(Article paru le mercredi 3 janvier 2007 dans Le Canard enchaîné n° 4497 et reproduit avec l’autorisation de son auteur)
ALLIOT-MARIE n’a cessé de le claironner :« Les femmes ont toute leur place dans la Défense (…).Aujourd’hui, nos armées pratiquent une totale égalité de traitement. » Et le service de communication du ministère a annoncé en fanfare, en décembre, la nomination de la première femme « colonelle » de gendarmerie. A la télé, ça passe bien. Sur le terrain, pour les 13,2% de militaires du deuxième sexe, la réalité est parfois moins glorieuse.
En témoigne le traitement particulièrement jovial dont ont bénéficié récemment trois jeunes femmes. La première, Maureen B.., est lieutenant, officier sous contrat (une sorte de CDD), affectée dans un bureau de l’état-major à Metz. Après une grossesse difficile qui l’oblige à se mettre en arrêt-maladie prolongé, elle aggrave encore son cas en réclamant un congé parental d’éducation. Refus. Son contrat n’a pas été renouvelé, et la dame a été priée d’aller pouponner ailleurs. MAM restant sourde à ses courriers, elle s’est tournée vers le Conseil d’Etat qui lui a donné raison. Les magistrats de la section Contentieux ont ordonné au ministère d’examiner à nouveau sa demande de réintégration et ont condamné le ministère à payer les frais de justice. Mais pas question de capituler devant un jupon. La demande de la jeune femme a été encore une fois retoquée, début novembre. Les lois sociales s’arrêtent à la porte de la caserne.
Pour cette engagée volontaire qui échoue à 20 ans au 17ème régiment du génie parachutiste, c’est carrément la loi tout court qui a fait défaut. Pour des raisons médicales qu’elle a tardé à faire connaître, elle a du être rapatriée sanitaire lors d’une opération à l’étranger. Ce qui a beaucoup agacé ses chefs. Faute de pouvoir s’en débarrasser en rompant son contrat, la hiérarchie a contre attaqué en voulant la faire réformer. Et le médecin-chef, pour charger la barque, n’a pas hésité à écrire en toutes lettres dans son rapport cette délicate appréciation : « Homosexualité clairement affichée ». Or toute mention de l’« orientation sexuelle » de quelqu’un constitue, depuis 2003, un délit.
Enfin, il y a le cas de cette jeune engagée des pompiers de Paris qui, jusqu’en octobre, travaillait à l’état-major au service médical d’urgence. La récente promotion dont elle venait de bénéficier a déclenché une désopilante riposte de ses collègues masculins, jaloux. Lesquels ont effectué, avec sa photo d’identité, plusieurs montages pornos qu’ils ont aimablement laissé traîner près de la machine à café. Secouée, la jeune femme a porté plainte pour « atteinte à la vie privée ». En guise de réconfort, elle a été mutée en banlieue, non sans avoir été convoquée par son général, dans le civil époux de l’héroïne du « Rainbow-Warrior », qui l’a ainsi accueillie : « Est-ce que cette affaire ne serait pas justifiée, après tout ? Ne seriez-vous pas une fille facile ? »
Au feu !
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EXTRAIT de la lettre N° 8855/DEF/EMAT/CAB/CEMAT du 1er décembre 2006
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