Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs,
Plusieurs graves sujets de préoccupation m’ont conduit à vous réunir aujourd’hui pour vous parler de la sécurité des Français.
Nous vivons une période particulièrement difficile, marquée par une crise économique d’une ampleur sans précédent depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. L’aggravation du chômage des jeunes risque d’avoir un impact particulièrement néfaste sur les équilibres de notre société en favorisant un sentiment de frustration et d’exclusion chez ceux qui incarnent l’avenir. C’est un drame absolu qui mobilise le Gouvernement.
Et dans ce contexte nous devons plus que jamais assurer la sécurité des Français qui ont besoin de se sentir d’autant mieux protégés dans leur vie de chaque jour que sont grandes les difficultés économiques. Or nous constatons ces derniers mois l’apparition de formes de violences nouvelles, profondément traumatisantes pour nos compatriotes. Elles relèvent à la fois de la violence urbaine, du banditisme classique, motivé par l’appât du gain.
Mais qu’on ne s’y trompe pas, la délinquance ne procède que très rarement de la souffrance sociale. La délinquance résulte simplement de l’attrait de l’argent facile. En tout cas elle ne résout jamais rien. Alors pendant des décennies, l’idéologie dominante était fondée sur l’idée que la misère engendre naturellement la criminalité qui ne peut donc être traitée que par des mesures sociales. Cet angélisme continue d’ailleurs d’imprégner le discours d’une partie des élites françaises. Je dis exactement le contraire : c’est la criminalité qui favorise la misère en aggravant l’exclusion, et la stigmatisation d’une partie de la société française. La crise économique est donc une raison supplémentaire pour renforcer notre détermination à combattre la délinquance, sans état d’âme, sans concession et sans la moindre complaisance. Ne vous laissez donc pas intimider par la dictature des bons sentiments, par la pensée unique qui voudrait excuser les auteurs de violence et chercher à culpabiliser les défenseurs de l’ordre républicain. Les Français, dans leur immense majorité, sont au côté des autorités de l’Etat.
Alors, je suis bien conscient de la difficulté de votre mission ayant été ministre de l’Intérieur, pendant quatre ans, j’en mesure toute la complexité. Ceci posé, nous avons une exigence de résultat. La culture du résultat et de la performance a toujours été au centre de mon action. Nous ne devons avoir aucun tabou à l’égard des chiffres et j’ai toujours préconisé la plus grande transparence. Quand les chiffres ne sont pas satisfaisants, l’attitude responsable ne consiste pas à les dissimuler, mais bien au contraire à prendre les mesures nécessaires pour qu’ils s’améliorent. Mais quand ils sont bons il est juste de le dire et de vous en féliciter.
C’est ainsi, quoiqu’en disent certains, à la mémoire certainement trop courte, que des progrès considérables ont été accomplis depuis sept ans. Le nombre de crimes et délits a diminué de près de 15% entre mai 2002 et mai 2009. Il avait augmenté dans les mêmes proportions au cours des années
précédentes. Sur la base du pic sans précédent atteint en 2002, deux millions de crimes et de délits ont été évités à nos compatriotes. Jamais le taux d’élucidation des affaires n’a été aussi élevé. Il était de 25% en 2002. Il dépasse les 39% au cours des trois derniers mois. Ces résultats, mes chers compatriotes, ne sont pas fictifs. Ils ne sont pas manipulés. Ces résultats correspondent à l’exploitation de l’état statistique 4001, dont les bases sont inchangées depuis le début des années soixante-dix. Ils ne tiennent pas non plus du miracle, ces chiffres sont le fruit de votre travail, de celui des policiers, de celui des gendarmes. Et je tiens à féliciter Madame Alliot-Marie, tous les fonctionnaires, tous les militaires qui ont contribué à l’obtention de ces bons résultats.
Mais il faut tout autant dire la vérité quand surviennent des évolutions moins favorables. Si on veut que la parole publique retrouve de la crédibilité, il faut de la transparence et de la vérité. Les résultats de ces derniers mois contrastent avec l’évolution observée depuis sept ans. Les crimes et délits ont augmenté de 4% en mars, d’un peu plus de 2% en avril. Les chiffres de mai ne seront sans doute difficiles. Or, derrière ces chiffres, il y a des victimes supplémentaires. Je suis absolument déterminé à tout mettre en oeuvre pour que les résultats des trois derniers mois soient accidentels et ne traduisent pas une amorce de renversement de tendance.
