Aux termes de l’article L.46 du code des pensions civiles et militaires de retraite, « le conjoint survivant ou le conjoint divorcé, qui contracte un nouveau mariage ou vit en état de concubinage notoire, perd son droit à pension.
Les droits qui leur appartenaient ou qui leur auraient appartenu passent aux enfants âgés de moins de vingt et un ans.
Par l’Arrêt B… du 30 décembre, le Conseil d’état vient de préciser les enfants concernés par cette disposition. Il s’agit exclusivement des enfants dont les parents étaient le fonctionnaire décédé et la mère « inhabile à obtenir une pension ».
Le Conseil d’état a rejeté la requête de la veuve d’un militaire qui partageait, en application de l’article L.38 du code des pensions civiles et militaires de retraite, sa pension de réversion avec la première épouse divorcée de son ex-mari.
Soutenant que cette dernière vivait en concubinage notoire, madame B… demandait qu’elle soit privée de sa part de pension, au bénéfice soit d’elle-même, soit de sa fille.
L’Arrêt relève qu’aucune disposition ne prévoit que la veuve bénéficie de la part attribuée à la femme divorcée lorsque celle-ci perd ses droits pour cause de concubinage notoire. Et de préciser que si les articles L.46 et L.40 prévoient le transfert du droit à pension « aux enfants », ce ne peut être que les enfants dont la mère perd son droit, à l’exclusion des autres enfants du défunt.
ARRêT DU CONSEIL D’éTAT
CONSEIL d’ETAT
Statuant
Au contentieux
cette décision sera
publiée au Recueil LEBON
N°230456
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
__________
Mme B…
__________
Le Conseil dEtat statuant au contentieux
(Section du Contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)
M. HOURDIN
Rapporteur
__________
M. GOULARD
Commissaire du gouvernement
__________
Sur le rapport de la 9ème sous-section
de la Section du contentieux
Séance du 6 décembre 2002
Lecture du 30 décembre 2002
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 février et 8 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par Mme Catherine B…, demeurant … ; Mme B… demande que le Conseil d’Etat :
1°) annule l’arrêté du 2 janvier 2001 par lequel le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ne lui a concédé qu’une fraction de la pension de réversion à laquelle elle a droit du chef de son ancien mari décédé ;
2°) annule la décision du 27 mars 2001 par laquelle le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie a refusé de lui attribuer, ainsi qu’à sa fille mineure, la totalité de cette pension ;
3°) enjoigne à l’Etat de lui concéder cette pension ;
4°) condamne l’Etat à lui verser la somme de 10 000F en application de l’article L.761-1 du Code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le Code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Hourdin, Maître des Requêtes,
les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes du
premier alinéa de l’article L.38 du code des pensions civiles et militaires de
retraite : « les veuves des fonctionnaires civils ont droit à une
pension égale à 50 p. 100 de la pension obtenue par le mari ou qu’il aurait pu
obtenir au jour de son décès… » ; que l’article L.45 du même code
dispose que : « Lorsque, au décès du mari, il existe plusieurs
conjoints, divorcés ou survivants, ayant droit à la pension définie au premier
alinéa de l’article L.38, la pension est répartie entre ces conjoints au
prorata de la durée respective de chaque mariage… » ; qu’aux
termes de l’article L.46 du code précité : « le conjoint survivant ou
le conjoint divorcé, qui contracte un nouveau mariage ou vit en état de
concubinage notoire, perd son droit à pension. Les droits qui leur
appartenaient ou qui leur auraient appartenu passent aux enfants âgés de moins
de vingt et un ans dans les conditions prévues au second alinéa de l’article
L.40… » ; que le second alinéa de l’article L.40 dispose que : « Au
cas de décès de la mère ou si celle-ci est inhabile à obtenir une pension ou
déchue de ses droits, les droits définis au premier alinéa de l’article L.38 passent aux enfants âgés de moins de
