Question écrite N° 68592 de M. Lengagne Guy ( Radical, Citoyen et Vert – Pas-de-Calais ) publiée au JO le 12/11/2001 page 6394.
M. Guy Lengagne attire l’attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les réticences croissantes de la population française à l’égard d’un éventuel engagement direct de la France dans les opérations militaires menées en Afghanistan par les forces armées américaines et britanniques. De façon générale, les Français redoutent que les bombardements et les attaques menées à terre ne produisent un effet exactement inverse à l’objectif recherché, qui est la capture de Ben Laden et l’éradication du terrorisme.
En effet, l’opinion mondiale est sensible à la douleur des populations civiles innocentes et elle est juge de l’adéquation des moyens aux fins poursuivies. A cet égard, le risque est grand, en accablant davantage encore les Afghans, de faire de Oussama Ben Laden un héros. La politique américaine doit être jaugée à l’aune de ses résultats et il serait regrettable que le prétendu « choc des civilisations » serve de grille d’interprétation aux événements actuels. Il lui demande de bien vouloir lui faire part de ses réactions. .
Réponse publiée au JO le 07/01/2002 page 41.
Le soutien de la France à l’action engagée par les Etats-Unis en Afghanistan se fonde sur le droit de légitime défense, rappelé par la résolution 1378 du Conseil de sécurité, pour éliminer Al-Qaida et tous les autres soutiens dont dispose le terrorisme international sur le territoire afghan. Le Président de la République a indiqué le 16 novembre que cette action militaire se poursuivrait jusqu’à l’élimination du coeur du réseau Ben Laden.
Il a également affirmé à cette occasion qu’une solution politique passait nécessairement par les Nations unies et devait s’accompagner d’un effort de solidarité et d’un règlement au Proche-Orient. Le Premier ministre a annoncé le 21 novembre un renforcement de la contribution française à l’effort entrepris par la coalition internationale. Le porte-avions Charles-de-Gaulle accompagné d’un groupe aéronaval, a été envoyé dans l’océan Indien. La mission de ce groupe sera de soutenir les actions terrestres en Afghanistan et de prendre part à la surveillance maritime de la zone pour éviter une exfiltration de terroristes par voie de mer. Six Mirages 2000D et deux C 135 seront en outre déployés en Asie centrale. Le Tadjikistan et le Kirghizistan ont donné leur accord pour l’utilisation de bases par les avions de combat français. Lors du conseil ministériel de l’OTAN du 6 décembre, le ministre des affaires étrangères a rappelé la solidarité de la France avec les Etats-Unis, qui s’est traduite, sur la base de la résolution 1378 du Conseil de sécurité, par une présence militaire en appui de l’opération conduite par les Américains, par le déploiement de navires dans l’océan Indien, par l’envoi d’avions de reconnaissance et par l’envoi de troupes pour la sécurisation de l’aide humanitaire.
Le Premier ministre a déclaré le 12 décembre à l’Assemblée nationale que la France, sollicitée par le secrétaire général des Nations unies, est prête à s’engager dans une force multinationale de sécurité. Le mandat de cette force sera arrêté précisément par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. Avec l’accord des nouvelles autorités afghanes, cette force aurait pour mission d’assurer la sécurité des structures politiques et administratives nouvelles mises en place en Afghanistan et des organisations internationales présentes à Kaboul. Cette mission aurait une durée courte, de quelques mois. Mandatée par les Nations unies, elle serait commandée par une structure ad hoc, en coordination avec les structures de commandement américaines dans le cadre de l’opération contre Al-Qaida.
La France est prête à assumer ses responsabilités en déployant des unités spécialisées, immédiatement disponibles, pour participer à la sécurité des personnes et à la protection des bâtiments de la nouvelle administration à Kaboul. La France propose, d’autre part, de contribuer à la nécessaire protection et à l’appui de la force multinationale par ses avions de combat, soit ceux du groupe aéronaval, soit ceux qu’elle s’apprête à déployer en Asie centrale. Elle est également disposée à s’associer à la formation d’équipes afghanes qui se spécialiseraient dans les opérations de déminage. Elle pourrait enfin participer, dans des conditions à définir, avec ses alliés et partenaires, notamment européens, à la formation future des armées afghanes, si cela est souhaité. Parallèlement, consciente de la nécessité d’améliorer le sort des populations civiles afghanes, la France a fait de son action dans ce domaine une priorité.
Elle a été le premier pays à présenter, dès le 1er octobre, un plan d’action qui a intégré, en plus d’une approche politique, des volets relatifs à l’action humanitaire et la nécessaire reconstruction de l’Afghanistan. Ce plan a été enrichi le 19 novembre en tenant compte des orientations retenues par ses partenaires de l’Union européenne et de réactions enregistrées auprès d’autres pays. A court terme, la contribution française à l’aide humanitaire s’élèvera à 208 MF à titre bilatéral, auxquels s’ajouteront 64 MF au niveau européen. Elle est composée notamment d’une importante aide alimentaire, dont une première partie est en cours d’acheminement, et de subventions à des projets d’organisations non gouvernementales présentes en Afghanistan.
Un contingent français a été prépositionné en novembre sur la base de Karchi-Khanabad, en Ouzbékistan sa mission est de participer à la sécurisation de l’aéroport de Mazar-e-Charif pour assurer l’acheminement de l’aide dans les régions du nord de l’Afghanistan. Un détachement avancé de 50 soldats français est arrivé à Mazar-e-Charif, et il devrait être prochainement renforcé.
L’intégralité de l’aide française (31 tonnes) arrivée en novembre en Ouzbékistan a été transférée par des barges à travers l’Amou-Daria vers l’Afghanistan. Une aide d’urgence comprenant 33 tonnes de médicaments et de matériel médical, destinée aux hôpitaux de Kaboul (11,5 tonnes), en particulier celui d’Aliabad, et à sept organisations non gouvernementales françaises (21,5 tonnes), est récemment arrivée par avion à Kaboul. Pour le moyen et long le terme, le gouvernement français a marqué sa détermination à apporter sa contribution aux efforts de reconstruction de l’Afghanistan.
Lors de la conférence de Washington, le 20 novembre, la France a oeuvré en faveur de l’attribution à l’Union européenne de l’une des quatre coprésidences du comité de pilotage alors instauré pour la reconstruction de l’Afghanistan. La mobilisation de l’expertise qui pourrait être apportée par la France à la reconstruction dans ce pays a été engagée. Plusieurs domaines d’action ont d’ores et déjà été identifiés : développement agricole, éducation, santé, patrimoine, déminage et condition féminine.
A l’initiative du ministre des affaires étrangères, une Journée Afghanistan a été organisée le 4 décembre, qui a permis un débat fructueux entre participants des secteurs public et privé. Une mission française s’est rendue à Kaboul pour évaluer la situation dans le domaine hospitalier. Le ministre délégué à la coopération et à la francophonie a également rendu visite, à Kaboul, aux responsables de l’administration intérimaire afghane, désignés lors de la signature de l’accord de Bonn, le 5 décembre dernier, pour s’enquérir des contributions que la France pourrait apporter à l’oeuvre de reconstruction dont ils auront la charge.