La réalité c’est que de nouvelles formes de délinquance se sont développées ces derniers temps : les bandes, les violences dans les établissements scolaires, le trafic de drogue et celui des armes.
Une vingtaine de quartiers en région parisienne sont particulièrement victimes de la violence des bandes. Une infime minorité de caïds, qui ne représentent que quelques pourcents de la population de ces quartiers, tente d’imposer la loi de la jungle à des habitants qui ne demandent qu’une seule chose : vivre en paix. Les services de police ont comptabilisé plus de deux cents bandes en région parisienne, 5000 individus, qui multiplient rixes et agressions. La recherche de l’affrontement avec les forces de l’ordre marque le paroxysme de cette dérive. Elle est particulièrement grave. Quand on s’en prend physiquement à une personne chargé de protéger, de secourir, de soigner les habitants d’un quartier, c’est la communauté nationale qui est visée. Les agressions dirigées contre les policiers ou les gendarmes ne sont ni plus ni moins qu’un défi lancé à la République.
La France a compté 25 000 faits de violence contre les agents dépositaires de la force publique en 2008. Les Français ont été particulièrement choqués par plusieurs évènements récents. Le 14 mars, 10 policiers ont été blessés par tirs de fusil aux Mureaux après être tombés dans un véritable guet-apens tendu par une trentaine de voyous. Récemment, deux policiers ont été blessés lors d’une échauffourée avec un groupe d’une vingtaine de voyous dans l’Essonne. A Villiers le Bel, les insultes, jets de pierre contre les forces de l’ordre font désormais partie du paysage quotidien. Le 17 mai à la Courneuve, une nouvelle étape a été franchie avec l’attaque d’un véhicule de police au moyen d’une arme de guerre pour tenter, un comble, de faire évader des malfaiteurs. Il faut mettre un terme à ces dérives criminelles immédiatement. Nous ne laisserons pas bafouer l’autorité de l’Etat. Les agresseurs de la Courneuve seront retrouvés tôt ou tard. Nous mettrons les moyens qu’il faut pour cela et ils seront durement sanctionnés. Que personne ne compte sur l’impunité.
Les violences en milieu scolaire sont une autre forme, non pas de l’incivilité, terme bien trop faible, mais de délinquance, du crime voire de la barbarie. Le 10 mars une vingtaine d’individus encagoulés, porteurs de bâtons et de barres de fer ont fait intrusion dans le lycée Jean-Baptiste Clément de Gagny. Au cours de cette agression, ils ont saccagé les lieux, blessé quatre personnes, une assistante d’éducation et trois lycéens. Quelques jours plus tard, c’est le proviseur de Garge-lès-Gonesses qui est blessé en portant courageusement secours à un lycéen frappé à coups de marteau. Dans la seule journée du 15 mai, une collégienne de cinquième est blessée par un coup de couteau au collège Saint Gabriel de Tourcoing ; trois lycéens du LEP Thomas Jean Main de Limoges sont évacués par le SAMU après une agression à coups de matraques et de barres de fer ; un élève du collège Capouchiné de Limoges échappe à un tir à l’arme à feu. Et à Fenouillet une enseignante est gravement blessée par un élève âgé de 13 ans. Nous assistons donc à une banalisation de la présence et de l’usage des armes dans les établissements scolaires. J’entends les bonnes consciences qui crient au scandale quand le ministre de l’Education nationale propose d’installer des portiques de sécurité à l’entrée des établissements. Bien sûr qu’il est regrettable d’en arriver là ; mais comment agir autrement dans un tel contexte ? Attendre que l’irréparable se produise ? Cette situation est intolérable. Et là encore, nous sommes confrontés à une poignée de voyous qui empoisonnent le climat des établissements, compromettent le travail et la réussite de l’immense majorité des jeunes qui ne demandent qu’à étudier en paix. La tranquillité des établissements scolaires, quel que soit leur quartier, quel que soit le type d’enseignement, est une condition absolument fondamentale de l’égalité des chances que la République doit garantir. Les établissements scolaires doivent être sanctuarisés, à l’abri de toute forme de violence. C’est une priorité absolue pour les autorités de l’Etat.
