Altesse,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs,
C’est un très grand honneur pour moi de retrouver Abou Dabi, pour poursuivre l’approfondissement du partenariat engagé entre nos deux pays dès le lendemain de mon élection à la Présidence de la République, dans le fil d’une relation déjà ancienne et confiante. Je veux saluer tout particulièrement la présence de son Altesse Cheikh Mohammed bin Zayed, Prince Héritier d’Abou Dabi à qui je veux redire mon amitié, ma confiance.
Lors de ma dernière visite, nous avons adopté une feuille de route qui fonde un partenariat ambitieux et rénové. Un partenariat qui mérite pleinement d’être appelé stratégique. Il mérite d’être appelé stratégique non pas parce que nous avons décidé de l’appeler ainsi, mais parce que la somme de projets que nous mettons en oeuvre, les Emirats et la France, a une portée stratégique et historique.
Nous bâtissons ensemble pour le long terme. Nous bâtissons pour l’avenir. Ce partenariat stratégique est unique par son ampleur.
Qu’on en juge. En quelques mois, nous avons concrétisé notre feuille de route par des accords novateurs sur l’énergie nucléaire, par des investissements conjoints, dans le domaine militaire ou dans le champ si important de l’éducation et de la formation.
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Altesse, je veux vous dire que les Émirats arabes unis ne sont pas un pays comme les autres. Vous représentez pour la France un modèle, et la France est fière d’être aux côtés de votre pays dans l’accomplissement d’un projet, le vôtre, qui est absolument visionnaire. Ce projet, c’est celui d’un pays neuf, héritier d’une civilisation ancienne, moderne mais respectueux des traditions, dynamique mais soucieux de stabilité, fier de son identité nationale mais ouvert aux autres cultures. Ici, aux Emirats, grâce à vous Altesse, tradition et modernité se rejoignent sans conflit, dans l’harmonie.
En l’espace d’une génération, les Émirats arabes unis sont devenus un laboratoire de la mondialisation. Je suis fier d’avoir posé la première pierre des deux projets d’université Sorbonne- Abou Dabi et de musée du Louvre-Abou Dabi. Ces deux projets créent des ponts entre nos peuples.
Un pays qui investit dans son histoire et dans sa culture, un pays qui investit dans l’éducation et la formation, c’est un pays qui peut croire en l’avenir.
Autre chantier novateur, celui du nucléaire. L’énergie nucléaire civile est l’énergie de l’avenir et, Altesse, cette énergie n’a pas vocation à être la possession exclusive des seuls pays occidentaux. Avec nos partenaires dans le monde arabe et, au premier chef, les Emirats arabes unis, j’ai souhaité développer les bases d’une coopération exemplaire, dans la transparence, dans le respect de la légalité internationale et bien sûr des règles de non-prolifération. Parce que les Etats pétroliers eux-aussi doivent se préparer à l’après-pétrole mais aussi parce que le recours à l’énergie nucléaire contribue à la limitation des émissions de gaz à effet de serre.
Les Emirats arabes unis, qui viennent de lancer le projet exemplaire de ville « zéro carbone », à Masdar, sont plus que d’autres soucieux de la protection de l’environnement. C’est un exemple extraordinaire pour le monde qu’un pays pétrolier participe à l’effort collectif mondial de développement durable. Je veux rendre hommage à cette vision d’un nouveau développement urbain, celui de l’après-Kyoto. C’est cette vision que je souhaite aussi mettre en oeuvre avec le projet du Grand Paris, en transformant notre manière de penser la vie dans une grande métropole.
C’est bien cette vision de long terme si spécifique aux Emirats arabes unis qui fonde notre relation. Doté de richesses considérables, votre pays, Altesse, pourrait se contenter de vivre confortablement. Eh bien au contraire, vous faites les choix clairvoyants dans tous les domaines.
Je suis en particulier très heureux que le fonds Mubadala ait pu conclure un accord de partenariat avec le Fonds Stratégique d’Investissement, que nous avons créé en France. Les investissements émiriens, les fonds souverains émiriens sont les bienvenus en France. Ils gardent, dans une période difficile, la capacité de se projeter dans le long terme. Nous sommes heureux de pouvoir construire, avec les fonds émiriens, une vision partagée, dans des domaines essentiels comme la santé, les biotechnologies et le développement durable. C’est la première fois que le fonds souverain français travaillera avec les fonds souverains émiriens.
J’en tire deux constats. D’abord que la mondialisation n’est pas réservée aux grandes puissances. Chacun peut y apporter sa contribution. Les autorités émirennes en donnent chaque jour la preuve en nous appelant à de nouveaux partenariats.
