc attire l’attention de M. le ministre de la défense sur la situation des quelque 700 interprètes afghans ayant travaillé pour l’armée française durant les douze ans de conflit en Afghanistan.
Les anciens interprètes afghans sont aujourd’hui confrontés à des menaces de mort perpétrées par les talibans. Ils ont, en effet, participé à la traque de leurs militants et à des enquêtes sur des attentats ou encore aidé à former les militaires afghans. Ils sont considérés comme des traîtres dans la population. La plupart de ces professionnels n’a donc qu’un désir : partir.
Par ailleurs, il semblerait qu’à ce jour ces interprètes ne trouvent pas d’emploi, du fait de leur collaboration avec les forces de coalition. Nombreux sont ceux qui se retrouveraient au chômage.
Alors que la situation en Afghanistan est toujours des plus instables, on peut s’interroger sur l’avenir de ces professionnels qui, n’ayant pas la possibilité de quitter leur pays, voient leur vie menacée.
Il y aurait environ 700 personnes concernées pour lesquelles, seuls, 70 visas environ auraient été accordés, alors que nos alliés britanniques ont accueilli, après une procédure judiciaire, la totalité de leurs interprètes, soit plus de 600 personnes.
En conséquence, il lui demande de lui indiquer sa position sur la question de la protection des Afghans ayant couru des risques pour soutenir l’intervention des soldats français.
Il souhaite également connaître les mesures que le Gouvernement envisage de prendre, afin que des solutions pérennes soient offertes à ces professionnels afghans qui ont travaillé pour l’armée française.

Réponse du Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt publiée dans le JO Sénat du 11/03/2015 – page 2361

M. Alain Marc. Quelque 700 interprètes afghans ont travaillé pour l’armée française durant les douze ans de conflit en Afghanistan. Ils font aujourd’hui l’objet de menaces de mort proférées par les talibans. Ces interprètes ont en effet participé, indirectement, à la traque des talibans et à des enquêtes sur des attentats ou encore aidé à former les militaires afghans. Ils sont considérés comme des traîtres par la population locale. La plupart de ces professionnels n’ont donc qu’un désir : partir.

Par ailleurs, il semblerait qu’à ce jour ces interprètes ne trouvent pas d’emploi du fait de leur collaboration avec les forces de la coalition. Nombreux sont ceux qui se retrouveraient au chômage.

Alors que la situation en Afghanistan est toujours des plus instables, on peut s’interroger sur l’avenir de ces professionnels, qui, n’ayant pas la possibilité de quitter leur pays, voient leur vie menacée.

Alors que 700 personnes environ seraient concernées, seuls quelque 70 visas auraient été accordés. Nos alliés britanniques, quant à eux, ont accueilli à la suite d’une procédure judiciaire la totalité de leurs interprètes, soit plus de 600 personnes.

Quelle est la position du Gouvernement sur la question de la protection des Afghans ayant couru des risques pour soutenir l’intervention des soldats français ? Quelles mesures envisage-t-il de prendre afin que des solutions pérennes soient offertes à ces professionnels afghans qui ont travaillé pour l’armée française ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, qui ne peut être présent au Sénat ce matin et m’a demandé de le suppléer pour vous répondre.

Durant le conflit sur le sol afghan, l’État français a eu recours à de la main-d’œuvre locale.

En 2012, plus de 260 personnels civils de recrutement local servaient directement les forces françaises dans des emplois allant de l’interprétariat à des fonctions de soutien, comme la restauration. Quel que soit leur métier, il convient de saluer le dévouement de ces personnels, ainsi que la qualité de leur travail au profit des militaires français déployés.

À partir de juin 2012, conformément à la demande du Président de la République, les armées françaises ont entamé leur désengagement d’Afghanistan.

Une procédure d’accompagnement de ces personnels, s’appuyant sur trois mesures particulières, a été élaborée à la fin de 2012 et validée par le Président de la République : pour tous, une prime de licenciement avantageuse et proportionnelle à la durée des services ; pour certains et à leur demande, une indemnité forfaitaire d’aide à la mobilité interne en Afghanistan ; pour les dossiers les plus sensibles, enfin, un accueil en France.

La sélection des dossiers éligibles à un accueil en France a été conduite par une commission mixte, présidée par l’ambassadeur de France à Kaboul, selon quatre critères : le souhait exprimé par le personnel civil afghan d’une relocalisation en France ; le niveau de la menace réelle pesant effectivement sur l’intéressé et sa famille ; la qualité des services rendus ; enfin, la capacité à s’insérer en France. Les dossiers retenus en commission ont été validés par le cabinet du Premier ministre.

S’agissant de la mise en œuvre pratique de l’accueil en France au titre de la solidarité nationale, une cellule interministérielle placée sous l’autorité d’un préfet a été activée en tant que de besoin. Rendant compte directement au cabinet du Premier ministre, elle a été chargée d’élaborer, puis de mettre en œuvre le processus d’accueil et d’insertion des employés afghans retenus, ainsi que de leurs familles. Au final, ce sont 73 personnels civils qui ont été accueillis en France, ce qui représente, en prenant en compte les familles, près de 180 Afghans.

Les services du ministère de la défense ont concouru à ce processus d’accueil interministériel en participant à la conception du dispositif, puis en assurant le transport depuis l’Afghanistan jusqu’à leur lieu d’accueil sur le territoire national.

En France, les personnels sélectionnés et leurs conjoints se sont vu attribuer par les autorités compétentes une carte de résident d’une durée de validité de dix ans, renouvelable. Ce statut juridique permet une stabilité sur le territoire, le droit à la libre circulation, y compris vers leur pays d’origine, le bénéfice de l’accès à l’emploi et à des prestations, notamment le droit au RSA, les aides au logement, les allocations familiales et l’aide médicale.

Installés en France depuis maintenant plusieurs mois, ils font tous l’objet d’un suivi des services compétents de l’État afin de garantir – je pense que nous partageons cet objectif – leur bonne intégration dans la durée. Le choix qu’ils ont fait de la France doit en effet leur permettre de construire leur vie dans notre pays.

Le succès de cette opération interministérielle a permis de répondre avec humanité à cette question d’importance pour le Gouvernement en y apportant une réponse personnalisée, à la hauteur de l’engagement de ces hommes pour la France.

M. le président. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Sans vouloir vous offenser, monsieur le ministre, la « sélection des candidatures » que vous avez évoquée dans votre réponse n’est pas de nature à me rassurer. Lorsque l’on compare le chiffre de 70 visas accordés par les autorités françaises à ces personnels de recrutement local au nombre d’Afghans ayant travaillé pour l’Angleterre qui ont rejoint ce pays, soit 600 personnes, il y a de quoi s’étonner !

Sur la procédure de sélection retenue, j’ai bien compris que vous ne pouviez pas me répondre aujourd’hui. Je souhaite néanmoins que le Gouvernement nous fournisse des éléments d’évaluation beaucoup plus précis. Ce n’est pas le sort des personnes déjà sélectionnées et bénéficiant d’un suivi en France qui m’inquiète, mais celui de ces Afghans qui sont restés dans leur pays.

Au terme de quelle procédure certains de ces personnels ont-ils pu rejoindre la France ? Quel est le niveau de danger auquel sont confrontés ceux qui sont encore en Afghanistan ? Ce sont sur ces points que j’aurais aimé obtenir des informations.

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