La montée des trafics criminels est une réalité planétaire à laquelle notre pays n’échappe pas. La drogue est l’une des causes évidentes du climat de violence qui touche de nombreux quartiers. Elle explique en grande partie les phénomènes de violences urbaines, les rixes entre bandes, les règlements de compte sanglants. La haine du policier correspond à une stratégie des dealers qui cherchent à protéger leurs trafics. 180 000 infractions à la législation sur les stupéfiants ont été relevées en 2008 en augmentation de 11%. 65 tonnes de cannabis ont été saisies, soit deux fois plus qu’en 2007. Les résultats traduisent l’activité des services de douane et de police. Mais ils expriment aussi, regardons la situation en face, l’ampleur, la profondeur, la gravité du mal. Chaque jour les fast track convoient ce produit à travers l’Espagne et la France. Nous connaissons en outre une reprise du trafic de cocaïne et d’héroïne en provenance d’Afghanistan. Ce trafic appelle une seule réponse : le combattre, le réprimer sans la moindre concession. Enfin, parallèlement à l’activité des réseaux criminels, se développent de nouvelles formes de violences crapuleuses. Vols à main armée, dirigés contre les petits commerces, 7000 en 2008, 25% d’augmentation. C’est un phénomène insupportable. Le commerce est le socle de la vie sociale dans les quartiers. Nous ne laisserons pas de petits voyous cupides persécuter des travailleurs honnêtes et courageux comme nous ne laisserons pas redémarrer l’activité des cambrioleurs, si traumatisante pour nos compatriotes.
Nous avons une obligation de résultats. J’ai pris des engagements, ils seront respectés. Vous voyez que je dresse un tableau lucide de la situation.
Alors, il ne s’agit pas de refaire l’historique de toutes les réformes accomplies depuis sept ans, mais je souhaiterais insister sur un seul point qui illustre le refus du fatalisme. Lorsque nous avons proposé les peines planchers avec la Garde des Sceaux, Rachida Dati, ce fut un concert de protestations, y compris chez certains de nos propres amis. Nous avons tenu bon face aux mises en gardes, aux avertissements, aux cris d’orfraie de toutes les bonnes consciences. Les peines planchers ont été votées par le Parlement. Elles sont un succès. Depuis l’entrée en vigueur de la loi, 14 000 délinquants récidivistes ont été condamnés à une peine plancher dont 36% de prison ferme. Désormais sur le territoire de la République française, quand on est un récidiviste, on est condamné beaucoup plus sévèrement que quand on est un primo-délinquant. Or chacun sait que 5% des délinquants font 50% de la délinquance. C’est une réalité que ne supportent plus nos concitoyens, excédés par l’impunité des criminels récidivistes.
Je souhaite maintenant, avec le Premier ministre, que trois autres réformes fondamentales viennent transformer profondément les conditions de lutte contre l’insécurité en forgeant de nouveaux outils d’action pour les forces de l’ordre. Si les délinquants s’adaptent, nous allons nous adapter aussi.
Hier, le Conseil des Ministres a donc approuvé la loi d’orientation, de programmation et de performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI II. Chère Michèle ALLIOT-MARIE, ce texte, vise à fournir à la police et à la gendarmerie de nouveaux moyens juridiques pour combattre la criminalité. Ce texte est décisif. Il ouvre notamment la voie à l’utilisation par les enquêteurs de la méthode dite sérielle, qui consiste à faciliter les recoupements d’information recueillis lors d’affaires distinctes. Ce nouvel outil va nous permettre d’optimiser l’utilisation des technologies informatiques en matière de police judiciaire. C’est un progrès décisif au service d’une police moderne et efficace.
Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’Intérieur c’est une autre réforme fondamentale. Enfin, écoutez, nous avions deux forces de sécurité obéissant à deux stratégies différentes élaborées par deux ministères différents. Nous étions arrivés à un système totalement absurde : même le réseau de communication des policiers n’était pas compatible avec le réseau de communication des gendarmes, aucun des deux d’ailleurs n’était compatible avec celui des pompiers. Est-ce digne d’un Etat moderne ?
Le principe de l’unité du commandement des forces de sécurité est une étape décisive pour la politique de sécurité en France. Désormais, la police et la gendarmerie sont placées sous l’autorité du ministre de l’Intérieur au plan national et, j’insiste, du préfet au plan local, hors missions judiciaires bien entendu. Les 145 000 fonctionnaires de la police et les 100 000 militaires de la gendarmerie relèvent donc d’un seul et même commandement. J’en attends beaucoup : complémentarité accrue ; mutualisation des moyens ; mise en commun des compétences et des technologies.