vingt et un ans (…) » ;qu’en vertu de l’article L.47 du même code,
ces diverses dispositions sont applicables aux ayants-cause de
militaires ;
Considérant qu’à la suite du décès de M. Michel B…, lieutenant-colonel mort en activité de service le 30 septembre 2000, la requérante, Mme Catherine B… a obtenu, par arrêté du 2 janvier 2001, le bénéfice d’une pension de réversion ; que, conformément aux dispositions précitées de l’article L.45 du code, elle partage cette pension avec Mme Joëlle G…, première épouse divorcée de M.B… ; que la répartition de cette pension entre le conjoint survivant et le conjoint divorcé a été effectuée, par application dudit article L.45, au prorata de la durée respective de chacune des deux unions en cause ; que, pour contester l’arrêté de concession de pension du 2 janvier 2001 et la décision du 27 mars 2001 par laquelle le ministre de l’économie des finances et de l’industrie a rejeté sa demande de révision de pension, Mme B… soutient que la première épouse divorcée de son défunt mari vit en état de concubinage notoire, circonstance qui doit faire, selon elle, passer les droits à pension litigieux à elle-même ou, à défaut, sa fille mineure ;
Considérant, en premier lieu, qu’il ne résulte ni des dispositions précitées ni d’aucune disposition législative ou réglementaire que dans le cas où, au décès du mari, une femme divorcée et une veuve ayant droit à une pension de réversion coexistent, la veuve bénéficie de la part attribuée à la femme divorcée pendant la période où, en raison du concubinage notoire dans lequel vit cette dernière, celle-ci perd ses droits à pension alors qu’elle les recouvre si le concubinage cesse ; que Mme B… n’est, dès lors, et en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir du concubinage notoire dans lequel vivrait la première épouse divorcée de M. B… pour bénéficier des droits dont celle-ci serait privée du fait de ce concubinage ;
Considérant, en second lieu, qu’il résulte de la combinaison des dispositions législatives précitées que les enfants de moins de vingt et un ans mentionnés au deuxième alinéa de l’article L.40 du code s’entendent exclusivement de ceux dont les parents étaient le fonctionnaire décédé et la mère « inhabile à obtenir une pension » en raison du concubinage notoire dans lequel elle vit ; qu’il suit de là qu’à supposer même établi le concubinage notoire dans lequel la requérante soutient que vivrait la première épouse divorcée de M.B…, la pension qui, de ce fait, serait retirée à celle-ci ne pourrait passer à la fille mineure née de l’union de Mme B… avec son défunt mari ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme B…..n’est fondée à demander l’annulation ni de l’arrêté du 2 janvier 2001 ni de la décision du 27 mars 2001 ;
Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions de Mme B… tendant à l’annulation de l’arrêté et de la décision attaqués, n’appelle aucune mesure d’exécution ; que par suite, les conclusions de sa requête tendant à ce qu’il soit enjoint à l’Etat de réviser sa pension de réversion sont irrecevables ;
Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à Mme B… la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
……….
Article 1er : La requête de Mme Veuve B… est rejetée
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Veuve Catherine B…, au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et au ministre de la défense.
CODE DES PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES DE RETRAITE
(Partie Législative)
Article L38
(Loi nº 64-1339 du 26 décembre 1964 Journal Officiel du 30 décembre 1964 en vigueur le 1er décembre 1964)
(Loi nº 80-30 du 18 janvier 1980 art. 85 Journal Officiel du 19 janvier 1980)
(Loi nº 93-936 du 22 juillet 1993 art. 12 Journal Officiel du 23 juillet 1993)
Les veuves des fonctionnaires civils ont droit à une pension égale à 50 p. 100
de la pension obtenue par le mari ou qu’il aurait pu obtenir au jour de son
décès, et augmentée, le cas échéant, de la moitié de la rente d’invalidité dont
il bénéficiait ou aurait pu bénéficier.
