Atteinte aux droits et à la dignité

« Toi qui sèmes des paratonnerr’s à foison

Que n’en as-tu planté sur ta propre maison; »

Ainsi Brassens s’amusait-il des imprévoyants. Nul doute qu’il aurait plaisir aujourd’hui à brocarder tel(le) patron(ne) de site radar regardant au loin, sans s’intéresser à la bombe à ses pieds.

S »agissant d’un Adjudant agressé par de jeunes engagés, donc pas content-content, mais au rassurant petit doigt bien discipliné sur la couture du pantalon, bombinette sans importance croira-t-(il)(elle) par laxisme. Jusqu’à ce que l’affaire propulsée sur le plan judiciaire par le sous-officier et par deux fois vers l’Elysée lui retombe en pluie fine sur le visage.

Les recettes en pareille défaillance, quand il devient urgent pour la hiérarchie de contact de se refaire une santé, sont parfaitement rodées.

Ici, bien que les agresseurs soient identifiés et non sanctionnés, l’on choisira un petit déplacement d’office de la victime dérangeante par défaut d’humour quant aux menaces de mort dont il était l’objet, et qui a cru de surcroit devoir persister dans la sinistrose quand sa voiture fut vandalisée deux fois dans l’enceinte militaire.

Pour sauver la face et finaliser la farce, il y aura naturellement deux ans après les faits tricotage à vocation rétroactive d’une prétendue sollicitude de l’actuelle mère du régiment dont l’ingrat, n’est-ce pas, aurait bénéficié sans s’en rendre compte.

Après cette première affabulation resterait à instiller l’indispensable petite dose de psychiatrisation bien pratique. Cette instillation vient d’être réussie sans difficulté particulière, le « malade » ayant suffisamment manifesté sa totale allergie au caractère ludique de ces aimables plaisanteries pour que l’on puisse diagnostiquer le signe avant-coureur d’une PHC ((Psychose Hallucinatoire Chronique )) à terme beaucoup plus grave, n’est-ce pas. Et hop ! L’affaire est ainsi doctement et doctoralement pliée, sans dommages apparents pour la hiérarchie.

Cette dérive est régulièrement exposée dans nos colonnes. Aussi, pour que la loi contre ce mode de harcèlement d’un Agent de l’Etat s’impose un jour à l’Armée, il faut bien remettre notre ouvrage sur le métier.

Nouvelle histoire de victime sanctionnée.

L’Adjudant A est affecté en qualité de Sous-officier commando Chef de section d’un Escadron de protection d’un site sensible. Célibataire, il est logé dans la zone vie…comme sa voiture.

Au cœur d’une nuit de février 2008, il fait l’objet durant 2 heures d’une succession de menaces téléphoniques anonymes où, au milieu d’insultes, plusieurs individus à la surexcitation croissante qu’il reconnaît comme étant de ses subordonnés, déclarent vouloir s’en prendre à son intégrité physique au couteau et ce, jusqu’à la mort s’il se débattait trop, ou s’il devait porter plainte. Sa voiture aussi ne serait pas épargnée. Afin de favoriser l’enquête ultérieure, il laissera se diriger vers sa boîte vocale une partie nécessaire et suffisante de ces menaces.

Aux aurores fortement choqué, il va porter plainte à la Brigade de Gendarmerie du site. Vraisemblablement débordés les Gendarmes ne peuvent, ni l’enregistrer, ni transmettre sa demande d’audience au Commandant de base.

Informé à son tour le Commandant d’unité, (commencer par lui n’eût strictement rien changé vu son habituelle absence de compréhension, qu’il confirme immédiatement) ne transmettra pas davantage au Commandement ni cette affaire, ni la demande d’audience que l’Adjudant sollicitait alors pour la seconde fois.

Prenant acte que le Commandant du site ne l’entendrait pas et conscient que tergiverser davantage irait contre son intérêt, il porte plainte auprès de la Police nationale de l’agglomération attenante. Laquelle, à l’écoute de la boîte vocale, se dira très impressionnée par la détermination des individus.

Deux jours après, comme il se doit le Procureur de la République demande à la Brigade du site de mener l’enquête. A ce stade, on a déjà une réponse à l’ulcération de l’Armée reprochant au Sous-officier d’avoir fait sortir cette affaire du cercle de famille. Et ce ne sera pas fini puisque en réaction au désintérêt obstiné de sa hiérarchie, les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’Adjudant alertera l’Elysée.

Eté 2008, l’enquête est terminée, les coupables démasqués, un seul avoue.

Il se confirmait que les aspirants-égorgeurs avaient agi sous l’emprise d’une forte imprégnation alcoolique, dissuadant certainement le Commandement de prendre cette affaire au sérieux. Ce manque de vision fut en fait la faute à l’origine de son ébruitement extra-muros. Il y avait pourtant là l’occasion, sinon l’obligation, de faire le minimum de ménage qui s’imposait dans la boutique pour montrer qui commandait : des aviateurs-apprentis-terroristes en culotte courte, ou les cadres de l’armée régulière. En tolérant ces faits, l’esprit de cohésion et la stricte discipline militaire indispensables à l’exercice de la sourcilleuse spécialité de fusilier-commando allaient en pâtir. Le Sous-officier était devenu la risée de ses hommes, lesquels forts de leur impunité se trouvèrent alors légitimés pour vandaliser sa voiture par deux fois.