Cette réforme est décisive. Je tiens à ce qu’elle réussisse. J’ai toujours dit aux gendarmes que leur statut militaire serait maintenu et je considère que la complémentarité des deux forces, l’une civile l’autre militaire, est un atout pour la politique de sécurité de la France. J’ai voulu cette réforme, elle doit être menée à son terme, dans les plus brefs délais.
Enfin la création de la police d’agglomération, elle relève de la même logique. Mais les criminels ne connaissent pas les frontières administratives. Il faut en finir avec les cloisonnements absurdes qui pénalisent gravement l’efficacité des forces de l’ordre. L’organisation de la sécurité en France doit prendre en compte la logique d’unité de commandement au niveau de l’agglomération, du bassin de délinquance. Elle concernera dans un premier temps la région parisienne, dans l’esprit du « Grand Paris ». Puis elle s’étendra à d’autres agglomérations en fonction des besoins.
Une direction interdépartementale de la sécurité publique va donc être placée sous l’autorité du préfet de police avec compétence pour Paris, les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis, le Val-de-Marne. Ce service exercera, à l’échelle de Paris et des trois départements, l’ensemble des compétences qui relèvent de la sécurité publique : prévention, répression, information générale, renseignements sur la délinquance urbaine, sécurité routière, ordre public. Le préfet de police exercera ainsi la responsabilité de la sécurité, non seulement sur Paris, mais aussi sur la petite couronne. C’est par délégation du préfet de police, que les préfets des trois départements de la petite couronne continueront à exercer, sous son autorité, leurs prérogatives en matière de sécurité et d’ordre public dans leur département.
Là encore il faut aller vite.
Avant l’été, un décret mettra en place la direction interdépartementale de la sécurité publique. Dans les mois suivants, une loi permettra d’opérer les transferts de compétences nécessaires entre les préfets de département et le préfet de police.
La délinquance ignore nos frontières administratives. Nous devons nous adapter pour être plus efficaces. Ces réformes vont transformer en profondeur l’exercice des missions de sécurité dans notre pays. Il a fallu bousculer des tabous, des habitudes, des conservatismes. Je compte sur votre engagement personnel pour faire connaître ces réformes et pour leur donner toute leur portée.
La sécurité c’est une question globale qui implique l’ensemble des acteurs publics. La cause de nos échecs tient pour une large part aux cloisonnements, aux querelles de chapelles, à l’absence de communication. C’est tout le sens de la réunion de ce jour. Préfet, procureur, inspecteur d’académie, directeur des impôts, directeur des douanes, doivent échanger leurs informations, arrêter de concert les politiques départementales de sécurité. Je souhaite que se constitue dans chaque département, à l’initiative du préfet, un Etat major de la sécurité regroupant les principales autorités concernées, qui se réunira chaque mois pour définir la politique publique en matière de sécurité.
La priorité, aujourd’hui, c’est la reconquête des quartiers sensibles. Je souhaite une mobilisation complète des forces de l’ordre sur cet impératif majeur. Nous allons nous concentrer d’abord sur 25 quartiers, 21 en région parisienne 4 en province. Ces 25 quartiers sont rongés par la délinquance, le trafic de drogue, le trafic d’armes. La présence de la force publique doit y être constante, visible, massive. Aucune rue, aucune cave, aucune cage d’escalier ne doit être abandonnée aux voyous. Je souhaite que se multiplient immédiatement les opérations coups de poings dans les cités sous la forme d’un véritable travail de fond et que ces opérations se prolongent aussi longtemps qu’il le faudra, au cours des prochains mois. Les parties communes des immeubles, les appartements, les caves squattés feront l’objet d’une fouille minutieuse. Je vous demande, Mesdames et Messieurs les préfets, les procureurs, les inspecteurs d’académie, de vous rendre personnellement dans ces quartiers pour y manifester l’autorité de l’Etat, aussi longtemps et aussi souvent qu’il le faudra. Les effectifs des forces de sécurité dans les cités sensibles seront accrus. Madame Alliot-Marie procédera à des opérations de redéploiement des unités mobiles pour renforcer les moyens de la police et de la gendarmerie dans les quartiers qui en ont le plus besoin. Je tiens en particulier à ce que deux cent fonctionnaires supplémentaires soient affectés sans délai en Seine Saint Denis. Nous nous donnerons ainsi les moyens de démanteler les bandes violentes qui sèment la terreur dans les cités. Je souhaite que soit votée, M. le Premier ministre, rapidement la proposition de loi déposée par M. Estrosi qui va permettre de qualifier de délit et de sanctionner de trois ans de prison le seul fait d’appartenir à une bande.
