CAS D’USAGE DES ARMES A FEU

Les conditions d’usage des armes par les militaires de la gendarmerie figurent dans des lois et règlements qui leur sont spécifiques et dans des textes applicables à l’ensemble des militaires des forces armées, ainsi que dans le code pénal.

 

Le régime spécifique aux militaires de la gendarmerie

 

Le droit accordé aux officiers et aux sous-officiers de gendarmerie de faire usage de leurs armes appartient à ce domaine d’exception.

Les règles spécifiques aux militaires de la gendarmerie sont incluses dans le Code de la Défense et le décret organique du 20 mai 1903.

 

     1)      Le Code de la Défense :

 

L’Article L 2338-3 du code de la défense précise les conditions d’usage des armes spécifiques aux officiers et aux sous-officiers de gendarmerie.

 

 » Les officiers et sous-officiers de gendarmerie ne peuvent, en l’absence de l’autorité judiciaire ou administrative, déployer la force armée que dans les cas suivants :

   1)      lorsque des violences ou des voies de fait sont exercées contre eux ou lorsqu’ils sont menacés par des individus armés ;

   2)       lorsqu’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent, les postes ou les personnes qui leur sont confiés ou, enfin, si la résistance est telle qu’elle ne puisse être vaincue que par la force des armes ;

   3)      lorsque les personnes invitées à s’arrêter par des appels répétés de  » Halte gendarmerie  » faits à haute voix cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations et ne peuvent être contraintes de s’arrêter que par l’usage des armes ;

   4)      lorsqu’ils ne peuvent immobiliser autrement les véhicules, embarcations ou autres moyens de transport dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt.

Ils sont également autorisés à faire usage de tous engins ou moyens appropriés tels que herses, hérissons, câbles, pour immobiliser les moyens de transport quand les conducteurs ne s’arrêtent pas à leurs sommations « .

2)      Le décret organique du 20 mai 1903

Il reproduit les conditions spécifiques citées supra dans son article 174 et précise, dans son article 280, les conditions d’usage des armes applicables aux tentatives d’évasion ou de rébellion de prisonniers.

            Article 280 :

 

«  Dans le cas où il y a rébellion de la part des prisonniers ou tentative d’évasion, le commandant de l’escorte, dont les armes doivent être toujours chargées, leur enjoint de rentrer dans l’ordre par les mots :  » Halte ou je fais feu « . Si cette injonction n’est pas écoutée, la force des armes est déployée à l’instant même pour contenir les fuyards ou les révoltés ».

 

Le champ d’application de l’article 280 porte sur les personnes détenues en vertu d’une décision de justice, exclusivement. Les personnes placées en garde à vue n’entrent pas dans le champ d’application de cet article.

 3)      Les règles d’application

L’application des règles spécifiques aux militaires de la gendarmerie appelle toutefois des précisions tenant :

– à la qualité des militaires appelés à utiliser leur arme ;

– à l’action en uniforme ;

– au respect du principe d’absolue nécessité ;

– aux sommations qui précèdent le tir.

 

      a.  Distinction entre les officiers, les sous-officiers et les autres militaires de la gendarmerie

Sous réserve d’avoir prêté serment, seuls les officiers et les sous-officiers de gendarmerie peuvent faire usage de leurs armes dans les conditions prévues par les textes précités.

      b.   L’action en uniforme

Conformément à l’article 96 du décret organique du 20 mai 1903, l’action de la gendarmerie s’exerce en tenue militaire.

 

Dans les cas où le port de la tenue civile est expressément autorisé – exercice de la police judiciaire, lutte contre l’insécurité routière – les armes ne peuvent être utilisées par les militaires de la gendarmerie que dans les conditions de la légitime défense.

 

Dans le cadre de l’escorte de détenus, lorsque la tenue civile est expressément prescrite par le magistrat en application de l’article D 426 du code de procédure pénale, les gendarmes peuvent faire usage de leurs armes sur le fondement de l’article 280 du décret du 20 mai 1903.

