Il arrive que des militaires conservent à titre personnel des documents réalisés dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions et notamment, lors de séjours opérationnels. Le fait d’avoir rédigé ou participé à la rédaction ou réalisation d’un document de service ne donne aucun droit à son auteur en dehors de celui éventuellement accordé par le code du patrimoine. Une affaire récente vient nous rappeler les dangers auxquels on peut s’exposer, même si les archives détenues le sont depuis… plus de 200 ans.
En 2003, le comte François Murat de Chasseloup-Laubat, actuel propriétaire du château de la Gataudière à Marennes et descendant indirect du général d’empire François Chasseloup-Laubat, a décidé de mettre en vente aux enchères à La rochelle un ensemble de documents, plans et dessins réalisés par ou sur ordre de son aïeul, dont Napoléon Ier a dit à Sainte-Hélène qu’il était un des meilleurs officiers de son arme (Génie).
Pour la réalisation de cette vente, une publicité a été faite au niveau européen.
Se référant à la loi 79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives, incorporée au code du patrimoine par ordonnance n°2004-178 du 20 février 2004, le Ministère de la Défense a fait annuler la vente et a demandé au juge des référés de lui confier l’ensemble des documents à titre conservatoire en attendant le transfert définitif de la propriété qu’il revendique au motif qu’il considère ces documents d’une très grande valeur historique comme étant des archives publiques.
Aux termes de l’article L211-4 du code du patrimoine les archives publiques sont :
« Les documents qui procèdent de l’activité de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics et des autres personnes morales de droit public ou des personnes de droit privé chargées de la gestion d’un service public, dans le cadre de leur mission de service public. »
L’article L 212-1 précise que
« Les archives publiques sont imprescriptibles.
Nul ne peut détenir sans droit ni titre des archives publiques.
Le propriétaire du document, l’administration des archives ou tout service public d’archives compétent peut engager une action en revendication d’archives publiques, une action en nullité de tout acte intervenu en méconnaissance du deuxième alinéa ou une action en restitution. »
Enfin, tout document réalisé par un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions, reste la propriété de l’Etat.
Là où le bât blesse, c’est que le comte Murat de Chasseloup-Laubat prétend que le Général François Chasseloup-Laubat a déposé les originaux des documents au Dépôt des fortifications et que les documents revendiqués par le Ministère de la Défense sont en réalité des copies conservées à titre personnel, donc des archives privées.
C’est le litige que devait régler le tribunal administratif de Poitiers le 3 décembre 2008. Malheureusement, conformément au Code du Patrimoine, ce type de conflit n’est pas du ressort du tribunal Administratif mais du tribunal de grande instance. En conséquence, le Tribunal administratif de Poitiers s’est déclaré incompétent même si la balance semblait pencher en faveur du Ministère de la défense.
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Bonjour,
Le tribunal administratif de Poitiers a donné raison au ministère de la défense par jugement du 17 décembre 2008 et a ordonné la restitution des archives, il ne s’est donc pas déclaré incompétent comme vous le mentionnez, c’est le commissaire du gouvernement qui avait proposé à la formation de jugement de se reconnaitre incompétent au profit du TGI, mais il n’a pas été suivi sur ce point.
Cordialement,
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