Texte de la question
M. Xavier Breton attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer sur l’appréciation des conditions de santé particulières exigées pour l’exercice des fonctions relevant de la police nationale. De récents décrets et arrêtés ont mis fin à l’utilisation du référentiel SIGYCOP pour juger de l’aptitude d’un candidat à exercer dans la police nationale et y ont substitué un nouveau système de référentiel d’aptitude, permettant l’application de conditions de santé particulières selon des catégories de fonctions et d’emplois. En application de la loi du 6 décembre 2021 relative aux restrictions d’accès à certaines professions en raison de l’état de santé et pour mettre fin aux inaptitudes d’office, ces arrêtés énoncent ainsi des conditions de santé spécifiques requises pour l’exercice de certaines capacités professionnelles. Si la fin du SYGICOP pour les métiers de la police nationale va dans le bon sens du fait des inégalités de traitement qu’il pouvait engendrer, il convient à présent de s’assurer de la bonne communication aux instances médicales de la police de ce nouveau référentiel afin qu’une application harmonisée en soit faite. Une bonne connaissance, par le médecin du service médical statutaire de la police nationale, des pathologies chroniques les plus répandues comme le diabète est également un prérequis à une application effective de ces textes. Aussi, il souhaite savoir ce qu’il prévoit pour que ce nouveau système de référentiel d’aptitude ne laisse aucune place aux inaptitudes prononcées d’office en raison d’une pathologie dont souffre le candidat.
Texte de la réponse
Tout candidat à servir en tant que militaire au sein de la gendarmerie nationale et de la sécurité civile, que ce soit au sein des formations militaires de la sécurité civile, de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris ou du bataillon de marins-pompiers de Marseille, doit disposer des aptitudes lui permettant de servir « en tout temps et en tous lieux ». L’article L. 4132-1 du Code de la défense stipule que « nul ne peut être militaire […] s’il ne présente les aptitudes exigées pour l’exercice de la fonction […] Ces conditions sont vérifiées au plus tard à la date du recrutement ». Pour cela, le candidat est soumis à une visite d’expertise médicale initiale (VEMI) réalisée par un médecin militaire, conformément aux dispositions de l’arrêté du 21 avril 2022 modifié relatif à la détermination et au contrôle de l’aptitude médicale à servir du personnel militaire. S’appuyant sur des questionnaires de santé, un examen clinique, des examens paracliniques et, si nécessaire, en ayant recours à des avis spécialisés, le médecin militaire établit la conclusion médicale d’aptitude à l’issue de la VEMI. Il utilise pour cela un système de cotation du profil médical appelé « SIGYCOP », où chaque lettre [1] du sigle est associée à un coefficient. Le coefficient à attribuer à chacune des lettres du profil médical est choisi en fonction de la gravité de l’affection ou de l’importance des séquelles associées. L’éventail de ces coefficients couvre les différents degrés allant de la normalité jusqu’à l’affection grave ou l’impotence fonctionnelle majeure. Un référentiel détaillé de l’ensemble des pathologies (lettres et coefficients) est défini par le Service de santé des armées (SSA) dans l’arrêté du 29 mars 2021 modifié relatif à la détermination du profil médical d’aptitude en cas de pathologie médicale ou chirurgicale. Ce référentiel évolue régulièrement au gré de l’amélioration des connaissances médicales et des progrès thérapeutiques. Le médecin militaire compare ensuite le profil médical qu’il a attribué au candidat avec le profil médical seuil requis pour accéder au corps militaire et à la spécialité souhaitée [2], et rend alors sa conclusion médicale d’aptitude. En cas de désaccord du candidat avec la conclusion rendue, des voies de recours sont prévues. Actuellement, si l’on se réfère à l’arrêté du 29 mars 2021 modifié, les candidats à l’engagement présentant une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI) sont classés G = 5, et sont donc inaptes à un engagement en gendarmerie qui nécessite le classement G = 2 ou 3 maximum (selon le corps). La gendarmerie nationale ne dispose ni de la compétence ni de l’expertise pour faire évoluer unilatéralement le référentiel contenu dans cet arrêté : une telle évolution, si elle est opportune, est du ressort du SSA. Les personnels atteints de MICI peuvent en revanche tout à fait être recrutés au sein de la gendarmerie en tant que personnels civils. S’agissant