Le Statut «général»

Selon le dictionnaire Robert de1977, le Statut est défini comme, les « textes qui règlent la situation d’un groupe », définition qui convient fort bien au statut des militaires.

Partant de là, essayons de voir clair ou peut-être un peu plus clair.

Nous sommes en 1834! Eh oui, lorsque paraît, le 19 mai 1834, la loi sur l’état des officiers qui, selon l’article n°24  est « déclarée commune aux deux services de terre et de mer », c’est à dire est « applicable aux officiers des troupes de la marine et aux officiers entretenus des autres corps de ce département ».

L’article 26 ajoute que «  les dispositions de la loi sont applicables au corps de l’intendance militaire, aux officiers de santé des armées de terre et de mer, à ceux de l’administration des hôpitaux et aux agents du service de l’habillement et du campement ». Pour éviter des omissions, sources de conflits, on précise le champ d’application.

Notons le bien, cette loi sur l’état des officiers n’est applicable qu’aux officiers des deux armées : Terre et Mer, c’est déjà beaucoup, à l’époque, que le même  texte soit applicable aux deux ministères!

Il n’est pas question de sous-officier ! La Marine pense sans doute à raison que pour faire « marcher » un bateau, à voile ou à vapeur, elle a besoin de sous-officiers dits « officiers mariniers » depuis au moins 1896. ((En effet, l’article 16 de la loi du 9 juin 1896 dispose que : « les adjudants principaux et les pilotins majors… ; les dispositions de la loi du 19 mai 1834 leur sont applicables»))

Alors comment fait-on pour les sous-officiers même si la Marine les dit « officiers » ? La Marine règle  le problème dès 1896, mais l’armée de terre qui a un énorme besoin de sous-officiers pour encadrer ses nombreuses unités devra attendre l’année 1928 pour obtenir une loi sur les SOC (sous-officiers de carrière).

Le portail des sous-marins rappelle l’origine de cette affaire en présentant le nouveau statut applicable à/c du 1er janvier 2009, car il y a toujours des statuts particuliers, (annexe)

Le rapport Sénac de 1935 commence par réfuter les arguments en faveur de l’armée de métier (nous ne pouvons le reproduire en annexe mais nous l’avons lu de A à Z) (( il en est de même pour les rapports Bernier, le Theule et tant d’autres…))

Même aujourd’hui, en 2010, il ne semble pas exagéré de dire que la plupart des cadres militaires ignorent à peu près tout de leur statut, alors parler du statut de 1834 en 2010 est antédiluvien. Et pourtant, il faut partir de là, de 1834.

Le statut, comme indiqué dans le petit Robert 1977, est donc un ensemble de règles qui déterminent pour une catégorie d’agents les éléments de sa situation juridique par rapport à l’administration au service de laquelle l’agent se trouve.

Sans rentrer dans des discussions à caractère plus ou moins juridique ou philosophique, rappelons que la loi de 1834 ne concerne que les officiers. Les sous-officiers en sont exclus et a fortiori la base c’est à dire ceux qui portent le sac sur le dos (c’est sans doute pourquoi on caractérise la loi de recrutement de 1889 comme la loi du « curé sac au dos »).

La loi de mai 1834 fut vraiment une nouveauté ! C’est le premier (à notre modeste connaissance) texte législatif qui donne en France un statut véritable à une catégorie d’agents de l’Etat.

Ce premier texte législatif, selon les experts du droit administratif, a servi de base ou de modèle à de nombreux textes ultérieurs.

Rappelons aussi que le terme « statut » désigne un ensemble de règles, les unes de nature législative, les autres de nature réglementaire. Nous n’entrerons pas ici dans des discussions relatives aux articles 34 et 37 de la Constitution de 1958.

Mais que s’est-il donc passé en 1834 ?

Aussitôt après l’abdication de l’Empereur des Français (Napoléon 1er), la France a trop de soldats. Le Roi, car il y en a un, peu importe le nom ou le numéro, par une ordonnance du 12 juin 1814 met à la retraite et en demi-solde plus de 14.000 officiers qui avaient gagné leurs épaulettes sur les champs de bataille de l’Empire et les remplace en partie par les « émigrés » réintégrés : ceux-ci avaient conquis leurs grades en combattant contre la France ((cette petite histoire n’est pas sans rappeler les « dégagements des cadres » après 1918, 1925, et notamment après 1944))  , la grogne monte et les exclus de l’Armée deviennent souvent des opposants aux Bourbons, c’est à dire au Pouvoir politique. Bref, c’est le « bordel » plus que le silence  dans les rangs et quelques exécutions ne produisent pas l’effet escompté pour « faire taire » les fortes têtes. Les « plumitifs » ne sont pas sans talent dans les deux camps.

L’arbitraire, grand mot, interviendrait souvent dans le déroulement d’une carrière : la naissance et la compétence ne font pas bon ménage dès cette époque.

On sort même un texte du 17 septembre 1791, texte rapidement rangé aux oubliettes de l’histoire (d’après ce décret, l’officier  ne peut perdre son grade que par démission ou par jugement).

La Charte de 1830 (article 69) stipule que doivent être prises « des dispositions  qui assurent d’une manière légale l’état des officiers de tout grade des armées de terre et de mer » ((Les constitutions de la France depuis 1789 – Flammarion éditeur page 252.))Le principe de l ‘état de l’officier est ainsi confirmé, du moins dans les textes.

Mais ce n’est que 4 ans plus tard que paraît la loi du 19 mai 1834 (les débats de cette loi rencontrèrent quelques vicissitudes que nous tairons).

