Ouverture du bal à la 10ème chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris (Par Jacques Bessy, Président de l’Adefdromil)

Il aura fallu cinq mois à la justice pour organiser la première audience de la chambre correctionnelle du TGI de Paris se substituant au Tribunal militaire aux armées  dissout fin 2011.

La tache a échu à la 10ème chambre correctionnelle.

L’Adefdromil était donc présente à l’ouverture du bal, le 5 juin 2012.

Vingt affaires étaient inscrites au rôle de l’audience :

12 affaires de désertion

1 affaire de faux et usage de faux

6 affaires de violences

1 refus d’obéissance

4 affaires de violences étaient plaidées par des avocats

16 affaires ont été jugées sans l’intervention d’avocats.

 Manifestement la Présidente et les deux assesseurs ne sont pas des spécialistes de la chose militaire. Mais ils vont rapidement s’y faire. On a ainsi entendu parler de militaire « traduit en discipline » ou de « peine disciplinaire ». Et pour parfaire l’information du Tribunal, la Procureure, manifestement informée, a expliqué ce qu’est un vol bleu et un vol blanc. Et personne n’a poussé la logique tricolore jusqu’à demander si les vols rouges existent ! Le bizutage n’a donc pas été trop sévère.

La violence.

Il faut bien sûr avoir servi en opérations extérieures, « en Opex », ou en séjour outre-mer de plusieurs mois pour comprendre les tensions inexplicables et soudaines entre telle ou telle personne, quelle que soit leur position hiérarchique, voire l’usage délibéré de la violence pour punir ou se faire obéir. On ne peut néanmoins qu’être effaré des faits rapportés dans les procédures établies par les gendarmes.

A Dakar, c’est un quartier-maître ivre, de retour d’une sortie nocturne, qui frappe une engagée. C’est elle qui est débarquée. Le dossier de l’agresseur n’est pas brillant. Il est condamné à un mois d’emprisonnement ferme et à payer près de 3000 euros  à la victime présente.

Au Tchad, c’est un sergent du 3ème RIMA, qui frappe un de ses hommes. Bilan : tympan perforé et lésion auditive qui rend inapte la victime à poursuivre dans sa spécialité. 3mois avec sursis et 7000 euros à payer à la victime.

Au Kossovo, ce sont deux sous-officiers logés dans la même chambre, qui se jettent l’un sur l’autre pour se livrer à une bagarre féroce. Ils sont condamnés tous les deux, mais l’un a subi 21 jours d’ITT, tandis que l’autre s’en tire sans ITT. Bilan : 1 mois avec sursis pour celui qui apparaît comme l’agresseur et 1500 euros à payer à la victime. Celle-ci est également condamnée à une peine d’amende et des dommages intérêts, qui vont se compenser avec les condamnations de son camarade.

En Côte d’Ivoire, la claque infligée par un sous-officier à un légionnaire lui vaut une peine de 20 jours d’emprisonnement avec sursis (il n’y a pas eu d’ITT), qui couvrent la punition infligée par l’autorité militaire. L’auteur des coups devra payer 1000 euros au légionnaire.

La désertion.

La désertion en temps de paix et sur le territoire de la république selon la formule consacrée n’a plus ce caractère infâmant qu’elle a pu avoir par le passé. Il y aurait selon une réponse du ministère environ 2000 désertions par an, majoritairement dans l’armée de terre. Il y aurait sans doute moyen de faire baisser ses chiffres en accordant plus facilement les démissions demandées, en recrutant mieux, en informant mieux les engagés.

Il reste que la désertion apparaît aujourd’hui plus comme une rupture unilatérale d’un contrat sanctionnée pénalement que comme un acte déloyal envers l’armée et le pays. Il semble que cette perception est partagée par les juges.

Car, les peines infligées pour les affaires de désertion se situent entre 1 et 2 mois de prison avec sursis. Et la non- inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire est accordée le plus souvent pour ne pas nuire à la réinsertion sociale des intéressés

Indiscutablement, cette justice est humaine. Elle applique la loi. Mais elle a compris que ceux qui ont été amenés à déserter, ne sont pas forcément des délinquants ou des asociaux.

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