Retrouvez à la Une de www.droitdesmilitaires.fr, une nouvelle question parlementaire, cette fois au Sénat sur la discrimination à l’embauche des personnes séropositives dans les secteurs comme la police nationale, l’armée, la gendarmerie, et les pompiers, malgré les avancées médicales et les preuves d’une charge virale indétectable chez les personnes sous traitement.
Question de M. Jacques Fernique (Bas-Rhin – GEST) publiée le 02/03/2023
M. Jacques Fernique alerte M. le ministre de la santé et de la prévention sur les nombreuses discriminations subies par les personnes porteuses du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), notamment à l’embauche.
En France, 6 000 nouveaux cas de séropositivité sont encore détectés chaque année. En 2021, selon les chiffres de Santé publique France, 29 % des infections ont été découvertes à un stade avancé de l’infection. Les efforts en matière de prévention et d’incitation au dépistage doivent donc être intensifiés. En parallèle, la lutte contre toutes formes de discriminations envers les personnes contaminées par le VIH devrait être une priorité. Qu’il s’agisse de l’accès aux soins, à un emprunt bancaire ou à un emploi, les personnes séropositives sont encore fortement marginalisées.
Dès 2006, le défenseur des droits ainsi que la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité s’étaient positionnés contre la pratique, dans la police nationale, qui consistait à refuser l’embauche ou à renvoyer les recrues, une fois le statut séropositif connu. Le 25 novembre 2022, le Gouvernement a donc abrogé le « Sigycop », profil médical qui jugeait jusqu’alors les personnes vivant avec le VIH inaptes à exercer dans la police nationale française. Après des années de discrimination à l’embauche, les personnes séropositives sont donc enfin autorisées à intégrer les rangs de la police nationale.
Pour le moment, cette abrogation ne s’applique qu’aux policiers et policières. Les personnes séropositives ne peuvent toujours pas intégrer les rangs de l’armée, gendarmerie comprise, ni les pompiers. Pourtant, les nouveaux traitements ont permis d’améliorer considérablement les conditions et l’espérance de vie des personnes séropositives, désormais comparables à celles d’une personne non porteuse du VIH. Les dernières études scientifiques ont également démontré que les personnes séropositives bénéficiant de traitements antirétroviraux ont une charge virale indétectable et ne transmettent pas le VIH. La loi évolue visiblement plus lentement que la science.
Il souhaite donc savoir quelles actions le Gouvernement compte-t-il mettre en place afin d’augmenter la prévention relative au virus du VIH, tout en luttant activement contre la discrimination des personnes séropositives à l’embauche, notamment en ce qui concerne leur exclusion des rangs de l’armée, de la gendarmerie nationale et des pompiers. Il lui demande si de nouvelles mesures sont prévues pour mettre un terme à ces obstacles juridiques et administratifs injustifiés.
– page 1495
Transmise au Ministère des armées
Réponse du Ministère des armées publiée le 23/11/2023
Le référentiel SIGYCOP est spécifiquement destiné à un usage militaire et répond avant tout à des impératifs opérationnels singuliers, différents de ceux de la Police nationale. En effet, la construction du référentiel relève d’une approche complète, intégrant à la fois le poste de travail en France, les contraintes induites par la fonction militaire, et ses sujétions spécifiques, car les militaires sont amenés à servir « en tout temps et en tout lieu ». Cette disponibilité, notamment en opérations, peut amener le militaire à être éloigné de plateaux techniques performants, à ne pas avoir accès à l’ensemble de la pharmacopée disponible en officine, à ne pas avoir à disposition l’ensemble des spécialités hospitalières ou des examens paracliniques complémentaires indispensables au bon suivi d’une pathologie, et ce, dans un contexte d’engagement opérationnel à forte sollicitation physique et mentale de l’organisme. Au-delà des conséquences de l’affection elle-même, sont donc également pris en compte d’autres éléments à fort impact, comme la disponibilité des traitements, leur conservation, les interactions éventuelles avec d’autres traitements nécessaires, les impératifs en lien avec la surveillance médicale recommandée par la Haute autorité de santé (HAS) mais également le risque d’aggravation d’une anomalie congénitale ou d’une affection peu ou pas symptomatique au vu des activités ou de l’environnement professionnels. Ces éléments sont mis en corrélation avec les circonstances d’intervention des forces armées dans des régions climatiquement et sanitairement différentes de la France métropolitaine, amenant