Je demande aux ministres concernés d’élaborer un plan d’action contre le trafic d’armes.
Il faut mettre fin, tant qu’il en est encore temps, avant qu’une catastrophe ne se produise, avant qu’une catastrophe ne se produise il faut mettre fin à la banalisation du port d’arme dans la rue, les transports en commun, les établissements scolaires. Les services de police judiciaire et de renseignement vont se mobiliser sur ce sujet. Madame Alliot-Marie va constituer un groupe de travail commun entre la Direction de la Police Judiciaire et la DCRI pour faire des propositions pour lutter contre ce phénomène. Une réflexion doit s’engager sans délai sur les moyens d’améliorer la réglementation du commerce d’armes. Je demande à Madame le Garde des Sceaux de me présenter des propositions pour durcir la répression du trafic d’armes. Cette question dépasse bien entendu les frontières nationales et je suggère la création d’une équipe commune d’enquête européenne sur ce type de trafic.
Nous allons sanctuariser les établissements scolaires.
La violence à l’intérieur de l’institution scolaire, envers les professeurs et les élèves, est intolérable car elle touche à ce qu’une société a de plus précieux : ses enfants qui portent son avenir. La proposition de loi présentée par M. Estrosi comporte une réforme des qualifications pénales sanctionnant l’intrusion dans un établissement scolaire ; elle sera désormais considérée non plus comme une infraction passible d’une simple contravention, mais comme un délit. Les violences commises sur un agent de l’éducation nationale constitueront à l’avenir des circonstances aggravantes non seulement quand elles se produisent à l’intérieur de l’établissement mais également lorsqu’elles sont commises à l’extérieur de l’établissement si elles sont en lien avec la mission des enseignants. Ce sera par exemple le cas d’un professeur agressé dans les transports en commun. Cette réforme reviendra à assurer aux enseignants la protection dont bénéficient aujourd’hui les agents dépositaires de la force publique.
184 établissements parmi les plus sensibles vont faire l’objet d’un diagnostic de sécurité à l’issue duquel seront adoptées toutes les mesures nécessaires à leur protection contre les intrusions. J’invite les préfets, les recteurs, les procureurs à veiller au bon déroulement de cette démarche.
Je leur demande de procéder à la systématisation du dispositif de policiers référents dans les établissements. Il ne s’agit pas d’organiser une présence permanente de policiers dans les établissements, mais il faut impérativement que des dispositifs soient mis en place pour que l’intervention de la police, en cas de difficulté dans l’enceinte scolaire ou à ses abords, s’effectue d’une manière quasi instantanée.
Il n’est pas question de tolérer la présence d’armes dans l’enceinte des établissements scolaires. Les personnels de direction et d’encadrement devront à l’avenir disposer des moyens de s’assurer que les élèves ne transportent pas d’armes. A cette fin, ils recevront une habilitation spécifique qui leur permettra de faire ouvrir les cartables et les sacs, et si l’élève détient une arme, d’en tirer toutes les conséquences. Mesdames et Messieurs je le dis avec gravité. N’oublions jamais que le 11 mars dernier à Winnenden, en Allemagne, il y a eu 17 morts, dans un établissement scolaire. Chacun d’entre nous est donc placé devant sa responsabilité.
Chaque recteur pourra disposer d’une équipe mobile d’agents, formés dans ce but, qui viendront épauler sur un plan pédagogique les chefs d’établissement en cas de difficulté ponctuelle relative à la discipline dans un lycée ou un collège.
Pour compléter ce dispositif je souhaite que soit étudiée rapidement la possibilité d’ouvrir largement la réserve civile de la police nationale. Ce dispositif permettra d’affecter des policiers à la retraite mais aussi des personnes volontaires, expérimentées et qualifiées, venus d’horizons divers, à des missions ponctuelles, particulièrement la sécurisation des établissements scolaires et de leurs abords. Le recrutement sera ouvert à tous les citoyens sur la base d’un test d’aptitude physique et morale, à l’image de ce qui se pratique avec succès pour les pompiers volontaires. Ces volontaires bénéficieront d’une formation adaptée. Leur mission sera double : la surveillance des sites sensibles, maintien d’un contact étroit et permanent avec les collégiens et les lycéens.