 

      c.   L’absolue nécessité

Hormis l’état de légitime défense dans lequel l’usage des armes doit être strictement nécessaire et proportionné, les militaires de la gendarmerie ne peuvent faire usage de leurs armes, en application des règles prévues par le code de la Défense ou le décret organique, qu’en raison d’une absolue nécessité. Cette exigence est affirmée par l’article 2.2 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales. L’usage des armes ne peut donc se concevoir qu’à défaut de tout autre moyen permettant d’arrêter un fuyard ou  d’immobiliser un véhicule.

 

Cette règle s’ajoute aux conditions imposées par la circulaire ministérielle, qui prévoit que l’usage des armes ne peut s’exercer qu’à l’encontre de personnes dont la fuite caractérisée est précédée ou accompagnée d’éléments généraux ou particuliers, qui établissent ou font présumer leur participation à un crime ou à un délit grave.

 

     d.  Les sommations

Dans les cas prévus par l’article L 2338-3 du code de la défense, l’article 280 du décret organique du 20 mai 1903 ou l’article 4 du décret du 25 octobre 2005 (JO du 27-10-2005 p. 16932) relatif aux zones de défense hautement sensibles, les militaires de la gendarmerie doivent, préalablement à l’usage des armes, procéder à des sommations par des appels à haute voix, pour rendre la personne à appréhender consciente du risque qu’elle encourt en refusant d’obtempérer aux injonctions.

 

« Halte Gendarmerie » (article L 2338-3)

« Halte ou je fais feu » (article 280 du décret organique et article 4 du projet de décret relatif aux zones de défense hautement sensibles).

 

Lorsqu’ils ne parviennent pas à se faire entendre par un appel à haute voix, les militaires procèdent aux sommations par tout autre moyen permettant de signifier sans ambiguïté l’ordre d’arrêt.

 

Le régime commun à l’ensemble des forces armées

 

 L’article 17 de la loi portant statut général des militaires prévoit les conditions d’usage des armes par les militaires, des trois armées et de la gendarmerie, assurant la protection des zones de défense hautement sensibles ou engagés en opérations militaires à l’extérieur du territoire

Français.

 

«  Outre les cas de légitime défense, n’est pas pénalement responsable le militaire qui déploie, après sommations, la force armée absolument nécessaire pour empêcher ou interrompre toute intrusion dans une zone de défense hautement sensible et procéder à l’arrestation de l’auteur de cette intrusion.

Constitue une zone de défense hautement sensible la zone définie par le ministre de la défense à l’intérieur de laquelle sont implantés ou stationnés des biens militaires dont la perte ou la destruction serait susceptible de causer de très graves dommages à la population, ou mettrait en cause les intérêts vitaux de la défense nationale.

Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application des alinéas précédents. Il détermine les conditions dans lesquelles sont définies les zones de défense hautement sensibles, les conditions de délivrance des autorisations d’y pénétrer et les modalités de leur protection. Il précise les modalités des sommations auxquelles procède le militaire.

N’est pas pénalement responsable le militaire qui, dans le respect des règles du droit international et dans le cadre d’une opération militaire se déroulant à l’extérieur du territoire français, exerce des mesures de coercition ou fait usage de la force armée, ou en donne l’ordre, lorsque cela est nécessaire à l’accomplissement de sa mission ».

 

Article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales :

 

«  Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.

La mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans le cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire :

 

– pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ;

– pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue ;

– pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection ». 

 

Article 4 du décret du 25 octobre 2005, relatif aux zones de défense hautement sensibles

 

 » Dans le cas d’une intrusion ou d’une tentative d’intrusion d’un ou de plusieurs individus au sein d’une zone de défense hautement sensible, hormis les cas de légitime défense, le militaire chargé de la protection doit, pour faire cesser cette action, avant de faire usage de son arme, procéder aux sommations suivantes :

1) il annonce son intention d’empêcher ou d’interrompre l’intrusion en énonçant à voix haute :  » Halte  » ;

2) il procède à une deuxième sommation, si le ou les individus n’obtempèrent pas, en énonçant à voix haute :  » Halte ou je fais feu  » ;

3) il procède à une troisième et dernière sommation, si le ou les individus n’obtempèrent pas à la deuxième sommation, en énonçant à voix haute :  »  Dernière sommation : halte ou je fais feu « .

