Le 16 juillet 2001, la Présidence de l’Assemblée Nationale a enregistré une proposition de loi n°3235 de Mr Emile BLESSIG, tendant à supprimer l’incompatibilité absolue imposée aux militaires de carrière et assimilés en ce qui concerne les mandats municipaux.
Cette proposition de loi a été renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.
Expose des motifs présentés par les députés (1) :
Mesdames, Messieurs,
Les militaires de carrière et assimilés sont aujourd’hui les seuls de nos concitoyens dont les fonctions sont absolument incompatibles avec l’exercice de mandats électoraux, y compris les mandats municipaux.
Si l’on conçoit bien cette incompatibilité pour des mandats nationaux, voire régionaux ou départementaux, et si l’on reconnaît le bien-fondé d’incompatibilités relatives tenant compte notamment du territoire où ils ont pu exercer des fonctions d’autorité, force est de reconnaître que la portée absolue de cette incompatibilité est devenue quelque peu anachronique. Le temps où les militaires pouvaient être soupçonnés de nourrir des sentiments antirépublicains est en effet révolu depuis longtemps.
L’exercice de mandats municipaux relève généralement plus du souci de servir l’intérêt général que d’un engagement à portée essentiellement politique. Notre conception même de la citoyenneté nous porte de plus en plus à lui donner une valeur universelle plutôt qu’à en restreindre les contours. La nature même des missions conduites par nos armées – qui sont de plus en plus des missions de paix ou de secours – prépare en outre parfaitement les militaires à l’exercice de responsabilités locales. Ajoutons qu’il paraît absurde de permettre aujourd’hui à des militaires d’être éligibles et donc de se porter candidat pour leur retirer, de fait, s’ils sont élus, le pouvoir de siéger, la position de détachement alors prévue par l’article 54 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires n’étant pas viable pour un élu local compte tenu de l’absence d’un statut de l’élu suffisamment fort dans notre pays.
C’est pourquoi nous vous proposons par la présente proposition de loi de mettre un terme à l’incompatibilité générale prévue à l’égard du militaire par l’article L.46 du code électoral en ce qui concerne le mandat municipal.
Proposition de loi :
Article 1er
L’article L.46 du code électoral est ainsi rédigé :
« Art.L.46 – Les fonctions de militaire de carrière ou assimilé, en activité de service ou servant au-delà de la durée légale, sont incompatibles avec les mandats de député ou de conseiller général. »
Article 2
Le dernier alinéa de l’article 9 de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires est ainsi rédigé :
« Sauf s’il s’agit d’un mandat municipal, les militaires de carrière et les militaires servant en vertu d’un contrat qui sont élus et qui acceptent leur mandat sont placés dans la position de service détaché prévu à l’article 54 ci-après »
Article 3
Le début du premier alinéa de l’article 54 de la loi n°72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires est ainsi rédigé :
« La position en service détaché est celle du militaire de carrière placé hors de son corps d’origine pour exercer des fonctions publiques électives, exception faite des mandats municipaux…(le reste sans changement) »
(1) Mme Christine BOUTIN, MM.Loïc BOUVARD, Jean BRIANE, Yves BUR, Pierre CARDO, Antoine CARRE , Jean-François CHOSSY, Georges COLOMBIER, Marc-Philippe DAUBRESSE, Léonce DEPREZ, Renaud DUTREIL, Germain GENGENWIN, Hubert GRIMAULT, Pierre HELLIER, Pierre HERIAUD, Françis HILLMEYER, Mme Anne-Marie IDRAC, MM. Henry JEAN-BAPTISTE, Christian KERT, Edouard LANDRAIN, Marc LAFFINEUR, Jacques LE NAY, Christian MARTIN, Pierre MEHAIGNERIE, Pierre MENJUCQ, Hervé MORIN, Arthur PAECHT, Bernard PERRUT, Henri PLAGNOL, Jean-Luc PREEL, Marc REYMANN, Gilles de ROBIEN et François SAUVADET.
Position de l’Adefdromil sur cette proposition de loi :
Lors des dernières élections municipales nous avons pu constater une nouvelle fois le décalage existant entre le statut général des militaires et le statut de citoyen.
En effet, si le statut général des militaires permet, au vu de son article 9, et sous réserve des inéligibilités prévues par la loi, d’être candidats à toute fonction publique élective, dans les faits, ce même statut place le militaire dans une situation particulièrement précaire puisque celui-ci n’est plus rémunéré, du fait de son placement en position de service détaché.
Voir ses revenus passés (pour un adjudant-chef par exemple) de 13 000 francs à zéro franc, voilà une disposition législative en faveur du militaire digne d’éloges et très motivante pour s’engager dans l’action locale ! C’est seulement au bout de 29 ans que l’on se rend compte de l’absurdité de cette disposition dans notre statut. Il était temps !
Nous ne pouvons donc qu’approuver sans réserve l’initiative prise par le député UDF Emile BLESSIG et ses 33 collègues. Cette disposition contribue à reconnaître la citoyenneté à part entière des militaires. Elle est un facteur de resserrement des liens entre l’armée, la Nation, les élus locaux. Gageons que cette proposition de loi voit le jour très rapidement ! En tout cas, nous allons suivre son évolution – surtout à l’approche des élections !