Mesdames et Messieurs, la vidéo protection est un moyen fondamental de la politique de sécurité. La présence d’une caméra est l’outil le plus dissuasif qui soit pour un délinquant, car elle permet aux forces de l’ordre d’identifier, d’arrêter et de faire sanctionner par la justice les auteurs d’infraction. 10 000 caméras ont été installées avec des financements de l’Etat. La LOPPSI 2 va nous fournir les moyens juridiques de donner une impulsion nouvelle à cette politique.
Nous allons ainsi élargir la faculté offerte aux personnes morales de droit privé de visionner les abords de leurs bâtiments et installations en l’étendant aux lieux particulièrement exposés à des actes de terrorisme ou à des risques d’agression ou de vol. Nous allons donner la faculté au préfet de fixer une durée minimale de conservation des images pour permettre aux services de police et de gendarmerie de disposer de renseignements et de les exploiter. Nous allons faciliter les démarches auprès des commissions départementales chargées d’émettre un avis sur les demandes de renouvellement et des services de préfecture chargés de les instruire. L’objectif immédiat est de mettre en place 75 systèmes municipaux types et d’assurer, là ou c’est nécessaire, la protection des établissements scolaires.
Je déplore les réticences de certains élus à s’engager dans la voie de la vidéo protection. La vidéo protection ne menace pas les libertés, la vidéo protection protège la liberté de se déplacer et d’aller et venir dans son quartier en toute sécurité. J’invite les préfets, les procureurs et les inspecteurs d’académie à engager un travail de dialogue et de persuasion avec les élus les plus réservés. Je compte sur eux pour faire en sorte que le bon sens l’emporte sur l’idéologie ou les calculs, dans une affaire aussi essentielle pour la sécurité des Français.
Nous devons enfin repenser les méthodes policières, les adapter aux nouvelles formes de la criminalité. La mise en place des groupements d’intervention régionaux en 2002 a constitué un véritable succès dans la lutte contre la criminalité. Il en existe 34 aujourd’hui, qui s’imposent comme un outil essentiel de la lutte contre les trafics criminels. Les résultats obtenus en 2008 sont remarquables : 1 millier d’opérations qui ont permis de relever 3 000 infractions et de saisir 21 millions d’euros.
Nous allons généraliser la méthode des GIR et désormais nous allons impliquer systématiquement les douanes, les services fiscaux et les organismes sociaux dans la lutte contre les trafics criminels. Nous devons frapper les trafiquants au portefeuille. La question de fond de la criminalité ne peut pas se régler autrement. Je demande à Monsieur le Ministre du budget de confier aux services fiscaux une mission directement liée à la lutte contre les trafics dans les cités. Deux fonctionnaires spécialisés devront être spécialement affectés dans chacun des 25 quartiers les plus sensibles. Leur rôle sera de détecter les signes extérieurs de richesse indue afin d’enclencher les mécanismes de répression contre les trafiquants. Ces fonctionnaires des impôts travailleront en étroite coordination avec la justice et les services de police. De même je tiens absolument à ce que les douanes se voient confier une mission prioritaire sur les cités sensibles et qu’elles y interviennent massivement dans le cadre d’une coopération étroite avec les autres forces de sécurité. Et je le dis nettement aux agents des douanes et des impôts : il n’y a pas à mes yeux de secret professionnel qui tienne, entre services de l’Etat, lorsque la sécurité des Français -ou celle de l’Etat- est en jeu.
Je demande à Eric Woerth de réfléchir à une amélioration des textes destinés à permettre l’appréhension fiscale des sommes provenant de ces activités illicites. Je pense notamment à la nécessaire modernisation de la taxation sur le train de vie à partir de signes extérieurs de richesse témoignant de moyens qui ne cadrent pas avec ce que connaît l’administration. Il faut améliorer les procédures, renforcer les moyens d’investigations pour que les contrôles fiscaux débouchent sur des suites pénales. Je souhaite que soient mis en place dans les sûretés urbaines les plus concernés par les violences, des groupes spécialisés dans la lutte contre les trafics criminels, en particulier les trafics de drogue et d’armes. Des gens qui n’ont jamais travaillé de leur vie et qui pilotent en toute impunité de grosses voitures doivent répondre devant les services fiscaux et les services fiscaux doivent demander à ce que des procédures pénales soient engagées.