Un mot sur cet Adjudant, ceci pouvant expliquer cela, sauf à un Chef de corps autiste. Excellemment noté en tous points, lettres de félicitations à l’appui. Ceci avant d’avoir défendu ce qu’il appelle sa dignité et son honneur… »Avant », car naturellement après il est dans le collimateur. Un besoin de reconnaissance à fleur de peau, le sentiment d’injustice exacerbé, fils de Harki pour qui toute attitude de « sous-homme » était impossible, il n’a pu accepter ni le manque de vision du Commandement, ni son indifférence aux inacceptables menaces qu’il ne pouvait digérer.

Plus d’un an après les faits, ayant dans la discipline recherché vainement l’aide de sa hiérarchie, se sentant désavoué, dans une persévérance qui sera lâchement qualifiée d’obstination malade, il obtient enfin l’audience tant attendue.

Là il apprendra qu’un » rappel à la loi » avait été signifié aux coupables (ce qui est invérifiable, relève de la restauration d’hymen, et en tout état de cause n’est pas l’une des sanctions disciplinaires applicables aux militaires), que vu l’antériorité de 15 mois des faits, aucune sanction ne pouvait être prononcée. Quel aveu si l’on se souvient de l’absence de volonté de sanctionner ces faits dès leur apparition. Pour faire bonne mesure il était indiqué que l’affaire s’étant déroulée hors service, le Commandement n’avait pas à s’en saisir…alors qu’il venait de faire plonger par 20 jours d’arrêts un sniffeur en chambre. Il ne parait donc pas inutile de rappeler à certains qu’au chapitre « sanctions » du Statut général des militaires, celles-ci s’appliquent H 24 au militaire, en service ou hors service (cf. La radiation du chef d’escadron Matelly de la gendarmerie et sa suspension par le Conseil d’Etat pour faits hors service).

Cette audience ne répondait donc pas à l’attente du Sous-officier, c’est-à-dire déboucher sur une sanction militaire contre les militaires fautifs démasqués, à tout le moins contre celui ayant avoué, ceci pour permettre la restauration de sa légitime et nécessaire autorité dans le service. Il faut croire que cette base du principe d’obéissance que l’on apprend à Lariflette pour être Caporal n’est pas enseignée aux stagiaires de ce pôle d’excellence de l’Enseignement Militaire Supérieur français qu’est le Collège Interarmées de Défense.

Plus de deux ans après les faits, n’ayant toujours pas reçu l’apaisement de ses autorités de tutelle par une sanction militaire à hauteur des agissements des coupables, dans un climat de confiance certes dégradé mais pas de son fait, l’Adjudant continuait pathétiquement, il faut bien le dire, sa croisade pour obtenir le soutien de sa hiérarchie. Etant passée par avocat, la Justice, l’Elysée, l’Association d’aide aux victimes, avec évocation du MRAP, de la HALDE et tutti quanti, cette croisade à la tournure judiciaire et politique de ce militaire perdant pied était plus que mal perçue par les seuls hauts responsables de celle-ci.

A ce stade, la sanction « pour le bon renom de l’Armée en péril » tomba enfin. Non pas sur les auteurs identifiés des menaces, ni sur le Commandement pour un laxisme de deux ans et demi auto transformé en vertu, mais comme prévu sur la victime. Achevant ainsi sa destruction, car maintenant il est médicalement très mal.

Après un panégyrique de sa gestion de l’affaire, en termes choisis sa Cheffe de corps devait enfin lui glisser suavement la chose :  » …j’estime qu’il convient au plus tôt (sic) de vous placer dans un nouvel environnement professionnel…Ce simple constat réaliste m’impose d’appliquer la procédure réglementaire de déplacement d’office. » Fermez l’ban !

En terme de réalisme, celui du Caporal Lariflette – encore lui, il ne fera pas carrière – est de bien meilleure facture. Voici sa proposition :  » Pour les agresseurs 20 jours d’arrêts. Pour ceux qui ayant voulu étouffer l’affaire l’ont conduite à être exposée sur la place publique un 1er blâme du ministre et un 2ème pour passivité ayant pour effet une dégradation des conditions de travail de la victime, atteinte à ses droits et à sa dignité, altération de sa santé mentale, et avenir professionnel compromis. ».

Epilogue.

Avant cette affaire un précédent Adjudant et un Sergent de la même unité avaient subis les mêmes agressions de ces mêmes voyous. Dans cette affaire, en concomitance avec l’Adjudant A., un Sergent les avait aussi subies.

Comprenant vite qu’il était préférable de ne pas mettre le Commandement dans l’embarras et n’écoutant que l’intérêt de leur carrière qui celui-ci leur rappelait fort opportunément, ils abandonnèrent toute démarche réparatrice. Quelquefois en échange d’une mutation au soleil.

L’apprenti terroriste ayant avoué vient de signer son rengagement.

Les Chefs de corps ayant eu à en connaître attendent, dans ce calme qu’on leur demande de préserver à tout prix, la possibilité des étoiles.

La discipline, force principale des Armées, est la grande perdante. Tant la discipline des otaries qui claquent des nageoires aux ordres, que la discipline intellectuelle de ceux qui les commandent.

À travers leur action d’intégration et de promotion sociale, les Armées recrutent beaucoup au titre de la « deuxième chance ». Les populations ainsi recrutées ne sont pas toujours faciles. Aussi doivent-elles, tant pour leur bien que celui de tous, accepter cette discipline. Pas la polluer. Fermer les yeux là-dessus, c’est à terme voir les quartiers militaires transformés en ces quartiers difficiles dont ces populations sont issues.

Quant à l’Adjudant A, dans sa nouvelle mutation qu’il vient de rejoindre et qui l’attend de pied ferme, polluer ou ne pas laisser polluer, il  » jure, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus ».

                                                                                                                                                             Mariallio

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