Le deuxième constat, c’est que nous sommes ainsi invités à réfléchir sur des idées et des coopérations nouvelles. Il nous faut imaginer de nouveaux outils. Nous devons être au rendez-vous de l’avenir. Les propositions de nos amis émiriens ont parfois fait – utilement – débat en France. Nous nous enrichissons mutuellement des ces réflexions et de ces partenariats de long terme.
Un sujet de coopération évident entre nous est l’énergie. Les Emirats arabes unis ont déjà montré à quel point ils jouent un rôle d’avant-garde dans ce domaine avec leur politique d’efficacité énergétique, de développement durable et de diversification.
Il nous faut maintenant travailler ensemble pour lutter contre la volatilité des prix du pétrole. La volatilité des prix du pétrole ne fait l’affaire de personne. Ni des producteurs ni des consommateurs. Voilà un sujet sur lequel la France et les Emirats doivent prendre rapidement des initiatives communes
Nous avons tous besoin d’une meilleure visibilité des prix de l’énergie. Je le dis en prenant mes responsabilités, des prix de l’énergie trop élevés déstabilisent gravement l’économie mondiale. Mais des prix trop bas sont porteurs de chocs futurs. En ne rémunérant pas suffisamment l’investissement, ils risquent de le paralyser et de susciter un nouveau choc pétrolier dans les années qui viennent. Ils risquent de nous donner l’illusion d’une fausse sécurité énergétique et de nous détourner de l’objectif essentiel des économies d’énergie. La stabilité des prix du pétrole est une condition des investissements de demain. Nous devons donner un contenu concret au dialogue entre pays producteurs et consommateurs, pour éviter à l’avenir les mouvements erratiques de 2008.
Il faut passer d’une logique producteurs-clients à une logique d’interdépendance. Nous devons discuter ensemble des perspectives offre-demande à moyen et long terme. Nous devons, je n’hésite pas à le dire, parler du niveau souhaitable des prix de l’énergie et notamment du pétrole. Pourquoi ne pas se mettre d’accord, entre pays producteurs et consommateurs, sur une orientation de prix générale à donner au marché, je dirais même, Altesse, sur une fourchette de prix, qui assurerait la pérennité des investissements mais n’accablerait pas les économies consommatrices ?
La lutte contre la spéculation est essentielle et la France vient de faire des propositions au sein du G8, qu’elle souhaite approfondir avec les Emirats arabes unis pour exiger une meilleure surveillance et la transparence des marchés dérivés de matières premières.
Il y a dans notre dialogue, pour reprendre un mot très en vogue, un aspect interactif qui lui confère son caractère exemplaire. Je le dis comme je le pense, ce serait un mauvais calcul de se satisfaire de prix du pétrole artificiellement bas. Et ce n’est pas être pour un dialogue confiant que de demander la baisse des prix quand le pétrole est haut et de ne pas plaider pour la stabilité des prix quand le pétrole est bas. Altesse, je souhaite que le pays producteur de pétrole que vous représentez et la France, nous puissions faire au monde des propositions pour la stabilité du prix de l’énergie. Alors, il est normal, dans ces conditions, que ce soit avec les Emirats arabes unis que nous ouvrions des pages nouvelles, y compris dans le domaine militaire.
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Nous avons inauguré ce matin l’implantation militaire française permanente à Abou Dabi. Cette base répond à une demande, celle que m’ont exprimée les autorités émiriennes dès mon arrivée à l’Élysée. Elle est la traduction sur le terrain de la confiance qui lie les Émirats arabes unis et la France depuis la signature de notre premier accord de défense en 1995. Un nouvel accord de défense, signé ce jour, va encore plus loin dans l’engagement entre nos deux pays alliés. Il est prévu que nous décidions en commun de réponses spécifiques et adaptées, y compris militaires, lorsque la sécurité, la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance des Émirats arabes unis sont affectées.
L’implantation militaire française permanente d’Abou Dabi illustre les responsabilités que la France, puissance globale, entend assumer aux côtés de ses partenaires privilégiés, dans une région absolument névralgique pour le monde entier. Ce ne sont pas, en la matière, les seuls intérêts nationaux de la France qui sont en cause. C’est la contribution de la France aux équilibres mondiaux, une vocation dont la France doit se sentir investie. La France s’engage dans la réalisation de cette implantation militaire, fondatrice d’une ère nouvelle pour ses relations de partenariat non seulement avec les Emirats arabes unis mais avec l’ensemble de ses partenaires au Moyen-Orient.
Cette implantation militaire regroupera des composantes navales, aériennes et terrestres de l’armée française, et réunira rapidement 500 hommes. Elle est le témoignage concret et fort de notre souhait de nous tenir, quoi qu’il advienne, aux côtés des Emirats arabes unis. Élément essentiel de notre relation globale, cette implantation militaire prolonge et complète une coopération militaire déjà ancienne, renforcée aux fils des ans à la faveur d’exercices militaires communs ou de contacts privilégiés entre officiers et responsables français et émiriens, ou encore, naturellement, par le fait que nos armées sont équipées de systèmes d’armes communs.
