Dans un article tout récent publié par la rubrique « débat » du Figaro le 30 Avril 2008, Pierre Pascallon et Emmanuel Dupuy, responsables de deux très sérieux clubs de réflexion, relancent l’idée d’un « Service civil obligatoire » …
Après avoir rappelé que sans en faire un argument central de campagne, la plupart des candidats avaient évoqué l’hypothèse d’un Service civil, ils posent le problème du « délitement du lien Armées-Nation » et dressent les grandes lignes d’un « Service citoyen qui prendrait en considération l’ensemble des préoccupations civiques et militaires en rétablissant le civisme et la civilité ». Il leur paraît indispensable et urgent de constituer « une Force de réserve en l’absence d’une véritable Défense du territoire pour protéger les installations vitales face à de graves menaces intérieures ». Ils veulent mettre sur pied une « organisation répartie sur tout le territoire (!) pour disposer là où il le faut d’une « véritable Réserve opérationnelle entraînée, équipée ». On devrait bien entendu surmonter « quelques difficultés : l’encadrement, les locaux, l’infrastructure… » .
Car face aux défits de « l’hyper terrorisme », il nous faut réagir …!
On croit rêver me direz-vous ? Nous sommes fin Mai 2008. S’agirait-il d’un « retour à la case départ »
… Pas du tout : il s’agit en fait d’un phénomène normal qui fait que périodiquement, comme toutes les autres, la Politique de Défense doit être « reconsidérée ». La Situation ne se choisit pas … elle s’impose. Mais par contre « les circonstances » évoluent et doivent être examinées attentivement en fonction de l’actualité et de l’époque. Et tout particulièrement deux d’entre elles : le caractère d’urgence et l’état de l’opinion public. C’est par conséquent et le plus souvent en fonction de ces deux facteurs que l’on détermine « les moyens » … et la méthode.
Ainsi donc, moi qui me penche sur le phénomène depuis pas mal de temps, lorsque je replonge dans « mes archives », je retrouve ceci :
Juin 1996 : La PROFESSIONNALISATION
Au commencement était la Conscription, mais lorsque le PRESIDENT décida la Professionnalisation, les sages de l’Etat Major s’étant rassemblés, préparèrent la Refondation.
Mais cette Refondation apparut sans substance et les ténèbres voilèrent la face des Sergents. Ils rencontrèrent les Lieutenants, ils parlèrent entre eux et voici ce qu’ils disaient : « c’est un paquet de M…. et ça pue !!
Et voici donc que les Lieutenants se tournèrent vers les Capitaines et qu’ils leur dirent : « ceci est un tas d’excréments et oncques ne pourraient en défier l’odeur » ;
Et les Capitaines allèrent voir les Colonels et voici ce qu’ils leur dirent : « c’est un tas de Fumier et c’est puissant tant, que nul ne peut résister ».
Les Colonels se confièrent aux Responsables de l’Etat Major et leur dirent : « voici un vase d’Engrais dont nul ne saurait mesurer la Force. Nos Gens sont incommodés par l’Odeur … »
Les Responsables de l’Etat Major se présentèrent alors aux « communicants » du SIRPA pour leur dire : « ceci contient ce qui aide à la pousse des Plantes … et c’est très Fort ! ».
Les Spécialistes du SIRPA s’étant réunis découvrirent que cette Matière qui permettait la Croissance était très Puissante, que ceci dépassait l’entendement de la Piétaille … mais que l’Odeur passerait avec le temps.
Le Chef d’Etat Major put alors s’adresser au MINISTRE et lui rendre compte : « la Refondation est d’une telle Force qu’elle incommode la Base. Ceci démontre son efficacité. L’Odeur n’est pas perceptible à notre niveau … »
Le MINISTRE transmit au PRESIDENT qui considéra alors que la Refondation suivait son cours, qu’elle était bonne. La Professionnalisation devint la Règle.
… et c’est ainsi que les M…… arrivent !!
Juin 2002 … 6 ans plus tard !!
Et voici qu’en même temps que s’achevait le Septennat, la Refondation arrivait à son terme …
Le PRESIDENT s’inquiéta de ne plus entendre les cris de liesse qui avaient naguère accompagné l’annonce de la Professionnalisation. Il fit venir les Lieutenants et les Capitaines qui lui parlèrent de la « Décomposition de leur métier » et lui avouèrent qu’ils n’avaient jamais cessé d’être incommodés par l’odeur de la Réforme. Il prit le temps de leur dire qu’il s’agissait là d’une impression trompeuse et fausse, que tout ceci était naturel car « seul l’argent n’a pas d’odeur » …Il rencontra les Colonels et les Généraux … Ils évoquèrent l’évolution de la Situation géostratégique, la pérennité du « Concept », la faiblesse des Moyens et le Prix des équipements.
