ASSOCIATION DE DEFENSE
DES DROITS DES MILITAIRES
Association loi de 1901 fondée le 12 avril 2001
Membre d’Euromil en 2004 Pont Sainte Maxence, le 7 décembre 2004
Siège social :
14, rue Fould Stern 60700 Pont Sainte Maxence
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Monsieur le Député,
Dans les prochains jours, vous allez être amené à vous prononcer sur le projet n° 1741 relatif au statut général des militaires.
A l’origine, et selon les voeux même du Président de la République, cette loi répond à une triple nécessité :
Réévaluer l’utilité des sujétions archaïques qui pèsent encore sur le seul soldat français, à l’aulne des évolutions sociales et sociétales nationales et européennes. S’inscrire résolument dans le cadre normatif du citoyen européen en cohérence avec nos ambitions déclarées en matière de Défense de l’Europe et de participation à des actions multinationales. Assurer l’attractivité de la carrière militaire vis à vis d’une classe d’âge qui va se trouver fortement sollicitée par le renouvellement des effectifs de la fonction publique civile.
Hélas, la volonté de conserver des principes éculés de commandement, dont nous restons les derniers promoteurs en Europe, obère considérablement, à ce jour, les rattrapages envisagés. Ce carcan "historique" sous lequel ploie le citoyen en uniforme français ne peut être conservé sans conséquence sur le recrutement, et donc l’avenir des forces armées. Il peut même être à l’origine de graves dysfonctionnements de l’outil militaire désormais entièrement professionnalisé. Car l’abandon de la conscription a fondamentalement modifié l’essence même de l’armée française. Ce n’est donc pas en maintenant le soldat professionnel dans une condition éloignée de celle de la fonction publique civile et des autres citoyens que l’on rendra la carrière militaire attractive. De même, écarter, sans véritable examen l’idée d’une représentativité élue de la collectivité militaire, c’est créer les conditions de mouvements sociaux imprévisibles comme la manifestation des gendarmes en uniforme en 2001 l’a bien montré.
C’est pourquoi, l’ADEFDROMIL, association de défense des droits des militaires, membre d’Euromil et qui revendique plusieurs milliers d’adhérents, toutes armées confondues souhaite aujourd’hui vous faire part de ses préoccupations. Celles-ci ne s’inscrivent pas dans un esprit de lutte des classes qui opposerait les officiers au reste de la troupe ou dans celui de contestation de l’autorité et de la hiérarchie, mais bien dans le véritable souci d’améliorer la condition des hommes en armes et de contribuer ainsi à rendre l’armée de la Nation plus performante.
UNE METHODE DE CONCERTATION PREPARATOIRE AU PROJET INACCEPTABLE.
Tout d’abord, il nous apparaît que la méthode de concertation préparatoire à ce projet est inacceptable. En effet, la commission présidée par M. Renaux Denoix de Saint Marc représente avant tout la haute hiérarchie militaire animée par un conservatisme naturel. Les personnalités civiles consultées ont toutes, sauf exception un grade d’officier de réserve. Mais surtout, aucune association de militaires d’active comme la nôtre, de retraités ou d’anciens élèves d’écoles militaires n’a été consultée. Les avis qu’elle a pu donner nous semble donc manquer sérieusement de légitimité.
LE MAINTIEN DU MILITAIRE EN MARGE DE LA VIE DE LA CITE.
En matière d’exercice des droits civiques, les interdits du projet de texte soumis à votre attention restent strictement identiques à ceux de la loi 72-662 du 13 juillet 1972.
Pas plus qu’hier le citoyen en uniforme ne pourra exercer un mandat électif local sans quitter son emploi, ce qui participe à l’isolement que l’on prétend rompre, et constitue une intolérable discrimination. Pas plus qu’hier, le citoyen en uniforme ne pourra s’engager dans la politique et y exercer des responsabilités sans être contraint d’abandonner son emploi et le revenu accessoire. Pas plus qu’hier, le citoyen en uniforme ne pourra, comme l’y autorisent les conventions internationales, la constitution française et la future constitution européenne, s’associer pour créer avec d’autres des groupements professionnels en vue de défendre ses intérêts.