Lorsque le militaire intervient avec un chien, la deuxième et la troisième sommation sont remplacées par la suivante :  » halte, attention au chien « . Dans tous les cas, il ne doit être fait usage que de la force armée absolument nécessaire « .

 

La légitime défense

 

L’article 122-5 du code pénal prévoit les conditions de la légitime défense. Il est applicable par l’ensemble des militaires, des fonctionnaires et des agents de sécurité privés, porteurs d’armes en service.

« N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte.

N’est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu’un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l’infraction ».

 

 

Les règles de sécurité communes

 

L’utilisation des armes à feu exige le respect absolu de règles de sécurité et de manipulation, destinées à prévenir les accidents et à ne pas faire courir aux militaires, comme aux tiers, de risques hors de proportion avec l’objectif recherché.

 

La manipulation d’une arme à feu doit s’effectuer dans le respect absolu des cinq règles fondamentales suivantes :

1. toute arme est à considérer comme étant chargée et aucune manipulation ne peut en être faite sans avoir préalablement procédé aux opérations de sécurité ;

2. la manipulation d’une arme est exclusive de toute autre action exécutée de façon simultanée par les militaires (dès lors que ceux-ci portent une arme à la main, ils ne peuvent en aucun cas, sauf s’ils ont reçu un entraînement spécifique les y préparant, procéder à des opérations de contrôle des personnes, qu’il s’agisse de l’examen de documents ou de palpations ; ils ne peuvent pas davantage conduire un véhicule) ;

3. le pointage d’une arme à feu vers un objectif ne peut intervenir qu’à la condition que celui-ci soit identifié de façon certaine et puisse être isolé de son environnement, le tir devant être appliqué sans faire courir de danger aux personnes situées à proximité ;

4. tant que la décision de tirer n’est pas prise, l’arme à feu est à maintenir en  » position de contact  » – pointée en direction de la menace, l’axe du canon sous l’horizontale, l’index le long de la boîte de culasse, sans contact avec la détente – à l’exception des fusils de précision et des armes automatiques utilisées pour l’appui à distance ;

5. au départ et au retour de service, ainsi qu’à l’issue d’un tir, consécutif ou non à un incident de manipulation, les opérations de sécurité sont effectuées sans délai à l’aide d’un tube à sable ou, à défaut de cet équipement, dans une direction non dangereuse.

  

La discipline du feu

 

S’il appartient à chaque militaire d’apprécier individuellement et suivant les circonstances la nécessité de faire usage de son arme, il est de la responsabilité de tout chef d’un dispositif (chef de patrouille, chef de poste, chef de barrage…) de donner les ordres préparatoires et de commander ses subordonnés pendant l’action.

Lorsque le feu est ouvert, quelles qu’en soient les conditions, le chef du dispositif doit être en mesure de faire cesser le tir immédiatement. Quelles que soient les circonstances, chaque militaire doit maîtriser son tir. La consommation en munitions doit être strictement limitée à la nécessité immédiate de l’action.

Tout usage des armes par les militaires de la gendarmerie doit faire impérativement l’objet d’un procès-verbal de renseignement judiciaire.

Les présentes règles d’emploi de l’armement, dont les fondements légaux ont été récemment réaffirmés dans le code de la défense, constituent le socle juridique sur lequel s’appuie le dispositif de formation à l’usage des armes à feu.

Il appartient à chaque échelon de commandement de contrôler en permanence que ces règles sont assimilées et appliquées.

 

 

 

Lire également : 

 

–  Usage des armes par une militaire de la Gendarmerie Nationale

Message de Michèle ALLIOT MARIE, ministre de l’Intérieur, de l’Outre -Mer et des Collectivités Territoriales aux militaires de la gendarmerie.

 

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