des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, l’arrêté du 6 mai 2000 fixant les conditions d’aptitude médicale des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, comme les travaux en cours visant à le moderniser, intègre la réglementation relative à la détermination du profil médical d’aptitude en cas de pathologie médicale ou chirurgicale définie par arrêté du ministre chargé des Armées comme l’une des références permettant de définir leur profil médical basé sur la cotation des sigles S, I, G, Y, O et P. Pour autant, le médecin chargé de l’aptitude des sapeurs-pompiers détermine celle-ci en adaptant cette cotation selon les domaines opérationnels ou, le cas échéant, pour les spécialités et fonctions spécifiques tenues. Pour ce qui concerne les candidats au recrutement dans l’un des trois corps de fonctionnaires actifs de la police nationale (corps d’encadrement et d’application, corps de commandement, corps de conception et de direction), il peut être précisé ce qui suit. Dans le cadre de la réforme de l’aptitude physique aux emplois publics issue de l’ordonnance n° 2020-1447 du 25 novembre 2020 portant diverses mesures en matière de santé et de famille dans la fonction publique, la Direction générale de la police nationale a fait le choix de redéfinir la base réglementaire de l’appréciation de l’aptitude médicale à servir de ses fonctionnaires actifs et des policiers adjoints. Dans cette perspective, il a été décidé : – d’une part, de renoncer au modèle alpha-numérique de cotation du profil médical du candidat en vigueur dans les armées, dit modèle « SIGYCOP » et, par conséquent, aux dispositions de l’arrêté du 29 mars 2021 du ministre des Armées relatif à la détermination du profil médical d’aptitude en cas de pathologie médicale ou chirurgicale, qui organise la détermination de ce profil ; – d’autre part, de définir des conditions de santé particulières opposables et adaptées aux capacités professionnelles imposées par les spécificités et les risques du métier de policier. Ainsi, l’arrêté du 25 novembre 2022 relatif à l’appréciation des conditions de santé particulières exigées pour l’exercice des fonctions relevant des corps de fonctionnaires actifs des services de la police nationale permet une meilleure prise en compte des maladies chroniques, de leur stade évolutif, de l’efficacité de leur traitement et des exigences de leur suivi médical. Il convient cependant de rappeler que les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin sont des affections graves, invalidantes et incurables à ce jour. Elles sont naturellement un sujet d’intérêt en raison de l’augmentation régulière de leur fréquence dans la population générale mais également de l’arrivée de nouveaux traitements innovants et de leurs conséquences potentielles sur la maîtrise de l’affection et la qualité de vie du patient. En effet, c’est bien la qualité de vie du patient, sa sécurité et sa capacité à concilier les contraintes de sa maladie et les exigences des missions exercées qui sont au cœur de la question de l’appréciation de l’aptitude médicale. Durant les phases aiguës de la maladie, les besoins impérieux liés aux phénomènes inflammatoires intestinaux conditionnent directement la vie quotidienne, sociale comme professionnelle, et notamment les activités opérationnelles du policier. À distance de ces phases, la fatigue et les troubles alimentaires peuvent altérer les capacités physiques et l’équilibre psychologique du patient. Aussi, si aucune position d’exclusion de principe ne saurait être adoptée par le médecin d’aptitude de la police nationale ou des services d’incendie et de secours au seul motif de l’existence d’une telle maladie, évolutive ou quiescente, il lui revient d’apprécier individuellement, avec mesure et en toute transparence avec le candidat, les effets de sa maladie et de son traitement sur ses capacités médicales et de confronter ces capacités médicales aux capacités professionnelles attendues dans l’exercice de ses missions, dans le souci de sa santé et de sa sécurité. [1] Les lettres correspondent respectivement : S à la ceinture scapulaire et aux membres supérieurs ; I à la ceinture pelvienne et aux membres inférieurs ; G à l’état général ; Y aux yeux et à la vision (sens chromatique exclu) ; C au sens chromatique ; O aux oreilles et à l’audition ; P au psychisme. [2] Pour la gendarmerie nationale, les profils minimums sont définis dans l’arrêté du 8 juin 2021 modifié fixant les conditions physiques et médicales d’aptitude exigées des personnels militaires de la gendarmerie nationale et des candidats à l’admission en gendarmerie.