Bien plus mordants que les députés, ils échangent par courriel leurs critiques sur l’engagement français.
A l’Elysée, comme à l’état-major ou au ministère de la Défense, certains s’alarment de la montée des critiques qui s’expriment, y compris au niveau des officiers supérieurs. Deux raisons à cette grogne inhabituelle. Et d’une : l’opération du 18 août (10 morts, 21 blessés) a été préparée et conduite « en dépit du bon sens », selon la formule d’un général. Et de deux : les unités françaises sont « sous-équipés », alors qu’elles sont désormais envoyées au feu.
Récente manifestation de ce mécontentement, le document dont « Le Canard » a publié quelques extraits, la semaine dernière. L’état-major a démenti qu’il ait été reçu par la Direction du renseignement militaire (DRM). Dont acte : ce rapport rédigé à chaud au lendemain de l’embuscade, sur la base de Tora, par un officier de la Frenic (French National Intelligence Cell), une cellule de renseignement français, n’a pas été transmis « officiellement » à la DRM. Mais seulement à certains collègues de ce service (qui compte 1700 spécialistes) et à quelques officiers de haut rang qui l’ont fait circuler. Au nom de la « fraternité d’armes » qui les unit, et avec l’intention que les faits rapportés soient rendus publics, « ils voulaient que cela se sache, mais sans aucune démarche ou implication politique. C’est l’armée qu’ils défendent »,explique un ami de l’un de ces officiers.
Or une partie importante des informations publiées par « Le Canard » sur la « chronologie des combats » et les commentaires joints – dont l’authenticité n’est contestée par personne, et encore moins par l’état-major – étaient déjà parus, mais uniquement sur internet. Précisément sur des « blogs » que l’auteur de cet article a eu le tort de ne pas consulter : celui de Jean Guisnel, spécialiste militaire du « Point », celui du foigaro.fr et, pour certains commentaires, celui de la Fédération des combattants volontaires.
Mais pour les défenseurs du « militairement correct » en Afghanistan il y a plus inquiétant que ces « fuites » venues d’officiers du renseignement, alors que l’état-major s’entête à dire que l’analyse du « mode d’action des militaires français » n’entre pas dans leurs compétences…
Concertations discrètes
Désormais, un « réseau » d’officiers échange discrètement informations et analyses par courriel, entre Kaboul et Paris. Ces contestataires de l’autorité supérieure, qui siège à l’Elysée – et « dont l’interprétation du conflit n’est pas la bonne », affirment-ils -, mettent en cause certains de leurs chefs. Ils estiment que cette guerre est mal engagée, et que les généraux américains de l’Otan préfèrent les bombardements (avec moult bavures à la clé) à une nécessaire contre-guérilla.
Leur réflexion collective pourrait bientôt aboutir à la rédaction définitive d’un projet de document, dont « Le Canard » publie un extrait. Son premier destinataire devrait être, par une voie hiérarchique amicale, le général commandant la Force d’action rapide, Christian Damay, qu’ils croient capable de les entendre « cinq sur cinq »…
Claude Angeli
Source : Le canard enchaîné » du mercredi 10 septembre 2008 n°4585
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