Les efforts de la police, du fisc et des douanes j’en suis conscient n’ont de sens que s’ils sont suivis d’une réponse judiciaire adéquate, suffisamment dissuasive. J’entends trop souvent des responsables des forces de l’ordre qui me font part de leur découragement à la suite de la libération de délinquants qui viennent ensuite narguer ces mêmes forces de l’ordre et donner aux têtes fragiles des quartiers l’idée que l’on peut faire n’importe quoi en toute impunité. A contrario, je constate, en particulier depuis deux ans, un véritable engagement des procureurs à combattre l’insécurité. Je veux les en remercier. Les forces de sécurité doivent être irréprochables, de leur côté, sur le plan de la qualité des procédures et si j’entends des plaintes du côté des forces de l’ordre sur une trop grande mansuétude j’entends aussi des plaintes du côté de la justice sur des procédures qui ne sont pas assez exemplaires. Nous allons faire un effort considérable. Je demande à Madame Alliot-Marie d’ouvrir davantage le champ de recrutement des officiers de police judiciaires qui doivent être plus nombreux et mieux formés. 1000 OPJ supplémentaires seront formés.
Un plan de lutte contre les cambriolages sera mis en place sans délai dans la dizaine de départements les plus concernés par ce phénomène.
Enfin, la prévention de la délinquance a été beaucoup trop négligée ces dernières années. J’ai fait voter une loi en mars 2007 pour fixer les objectifs, définir les principes et les modalités, donner les moyens juridiques qui faisaient défaut. J’ai tenu à placer les maires au coeur du dispositif dans le cadre d’une nouvelle génération de contrats locaux de sécurité. Or, je constate très peu ont été signés : 22 en 2007 ; 6 en 2008 ; 1 en 2009. Je le regrette vivement. La sécurité est l’affaire de tous et il faut nous mobiliser, responsabiliser tous les acteurs locaux autour de cette priorité. Une politique active de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes ce n’est pas seulement une juxtaposition d’initiatives prises par des ministères chacun dans son coin. C’est une stratégie globale, des objectifs, l’évaluation des résultats, une coordination des actions. Je demande donc au Premier Ministre s’il le veut bien de réunir en urgence tous les ministres concernés et de préparer pour septembre un plan gouvernemental de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes.
Vous l’avez compris, Mesdames et Messieurs, c’est à une mobilisation forte et de chaque instant, en faveur de la sécurité des Français, que je vous appelle. Il est, pour cela, nécessaire que soient attentivement étudiés et suivis les résultats de votre action pour en mesurer les effets et pour la réorienter si nécessaire.
Je demande à Madame la Ministre de l’Intérieur, un suivi mensuel des statistiques de la délinquance département par département. Chaque mois, les préfets devront établir un tableau de bord des principaux chiffres de leur département, y compris l’évolution des violences en milieu scolaire. Il y sera inclus une présentation des réponses policières et judiciaires apportées aux actes de délinquance. Il ne suffit pas d’avoir un bon taux d’élucidation des affaires, il faut également connaître les suites données par l’autorité judiciaire à la violence et à la criminalité. Je tiens à ce que ces remontées d’informations donnent lieu Monsieur le Premier ministre à l’élaboration d’un rapport annuel au Parlement sur la sécurité et qui sera rédigé conjointement par le ministre de l’Intérieur, le Garde des Sceaux et le ministre de l’Éducation nationale.
Mesdames et Messieurs, les Français m’ont élu pour rétablir l’autorité de l’Etat partout sur le territoire de la République. L’immense majorité de nos concitoyens souhaite que cette autorité de l’Etat se manifeste en tout lieu et en toute circonstance. Nous n’avons pas le droit de les décevoir. Je sais qu’ils peuvent compter sur votre engagement, sur votre dévouement, sur votre efficacité. Quant à vous, vous savez que vous avez toute ma confiance pour l’accomplissement de cette grande oeuvre que je suivrais personnellement. Je me suis engagé à obtenir des résultats, nous obtiendrons des résultats. Que ce message soit bien entendu partout sur le territoire de la République française. Il n’y aura pas de faiblesse dans la lutte contre la délinquance. La République ce sont des valeurs. Ces valeurs sont bafouées par la violence d’une minorité. Ce n’est pas cette minorité qui va gagner. Le message est clair, la stratégie est posée. Vous êtes les acteurs de cette stratégie.
Bon courage et bon travail.
Je vous remercie.
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