Le Ministre des Finances, consulté, confirma qu’il attendait toujours « les Dividendes de la Paix » … celles du Kosovo, de la Palestine, de l’Afghanistan … et bientôt dans nos Banlieues.
Les Spécialistes du Sirpa , devenu Dicod , lui confièrent leurs soucis de voir se relâcher les Liens « Armées-Nation » … malgré le succès sans cesse grandissant de la JAPD .
Les Sages, les Sociologues, les Consultants et les Penseurs lui affirmèrent que la Jeunesse manquait de Sens des Valeurs, de goût de l’Effort … de Discipline ! Il alla donc à la rencontre des Français et tout en serrant les mains , il apprit qu’ils s’inquiétaient de ne plus voir les Militaires intervenir à l’occasion des inondations , des incendies , des marées noires , des catastrophes naturelles et qu’ils souhaitaient même … en revoir dans les rues !
Alors le PRESIDENT sut qu’était venu le temps de concevoir un nouveau et grand Projet …Il fit venir son Ministre et ses Chefs d’Etat Major et leur dit ceci :
« Je veux donner un nouvel élan à notre Jeunesse. Il nous faut la mobiliser sur les thèmes porteurs de la Protection Civile, de l’Entretien du Patrimoine et même …de la Défense. Généreuse, disponible et motivée elle consentira sans nul doute et volontiers à consacrer du temps à son Pays. Elle retrouvera ainsi le chemin de la Citoyenneté dans un cadre propice à l’intégration culturelle et religieuse … »
Profitant qu’il reprenait son souffle en consultant son papier, le Ministre et ses conseillers militaires lui demandèrent comment il comptait baptiser cette Entreprise : Défondation ou … Recomposition ?
Le PRESIDENT en souriant leur dit :
« Ce Projet ambitieux et nouveau portera le nom de Service National ! »
Les Chefs d’Etat Major se sentirent un peu C… Mais ils avaient l’habitude et s’en accommodèrent très bien !!
… et « Armées d’Aujourd’hui » fut chargé, comme il se doit, de mettre tout ceci en musique !
Juin 2008 … 6 ans après ! (Nous y sommes)
Ce quinquennat avait un an … et voici qu’un nouveau « Livre blanc» allait paraître … aux alentours de la Fête nationale.
L’Armée de terre, conformément à sa mission, est « largement projetée » au Kosovo, au Liban, en Côte d’Ivoire et au Tchad. Le Chef de l’Etat vient de décider de l’impliquer davantage en Afghanistan pour aider nos alliés. Partout où on nous réclame, nous mettons généreusement nos FS en avant.
Les Lieutenants et les Capitaines, de plus en plus sollicités, doivent s’approvisionner en équipements dans des magasins spécialisés ou profiter des PX .
Au même titre que les autres administrations, l’Armée de terre devra se plier aux injonctions de la RGPP en rationnalisant son Organisation :
– 40 garnisons, plus particulièrement dans l’Est, vont être dissoutes,
– On prévoit une déflation de 24 000 hommes en 4 ans,
– Les Chars Leclerc « en excédent » seront stockés ou mieux encore … vendus.
L’Information, « externalisée », est confiée au quotidien « Libération » que les militaires peuvent consulter sur le Forum « Secret défense ».
Le CHEF des ARMEES décidait d’honorer les vétérans de Kolwézi ainsi que les familles des victimes des Opex qui étaient conviées (à leurs frais …) aux Invalides…. mais oubliait malencontreusement de les saluer en partant, mobilisé par une Cérémonie tout aussi urgente … mais plus familiale : Céline Dion recevait la Légion d’Honneur à l’Elysée en présence des siens et de quelques amis.
Le Général Thomann, ancien Chef du COFAT exprime son inquiétude dans les pages de « Valeurs actuelles »
… tandis que le CEMAT invite ses personnels à faire face avec confiance et détermination à de « nouveaux challenges ».
L’ancien Ministre des armées, s’occupe à « l’Intérieur » de la sécurité des manèges et du contrôle des chiens dangereux. La « Mamelon », devenue « garde champêtre » fait peine à voir
Et l’ancien « Chef des Amées » ? Tout va bien, merci pour lui : il vit à Paris, officie au Conseil Constitutionnel et est hébergé chez des amis libanais.
Et si nous commencions à imaginer Juin 2014 ?
Moralité :
Contrairement donc, à ce qu’affirme un adage bien connu : « les – – – – peuvent changer d’avis … ! » et même à six ans d’intervalle les c …..ies peuvent s’additionner.
Un Adjudant de Compagnie que j’ai beaucoup aimé avait coutume de dire à l’issue d’une journée éprouvante : « vivement la Guerre civile … que les Militaires se reposent ! ». Cette plaisanterie qui me faisait sourire à l’époque, bizarrement … ne m’amuse plus du tout.
… Et pourtant : Mieux vaut en rire !!
Mustapha BIDOCHON