les militaires à potentiellement être exposés à des agents pathogènes responsables d’un certain nombre de pathologies non présentes en métropole (paludisme, dengue, arboviroses, parasitoses tropicales, hépatites virales, rage, etc). Il apparaît ainsi que la situation des armées n’est pas comparable à celle de la Police nationale. Le SIGYCOP est un outil régulièrement actualisé, au vu des évolutions des données de la science et de celles des conditions d’emploi du militaire. Concernant les patients porteurs du VIH, une mise à jour de la grille de cotation est intervenue par un arrêté du 9 mai 2023 modifiant l’arrêté du 29 mars 2021 relatif à la détermination du profil médical d’aptitude en cas de pathologie médicale ou chirurgicale. Cet arrêté, prenant en compte les avancées de la science et des traitements et s’appuyant sur les avis des spécialistes civils et militaires ainsi que sur les recommandations de la HAS, a pour conséquence de permettre le recrutement dans les forces armées ou formations rattachées (FAFR) de 95 % des personnes atteintes du VIH. Concrètement, le sigle G du SIGYCOP applicable aux différentes situations dans lesquelles peuvent se trouver les personnes atteintes d’un VIH asymptomatique ou symptomatique, qui se voyait appliquer des coefficients variant de 3 à 5, a été modifié pour se voir appliquer des coefficients variant de 2 à 5. Concernant plus particulièrement les personnes atteintes d’une infection au VIH asymptomatique traitée depuis plus d’un an, dont la charge virale est indétectable et l’immunité cellulaire satisfaisante, l’arrêté du 9 mai 2023 précité a fait évoluer la cotation du sigle G = 3 à 4 à G = 2 à 3. Dans la mesure où 95 % de la population porteuse du VIH présente ce type de profil et que les FAFR n’exigent pas à l’admission, sauf exceptions, un sigle G inférieur à 2, la quasi intégralité des candidats atteints par le VIH pourra être recruté. Les cotations du sigle G inférieures à 2 ne sont d’ailleurs exigées que pour certaines spécialisations professionnelles mais n’interdisent pas le recrutement dans les armées. Le coefficient 2, qui traduit l’aptitude à la plupart des emplois militaires, est donc désormais accessible aux personnes porteuses du VIH, selon leur profil, alors qu’antérieurement à l’arrêté du 9 mai 2023 susmentionné, aucune des situations les concernant ne relevait de ce coefficient. En outre, les 5 % de personnes présentant un autre profil de VIH ne sont pas uniformément exclues du recrutement dans les FAFR. En effet, certaines n’en seront exclues que temporairement, en particulier celles pour lesquelles l’efficacité et les conséquences du traitement n’ont pas été appréciées sur une période d’au moins une année. Les possibilités d’intégrer les rangs des armées ont donc été largement élargies par cette modification. En outre, le médecin des armées détermine l’aptitude médicale in concreto, conformément au I de l’article 2 de la loi n° 2021-1575 du 6 décembre 2021 relative aux restrictions d’accès à certaines professions en raison de l’état de santé qui énonce le principe de l’examen individuel. Par ailleurs, cet assouplissement de la cotation du sigle G des personnes atteintes par l’infection au VIH concerne aussi bien les conditions d’accès des candidats à la fonction militaire que les conditions de maintien en service. Concernant les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, ceux-ci sont soumis à évaluation périodique de leur aptitude au regard des conditions de santé particulières qu’ils doivent présenter pour effectuer sans risque supplémentaire leurs missions de secours. Afin que la pratique de cette médecine d’aptitude statutaire soit harmonisée sur le territoire national, il a été décidé d’utiliser l’outil SIGYCOP militaire comme aide à la décision du médecin qui reste libre d’y déroger compte tenu des situations individuelles rapportées à l’activité réelle de chaque sapeur-pompier. Pour autant, l’arrêté du 6 mai 2000 modifié fixant les conditions d’aptitude médicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et les conditions d’exercice de la médecine professionnelle et préventive au sein des services départementaux d’incendie et de secours, qui traitait de cette aptitude, est en cours de modification, après réévaluation, pour permettre à la fois un recrutement plus large et une meilleure sécurité en fin de carrière. Ainsi, et même si leur recrutement est déjà possible aujourd’hui par l’adaptation individuelle permise, la situation des personnes séropositives sera clarifiée. Ce nouvel arrêté sera accompagné d’un référentiel national qui précisera aux médecins de sapeurs-pompiers comment, notamment, utiliser l’outil SIGYCOP pour les fonctions de sapeur-pompier.
– page 6561