A la pension de la veuve s’ajoute éventuellement la moitié de la majoration
prévue à l’article L. 18 qu’a obtenue ou aurait obtenue le mari. Cet avantage
n’est servi qu’aux veuves qui ont élevé, dans les conditions visées audit
article L. 18, les enfants ouvrant droit à cette majoration.
Cette pension de réversion, compte tenu des ressources extérieures, ne pourra
être inférieure à la somme totale formée par le cumul de l’allocation servie
aux vieux travailleurs salariés augmentée de l’allocation supplémentaire
mentionnée à l’article L. 815-2 ou L. 815-3 du code de la sécurité sociale,
quelle que soit la date de sa liquidation.
Article L40
(Loi nº 64-1339 du 26 décembre 1964 Journal Officiel du 30 décembre 1964 en vigueur le 1er décembre 1964)
(Loi nº 73-1128 du 21 décembre 1973 art. 12 Journal Officiel du 23 décembre 1973)
(Loi nº 75-1242 du 27 décembre 1975 art. 16 Journal
Officiel du 28 décembre 1975)
Chaque orphelin a droit jusqu’à l’âge de vingt et un ans à une pension égale à
10 p. 100 de la pension obtenue par le père ou qu’il aurait pu obtenir au jour
de son décès, et augmentée, le cas échéant, de 10 p. 100 de la rente
d’invalidité dont il bénéficiait ou aurait pu bénéficier, sans que le total des
émoluments attribués à la mère et aux orphelins puisse excéder le montant de la
pension et, éventuellement, de la rente d’invalidité attribuées ou qui auraient
été attribuées au père. S’il y a excédent, il est procédé à la réduction
temporaire des pensions des orphelins.
Au cas de décès de la mère ou si celle-ci est inhabile à obtenir une pension ou
déchue de ses droits, les droits définis au premier alinéa de l’article L. 38
passent aux enfants âgés de moins de vingt et un ans et la pension de 10 p. 100
est maintenue à chaque enfant âgé de moins de vingt et un ans dans la limite du
maximum fixé à l’alinéa précédent.
Pour l’application des dispositions qui précèdent, sont assimilés aux enfants
âgés de moins de vingt et un ans les enfants qui, au jour du décès de leur
auteur, se trouvaient à la charge effective de ce dernier par suite d’une
infirmité permanente les mettant dans l’impossibilité de gagner leur vie. La
pension accordée à ces enfants n’est pas cumulable avec toute autre pension ou
rente d’un régime général, attribuée au titre de la vieillesse ou de
l’invalidité, à concurrence du montant de ces avantages. Elle est suspendue si
l’enfant cesse d’être dans l’impossibilité de gagner sa vie.
Les dispositions prévues à l’alinéa précédent sont également applicables aux
enfants atteints, après le décès de leur auteur mais avant leur vingt et unième
année révolue, d’une infirmité permanente les mettant dans l’impossibilité de
gagner leur vie.
Les pensions de 10 p. 100 attribuées aux enfants ne peuvent pas, pour chacun
d’eux, être inférieures au montant des avantages familiaux dont aurait
bénéficié le père en exécution de l’article L. 19 s’il avait été retraité.
Les enfants naturels reconnus et les enfants adoptifs sont assimilés aux
orphelins légitimes.
Article L45
(Loi nº 64-1339 du 26 décembre 1964 Journal Officiel du 30 décembre 1964 en vigueur le 1er décembre 1964)
(Loi nº 66-1013 du 28 décembre 1966 Journal Officiel du 29 décembre 1966)
(Loi nº 75-617 du 11 juillet 1975 art. 14 Journal Officiel du 12 juillet 1975)
(Loi nº 75-1242 du 27 décembre 1975 art. 16 Journal Officiel du 28 décembre 1975)
(Loi nº 78-753 du 17 juillet 1978 art. 43 II Journal Officiel du 18 juillet 1978)
Lorsque, au décès du mari, il existe plusieurs conjoints, divorcés ou
survivants, ayant droit à la pension définie au premier alinéa de l’article L.