Quels sont donc les principes généraux de cette loi ? Je ne sais si  votre quotidien habituel vous sera d’un grand secours: disons toutefois qu’il fallait concilier les intérêts du Gouvernement qui veut des troupes obéissantes, du Trésor, de l’Armée (pas besoin de grands discours pour deviner).

L’article 1  de la loi est sans ambiguïté : « Il (Le grade)  constitue  l’Etat d’officier. … »

S’agissant d’un texte caduc, nous n’examinerons pas tout ce qui concerne le grade, il en sera de même en ce qui concerne l’Emploi.
Selon le rapport Bernier de 1927 : « ce qu’il faut…..c’est donner à la condition du sous-officier plus de prestige social, plus de sécurité dans l’emploi »(JORF – Parlement 2ème séance  du  22 décembre 1927 – annexe n° 5261 page 443).
La loi SOC du 30 mars 1928, publiée le 31 mars, soit le lendemain, est le résultat.

On notera que cette loi porte « Statut des sous-officiers de carrière ».

Mais alors comment passe t-on à l’étape suivante et quand?

L’Etape suivante est la loi du 13 juillet 1972(loi n°72-662) portant statut général des militaires mais en passant par les lois du 9 juin 1896 pour la Marine et celle du 30 mars 1928 pour l’armée de terre (loi portant statut des sous-officiers de carrière.)

Le seul titre de cette dernière loi est tout à fait discriminatoire : il n’y a pas que les sous-officiers de carrière !!! La loi du 30 mars 1928 ne traite que des SOC (terme usuel). Le statut des SOC comble certes une importante lacune juridique mais il ne couvre pas tout le spectre militaire, loin de là !

Disons de suite que ce statut des SOC aurait  été supprimé par la loi du 18 mars 1941, n’a été rétabli que par une loi du 26 septembre 1948 (article 35) à la faveur de ce qui se passait en Indochine; pendant plus de 7 ans, l’armée de terre aurait été théoriquement privée de recrutement de sous-officiers de carrière. ((Le premier texte de ce paragraphe est au conditionnel Disons qu’en apparence le gouvernement n’aurait pas respecté l’obligation imposée par l’article 35))
Le statut des SOC est, grosso modo, calqué sur celui de la loi relative à l’état des officiers. Mais une différence importante subsiste. Lors de la collation du premier grade dans la hiérarchie des grades d’officiers, l’officier accède à l’Etat d’officier tandis que le sous-officier doit faire la demande. Ce n’est que si celle-ci est acceptée qu’il peut demander à être admis dans le corps des SOC et bénéficier des garanties accordées par cette loi.
Il est tenu par les obligations afférentes.

Mais le statut des militaires ainsi composé de lois et règlements, n’est pas du tout Général, il y a aussi les sous-officiers engagés, les militaires engagés et « feu » le contingent, qui, à l’époque ne compte pas en dépit de la longue durée du service militaire. (( Loi du 28 octobre 1997 modifiant le code du SN))

Ce n’est que le 1 juillet 1972 qu’apparaît le statut Général, ce qu’explique Monsieur le Theule (alors député puis ministre en charge des armées en 1980).
Le seul exposé des Motifs (n°2206) diffusé le 23 février 1972 tient sept pages ( assez inhabituel) : « le présent statut rénove un édifice ancien dont le remodelage s’imposait pour tenir compte de l’évolution générale de la psychologie et des rapports sociaux …….. Par sa portée…….. le statut général constitue,  à l’évidence,  une pièce maîtresse de cette politique (page 7) ».

Le rapport le Theule (n°2283) tient sur 34 pages….. ! Il expose les raisons, notamment l’article 16 de l’ordonnance du 7 janvier 1959 sur la défense… La situation, dit M le Theule, est caractérisée par « archaïsme, incohérence, irrégularité juridique ». Il faut mettre en ordre, codifier, élaguer………
En juillet 1972, qu’entend-on par Général ? Sans chercher des outils de cruciverbiste ou de spécialistes des grilles de type « mots fléchés », on peut dire que l’adjectif « général » s’oppose à particulier ; les membres du CSFM ont eu à examiner de nombreux statuts « particuliers ». La DRH du ministère a  réduit le nombre de ceux-ci : la réduction est un moyen de combattre l’inflation fut-elle de « papier ». Le statut « entérine des droits acquis », écrit M Le Theule.

Le statut a un « très large champ d’application » il est « valable pour les officiers généraux, mais aussi pour les hommes du rang, pour le militaire de carrière mais aussi pour l’engagé, pour l’appelé accomplissant le service actif, pour le servant des armes, mais aussi pour l’ingénieur et le médecin militaire et même, pour une survivance historique liée aux origines de l’inscription maritime, pour certains corps des affaires maritimes »…. .
« Le statut, applicable à tous, doit dégager les principes fondamentaux…… ».
C’est en ces termes que le premier ministre « Chaban-Delmas » présentait les motifs de la loi, du futur statut.
Le premier ministre ajoutait « il convient donc de remanier profondément cet édifice incertain et de rétablir la hiérarchie normale des textes….. »

C’est un statut Général que l’on veut faire ! A chacun de juger !

Le contrôleur général des armées (2S) Eugène Jean DUVAL

Annexe :

« De nouveaux statuts particuliers entrent en vigueur le 1er janvier 2009 »

Article de Gilles Cordobé publié le 29 octobre 2008 dans le « portail du sous-marin »

(extraits)

« Le journal officiel du 16 septembre dernier ((Il s’agit sans doute du 12 septembre)) a publié les nouveaux statuts pour les différents corps de la marine nationale.

Décrets portant statut particulier :

Officiers de marine et officiers spécialisés de la Marine,
Officiers mariniers de carrière,
Militaires engagés.

À lire également