Les Troupes Françaises n’ont vraiment pas le moral

Les troupes ne cherchent pas récompenses verbales, félicitations ou médailles – ces dernières ayant perdues leur signification et valeur, surtout aux yeux des anciens.

Nous ne travaillons plus à « flux tendu » mais tiraillés entre des missions toutes plus prioritaires les unes que les autres, mais pas plus valorisantes, enrichissantes voire épanouissantes les unes que les autres.

On ne dispose plus de formation : comment dire à un adjudant de 13 ans de service de faire un travail via l’informatique alors qu’il n’a jamais touché un clavier ? Pourquoi – inconsciemment avoué – sommes-nous sensés avoir la science infuse ? Il n’y a plus de temps pour la formation et l’hémorragie du savoir s’accélère. J’aimerai bien connaître la proportion d’anciens officiers/sous-officiers qui quittent et quitteront encore les rangs par démotivation. On peut à mon humble avis, on peut aisément estimer qu’au moins la moitié des cadres de l’armée de terre quitteront les rangs d’ici trois ans s’il n’y a pas de véritable réforme, et ce ne sont pas les plus mauvais, loin de là même.

Alors d’où peut donc venir ce malaise ?

C’est simple, inadéquation des DUO : en fonction de la charge et du travail. Quelle est-elle en moyenne annuelle : 15% en OPEX (Opération Extérieure : en dehors des frontières NdlR), 15% en permission, 5% d’astreinte, 10% en manoeuvres diverses et services variés, 5% en stages BSTAT, OAEA et autres, donc 50% (grand max) de présence au régiment. Pour fonctionner, il faudrait au moins 100% en poste en permanence.
Donc une personne fait le travail de deux.

Mais en plus : il faut se justifier en permanence, il y a de plus en plus de nouvelles normes, de modifications dans le fonctionnement, d’additifs et de corrections dans le système.
Donc une personne fait le travail de trois.

Seulement, il n’y a plus d’appelé et le travail qu’ils assumaient existait bien et s’avérait nécessaire, arrêtons de nous voiler la face. On a voulu augmenter le taux d’encadrement, bien : demandez-vous au sergent-chef de balayer ? à l’adjudant de ranger la fourre ?
Donc une personne fait le travail de quatre.

Mais dans ce cas, où sont les priorités ? Plus le temps d’y réfléchir, faut faire au mieux. Dans ce cas, plus le temps de la formation, donc on travaille sur des archives, qui ne sont plus à jour puisqu’on n’a plus le temps d’archiver. Donc on ne s’y retrouve plus de suite et on perd plus de temps mais il faut déjà se re-justifier alors que l’on vient de recevoir la mission suivante …

Donc le travail n’est plus valorisant, ni enrichissant mais plutôt démotivant et pénible. En conclusion, on ne fait plus rien …

Pourquoi se justifier en terme « horaire » plutôt qu’en terme de mission, de contrat, de rendez-vous sur objectif ? Comment expliquer à une nouvelle recrue la notion d’astreinte si d’un autre côté on dit à une autre qu’il est interdit de séjour au régiment en dehors des heures « ouvrées » ?

Pourquoi donc créer un lien armée/Nation ?

Actuellement on banalise le militaire qui se sent réduit. Actuellement on lui demande des missions pour lesquelles il n’est pas armé. Actuellement il ne peut apporter ni stabilité, ni assise financière, ni assurance de carrière. Croyez-vous que l’on renforce le lien armée/Nation en exposant le militaire comme un citoyen déguisé en costume bariolé délavé ?

Ne croyez-vous pas que c’est justement par une armée qui est plus détachée qu’auparavant qu’on pourra redevenir opérationnel ? Sans avoir à se justifier, avec une mission, je dis bien une mission, clairement définie et un rendez-vous sur objectif ? Si l’on veut pouvoir opérer dans des mondes différents avec des cultures différentes, il faut un entraînement spécifique, une cohésion, une foi en sa vocation.

C’est justement en assurant au militaire une indépendance vis-à-vis de la Nation qu’il s’épanouira, apparaîtra grandit et sera apprécié et adulé. L’argent est le nerf des nerfs, le nerf de la guerre et de l’économie et de la stabilité émotionnelle dans notre société individualiste.
Quand on ne côtoie pas quelqu’un : on est curieux, on l’estime.

Indépendance temporelle : quel est le problème qu’une unité soit en quartier libre un jour de semaine si elle compense une mission de la veille ?

Indépendance financière : de manière à ne pas avoir à compter en permanence.

On a parlé de surchauffe puis de fatigue puis … tout semble s’être amélioré : on arrive au bout du gué. C’est l’illusion, le mirage qui masque l’état du navire ; ça sent l’écurie, on ne se sent plus.
Je ne sais pas où l’on va, mais on n’y va. Le brouillard s’épaissit et les freins chauffent dans cette descente périlleuse où la chaussée est de plus en plus glissante : le mouvement s’accélère et le moindre souci ou imprévu nous promet une sortie de route retentissante.
Mais à quoi bon : « circulez il n’y a rien à voir » on s’en remettra.
A bon entendeur, Salut.

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