Alors bien sûr, on va me demander pourquoi nous nous engageons maintenant, dans une région sensible puisqu’elle concentre bien des problématiques politiques, énergétiques et de sécurité de portée mondiale. Eh bien précisément, où devons-nous nous manifester si ce n’est dans une région telle que celle-ci ? Devrions-nous censurer nos amitiés ? Cette présence militaire permanente de la France ne vise personne. Elle n’a pas été décidée au nom de telle ou telle circonstance. Elle traduit simplement l’engagement de la France, dans le long terme, aux côtés de ses amis, aux côtés des Emirats, s’il devait leur arriver quoi que ce soit, nous serions à leurs côtés. C’est à cela que l’on reconnaît les amis. Ici, nous faisons un partenariat de long terme et pas un partenariat de circonstance.
Pour le reste, tout le monde sait que la France cherche partout à faire prévaloir des solutions pacifiques, diplomatiques, des solutions négociées, dans l’attachement au droit international. La France, au-delà du renforcement de ses relations de coopération avec les autres pays du Golfe, entend favoriser par sa présence la stabilité de la région et de cet espace maritime essentiel pour le monde entier, au bénéfice des pays riverains. C’est la raison pour laquelle cette base maritime a été nommée, en toute logique, la « base de la paix ».
D’autres s’interrogent sur le fait de savoir si cette présence nouvelle à Abou Dabi ne serait pas synonyme de désengagement pour la France. J’ai même entendu dire que cette base d’Abou Dabi serait le prélude à un retrait de Djibouti. Je veux le dire sans ambiguïté, il n’en est rien. Elle se veut le témoignage du dynamisme de la France et une illustration de la capacité de la France à s’adapter aux défis du monde contemporain, à la mondialisation, à la diversification croissante de nos partenaires politiques, économiques, stratégiques, militaires, voire culturels, au-delà de l’Europe, de l’Atlantique ou des pays issus de notre ancienne zone d’influence traditionnelle. La France a bien vocation à être présente à la fois à Djibouti et à Abou Dabi. Le message de la France en faveur de la paix et de la stabilité est universel. Les deux implantations d’Abou Dabi et de Djibouti ne sont pas concurrentes mais complémentaires. Elles facilitent d’ailleurs à l’heure actuelle la présence de la marine française dans l’Océan indien, aux côtés de ses alliés, dans le cadre des efforts menés par la communauté internationale contre la piraterie dont le développement est un scandale.
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Enfin, je voudrais dire que, à Abou Dabi, dans cette avant-garde de la modernité, au coeur des échanges mondiaux, la présence de la France dans tant de domaines est un atout et c’est une chance pour notre pays : elle nous offre la possibilité de montrer au monde ce dont la France est capable en matière militaire, technologique, économique, culturel, universitaire, scientifique et énergétique.
Nous voulons, avec les Emirats arabes unis, ouverts sur le monde et pionniers de la modernité, adresser à tous les peuples de la terre le message de paix, de tolérance et de co-existence que la France a toujours promu.
Ces valeurs nous rapprochent, Altesse, Émiriens et Français : l’amour de la paix, le respect de l’autre, la volonté de placer l’homme au coeur de toute action, le développement durable. Et ce sont bien ces valeurs que nous voulons, ensemble, porter : le choix de la justice, le choix du dialogue, le rejet de l’arrogance, le rejet de la surenchère nationaliste, de l’acceptation de concessions difficiles lorsque cela est nécessaire, l’amour de la transparence. Bref, pour vous Emiratis, comme pour nous Français, le choix de la paix, aussi difficile soit-il, est plus que jamais nécessaire. Accepter des compromis pour faire la paix n’est pas renoncer à son honneur et à sa dignité. Cette vérité simple n’est pas seulement valable sur les rives du Rhin. Elle est aussi une vérité sur celles de la Méditerranée, du Jourdain, de l’Euphrate ou du Golfe.
« Salam », la paix dans votre belle langue arabe : cette présence militaire permanente porte bien notre message, dans une région qui aspire à la stabilité et à la prospérité pour tous ses peuples.
Vous l’avez compris, la France et les Emirats sont amis, amis pour longtemps. La France respecte les Emirats et, Altesse, votre présence était, pour la délégation que je conduis, un honneur. Soyez assuré que pour la France, être ici à Abou Dabi, c’est une fierté. Jamais nos relations n’ont été à un tel point de confiance, d’amitié. Ensemble, nous avons beaucoup de travail à faire. C’est cela aussi la mondialisation, les Emirats et la France, ensemble pour la paix du monde.
Je vous remercie.
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