Inégalités de traitement et bakchichs au sein de la coopération militaire à Madagascar ?

En novembre 2008, un commissaire détaché par le ministère des affaires étrangères s’est rendu sur l’île de Madagascar en inspection dans le cadre d’un audit du détachement de coordination militaire. Son rapport met clairement en évidence des inégalités financières entre les différentes catégories de militaires en service à Madagascar au titre de la coopération.

Le constat :

– Conformément à la réglementation en vigueur les assistants militaires techniques de la gendarmerie sont logés gratuitement dans des logements appartenant à l’Etat malgache. Aucune retenue logement sur solde ne leur est appliquée.

– Les assistants militaires techniques des autres armées occupent en majorité des logements appartenant à l’état malgache moyennant une retenue logement sur solde. L’évaluation de la valeur locative permettant de déterminer le montant de la retenue logement ne respecterait pas la réglementation en vigueur et serait sous évaluée.

– Quelques coopérants militaires ont refusé le logement mis à disposition par l’état malgache ou, faute de logement mis à disposition, se sont logés par obligation en contractant un bail privé.

Des inégalités de traitement criantes et difficilement acceptables:

Les gendarmes ne perçoivent aucune indemnité liée à leur condition de logement.

Les coopérants militaires qui occupent des logements appartenant à l’Etat malgache sont soumis à retenue logement et perçoivent une indemnité logement sur leur  solde qui varie d’environ 70 euros pour un sous-officier à 250 euros pour un officier supérieur.

La retenue la moins élevée est de 70 euro pour un commandant  et de 220 euro pour un …capitaine !  

Les autres coopérants se divisent en deux groupes.

Il  y a le groupe de ceux qui payent un loyer, perçoivent une indemnité logement sur leur solde d’un montant de 250 euro pour un officier supérieur  et de 70 euro pour un sous-officier et qui bénéficient d’une allocation mensuelle de 250 euro versée de la main à la main ou bien directement auprès du propriétaire.

Le loyer mensuel  le plus important s’élève à 1000 euro. Il est supporté par un colonel. Le moins élevé, d’un montant de 550 euro, est payé par un lieutenant-colonel.

Enfin, il y a le groupe de ceux qui payent un loyer, perçoivent une indemnité logement sur solde d’un montant de 70 euro et qui ne bénéficient d’aucune… allocation !

Ce groupe est composé de sous-officiers. Leur loyer mensuel est de 530 euro sans les charges.

Un problème de commandement ?

Dans son rapport daté du 10 février 2009, le commissaire auditeur n’hésite pas à parler de « problème de commandement ». De ce rapport il ressort que:

  • – «la valeur locative des logements fournis par l’Etat hôte est sous évaluée ce qui constitue un avantage pour les coopérants qui en bénéficient». (1)
  • – Les coopérants logés à bail privé, bénéficiaires d’une indemnité versée par l’Etat malgache, payent un «loyer effectif» moins élevé (2), que celui payé par les sous-officiers qui ne perçoivent aucune indemnité.
  • – Certains coopérants bénéficient d’avantages en nature (3) qui ne font qu’accentuer les inégalités liées aux conditions de logement.

Certains avantages concédés aux officiers résultent des accords de coopération entre l’Etat malgache et l’Etat français. Ils résultent également de la fonction exercée par certaines autorités. Seule une révision de ces accords peut permettre une éventuelle avancée vers une gestion plus juste des conditions de logement en fonction du mode d’administration des coopérants. Pour autant, il n’est pas question de procéder à un nivellement par le bas.

Dans l’immédiat, une juste évaluation de la valeur locative des logements mis à disposition par l’Etat malgache doit être menée. En effet,  les extraits de courriels reproduits infra prouvent l’existence de « combinaisons douteuses » qui ne devraient pas laisser insensible le Ministre de la Défense.

De même, toute la lumière doit être faite sur cette prime  versée de la main à la main au coopérant ou au propriétaire. Pourquoi celle-ci est-elle donnée de la main à la main ? Pourquoi tous les coopérants militaires ne la perçoivent-ils pas ? Quelle est sa légalité au regard de la solde à l’étranger perçue par les coopérants militaires ?

Enfin, Madagascar, l’un des pays les plus pauvres du monde, est-elle en mesure de supporter cet effort financier ? Rien n’est moins sûr.

 

                                                                                                       Renaud Marie de Brassac

 

  • (1) Des correspondances internes tendent à prouver que le personnel ayant la charge du suivi des logements, par ailleurs concerné par ladite retenue, est resté inspiré et très indulgent au même titre que ses prédécesseurs afin apparemment de ne pas se défavoriser. Quelques extraits significatifs:

        Courriel du 18 juillet 2008

« … Pour les partants je vous demande au moins que les caractéristiques du logement ainsi que sa qualité. Je vous demande la réalité que je réviserai moi-même globalement avant de transmettre à la DCMD si nécessaire afin de ne pas nous pénaliser. Il demande cela pour réviser les retenues logements s’il y a lieu ainsi que l’enveloppe allouée annuellement pour notre soutien électroménager, mobilier et travaux.

Je ne parlerai pas non plus de l’enveloppe allouée par l’armée Malgache pour laquelle je viens d’adresser un courrier pour une révision à la hausse… »

Courriel du 21 août 2008

« …j’ai volontairement joué sur les loyers car je défalque la prise en charge MSY que j’ai    demandé par courrier au CEMGAM pour le 1er octobre. Cela donne une assiette un peu plus équilibrée. (Si je ne fais pas cela, j’ai un X…qui paye 1000 euros et un Y… à 73 euros et ça pourrait les gratter dans la tour d’Ivoire).

 

  • (2) sauf en ce qui concerne le colonel
  • (3) gratuité de l’eau, de l’électricité, mise à disposition d’un gardien… –

 Lire également:

L’Adefdromil publie son premier rapport sur les droits de l’homme dans l’armée française.

 

À lire également