38, la pension est répartie entre ces conjoints au prorata de la durée
respective de chaque mariage.
Au décès de l’une des bénéficiaires, sa part accroîtra la part de l’autre, sauf
réversion du droit au profit des enfants de moins de vingt et un ans.
Les deux alinéas qui précèdent s’appliquent dans les mêmes conditions à la
pension de réversion prévue par l’article L. 50.
Article L46
(Loi nº 64-1339 du 26 décembre 1964 Journal Officiel du 30 décembre 1964 rectificatif JORF 10 janvier 1965 en vigueur le 1er décembre 1964)
(Loi nº 75-1242 du 27 décembre 1975 art. 16 Journal Officiel du 8 décembre 1975)
(Loi nº 82-599 du 13 juillet 1982 art. 15 IV Journal Officiel du 14 juillet 1982)
Le conjoint survivant ou le conjoint divorcé, qui contracte un nouveau mariage
ou vit en état de concubinage notoire, perd son droit à pension.
Les droits qui leur appartenaient ou qui leur auraient appartenu passent aux
enfants âgés de moins de vingt et un ans dans les conditions prévues au second
alinéa de l’article L. 40.
Le conjoint survivant ou le conjoint divorcé, dont la nouvelle union est
dissoute ou qui cesse de vivre en état de concubinage notoire, peut, s’il le
désire, recouvrer son droit à pension et demander qu’il soit mis fin à
l’application qui a pu être faite des dispositions du premier alinéa du présent
article.
Article L47
(inséré par Loi nº 64-1339 du 26 décembre 1964 Journal Officiel du 30 décembre 1964 en vigueur le 1er décembre 1964)
Sont applicables aux ayants cause des militaires dont les droits se trouvent
régis par le présent code les dispositions du chapitre Ier du présent titre, à
l’exception de celles visées au premier alinéa, a et b, de l’article L. 39, qui
sont remplacées par les dispositions suivantes :
Le droit à pension de veuve est subordonné à la condition :
a) Que depuis la date du mariage jusqu’à celle de la cessation de l’activité du
mari, celui-ci ait accompli deux années au moins de services valables pour la
retraite, sauf si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage antérieur à
ladite cessation, lorsque le mari a obtenu ou pouvait obtenir la pension prévue
à l’article L. 6 (1º) ;
b) Que le mariage ait été contracté avant l’événement qui a amené la radiation
des cadres ou la mort du mari lorsque celui-ci a obtenu ou pouvait obtenir la
pension prévue à l’article L. 6 (2º, 3º et 4º).
La pension des veuves de maréchaux de France et amiraux de France est fixée à
75 p. 100 des émoluments de base servant au calcul de la solde de réserve d’un
général de division au taux le plus élevé.
CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE
(Partie Législative)
Article L761-1
Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
NOTE DE L’ADEFDROMIL :
Au moment où certaines dispositions concernant les retraites vont être prises, l’Association de défense des droits des militaires souhaite que l’article L.45 actuellement en vigueur soit modifié de telle sorte que le militaire remarié ne voit pas sa nouvelle famille pénalisée en cas de décès. Pour cela, il lui paraît souhaitable qu’en cas de décès du militaire, et lorsqu’il existe un ou plusieurs conjoints, divorcés ou survivants ayant droit à la pension définie au premier alinéa de l’article L.38, la pension soit répartie entre ces conjoints au prorata de la durée respective de chaque mariage sans que, toutefois, la part de la veuve ne puisse être inférieure à la moitié de la pension de réversion.
Cette disposition devrait atténuer l’état de précarité dans lequel se trouve la veuve ayant encore des enfants mineurs à charge au moment du décès de son mari.
Un nouveau calcul au prorata de la durée respective de chaque mariage pourrait intervenir dans le cas où la veuve viendrait à se remarier ou à vivre en concubinage notoire.