Nous demeurons figés dans le dogme selon lequel la prohibition des droits civiques des soldats conditionne l’efficacité des forces armées. Nos chefs militaires admettent ainsi, en contradiction avec leur prétention à diriger une force multinationale, une réelle incompétence à commander autre chose qu’une troupe ficelée dans une gangue d’interdits.
LA PERENNITE D’UN REGIME DISCIPLINAIRE DEROGATOIRE.
C’est au niveau de l’arsenal punitif, et non sans cynisme, que le projet exprime le mieux son prétendu souci de la modernité. Des sanctions pécuniaires, par retrait de rémunération, s’ajoutent aux doubles ou triples peines, dont les arrêts privatifs de la liberté d’aller et de venir. Toutes ces punitions demeurent sans équivalents dans la fonction publique civiles et resteront du seul ressort de l’autorité immédiatement supérieure, toujours sans possibilité de recours à un défenseur. Le principe archaïque de l’enfermement immédiat et préventif est lui aussi prorogé.
DE PRETENDUES AVANCEES SOCIALES .
Au plan des garanties nouvelles, les "avancées sociales" que l’on vous propose d’agréer, sont dérisoires et se limitent à l’application de la jurisprudence relative à la responsabilité de l’employeur vis-à-vis de ses agents expatriés. Le travailleur militaire ne bénéficiera toujours pas du principe de présomption d’imputabilité des maladies professionnelles et il est évident que cette spécificité continuera à placer la sécurité des conditions de travail à l’arrière plan des préoccupations matérielles et institutionnelles.
En matière d’instances de concertation, le gouvernement ne vous suggère qu’un replâtrage de l’existant. En particulier, on continue de refuser aux militaires une représentativité résultant de l’élection. L’absence de contre pouvoir proroge le pouvoir absolu et sans contrôle a priori dans des domaines qui n’ont aucun rapport avec l’efficacité des armes.
Pourtant, sans élection démocratique, l’immunité des représentants des différentes catégories de militaires n’est pas assurée. Ils seront toujours susceptibles de perdre leur "mandat" sur simple mutation dans l’intérêt opportun du service.
On ne leur accorde aucune disponibilité particulière et la plupart d’entre eux ont une connaissance insuffisante des statuts et du fonctionnement des rouages de l’état pour remplir correctement le rôle qui leur est assigné.
Le récent avis favorable rendu à l’unanimité par le Conseil Supérieur de la Fonction Militaire sur le projet, alors que son compte rendu fait discrètement état de plusieurs observations négatives sur un certain nombre des propositions, illustre parfaitement la situation actuelle de la concertation dans les armées.
Monsieur le Député, il n’est pas trop tard pour amender ce texte et faire en sorte que le militaire devienne un citoyen à part entière, dont seuls quelques droits doivent être réglementés comme il en est pour les magistrats ou les policiers.
A défaut, il est à craindre que les vraies adaptations de la condition militaire au 21ème siècle n’interviennent sous la pression des événements.
Le cas échéant, il vous appartiendra aussi de demander, avec d’autres parlementaires, le contrôle de la constitutionnalité de la nouvelle loi et notamment des interdits séculaires qu’aucun péril imminent ne justifie à titre permanent.
Alors ainsi modernisé, le statut général de la fonction publique militaire pourrait effectivement :
supprimer les dispositions anachroniques en matière de droits civils et politiques; favoriser la participation des militaires à la vie de la cité; rénover le régime des sanctions; poser les bases d’une modernisation des instances de concertation; garantir le droit d’expression; permettre aux armées de relever les défis des prochaines décennies…
Dans l’immédiat, ces objectifs avancés par le gouvernement à l’appui de son texte relèvent plus de l’effet d’annonce que d’une réalité objective.
Notre association reste à votre disposition pour vous apporter l’aide que vous estimeriez nécessaire.
Je vous prie d’agréer, monsieur le Député, l’expression de ma considération la plus distinguée.
Michel Bavoil
Président de l’ADEFDROMIL
Lire aussi :
– Le discours de monsieur Jacques Chirac, président de la République, à l’occasion de la réception du Conseil Supérieur de la fonction Militaire (lundi 13 décembre 2004).