Justice : il a participé à la guerre du Golfe en 1991. Un vétéran contre l’armée.

La République des Pyrénées – n° 18020 – Mercredi 11 février 2004

Un Palois saisit la justice pour obtenir une pension et des dédommagements à la suite de troubles de santé.
Vétéran de la guerre du Golfe, Thierry Royaux, un Palois âgé de 39 ans, a entamé deux procédures : la première au pénal contre le ministère de la Défense et la seconde au civil pour obtenir une pension qui lui a été refusée à deux reprises.
Quelques mois après son retour de la guerre du Golfe apparaissent des troubles de santé. C’était en 1992 :  » Je souffrais de spasmophilie, de crises de tétanie et d’angoisse  » raconte-t-il. Au début, Thierry Royaux n’imagine pas que son état de santé est directement lié aux événements qu’il a vécus durant le conflit. Les symptômes perdurent. Il consulte un psychiatre du centre hospitalier des Pyrénées. à deux reprises, il est hospitalisé trois semaines et le spécialiste diagnostique  » un état post-traumatique à la guerre du Golfe  » précise Thierry Royaux.
Durant le conflit, il se souvient avoir pris  » des cachets de pyridostigmine avant et après chaque bombardement pour se protéger des gaz chimiques « . II s’agit d’un antidote contre les gaz neurotoxiques. Des  » cocktails de vaccins  » lui ont également été administrés. Pour lui le lien de cause à effet ne fait plus aucun doute. Reste à le prouver.
Il adhère à l’association, Avigolfe qui compte dans ses rangs 330 membres. Son objectif est d’obtenir la reconnaissance d’un statut collectif et individuel pour les victimes civiles et militaires de la guerre du Golfe.  » Elle entend rassembler sans exclusive toutes les victimes, leurs familles et leurs proches décidés à faire la vérité sur les origines des troubles de santé tant psychiques que physiques qui les affectent et à lutter pour la reconnaissance de leurs droits à l’information et à l’indemnisation et aux soins  » explique le président Hervé Desplat.

Le stress du retour

Thierry Royaux entame alors un véritable parcours du combattant. Celui-ci débute devant la commission de réforme de l’armée devant laquelle il se présente à deux reprises pour obtenir une pension. Par deux fois, il essuie un échec. Aux yeux de cette commission, les troubles qui l’affectent ne sont pas des séquelles du conflit auquel il a participé, mais correspondent tout simplement  » au stress du retour à la vie civile  » résume l’ancien militaire. Il décide de ne pas en rester là. Il consulte des spécialistes. L’un d’eux lui reconnaît 10 % d’invalidité à cause d’un accident :  » Je souffre de douleurs dorsales et je suis obligé aujourd’hui de porter des semelles orthopédiques  » précise Thierry Royaux. Ce dernier ne baisse pas pour autant les bras. Il s’obstine et fait appel de cette décision de non recevoir. Il s’appuie sur des documents émanant notamment de quelques conclusions de la mission confiée par le ministère de la défense au Professeur Salamon, directeur de l’unité Inserm U 593, à l’université de Bordeaux  » pour dresser un état des lieux et non un diagnostic « . Le professeur bordelais doit rendre sa copie en juin 2004 Thierry Royaux défendra sa cause par la voix de son avocat Me Pascale Camescasse jeudi à 10 heures devant le tribunal des pensions.

Apporter la preuve

Parallèlement et sur le plan pénal, il a déposé plainte avec constitution de partie civile contre le ministère de la Défense pour administration de substance nuisible ayant porté atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’autrui, pour blessures involontaires et pour violation délibérée d’une obligation de sécurité ou exposition à un risque d’une particulière gravité  » Les militaires n’ont pas été en mesure d’éviter des risques. Ils ont été envoyés dans un environnement pollué, équipés de matériels inappropriés  » explique notamment Me Guy Paris. Il reste à apporter la preuve, que les troubles dont Thierry Royaux et d’autres soldats souffrent sont directement liés a la guerre du Golfe. Les expertises sont complexes et très coûteuses. Selon la juridiction militaire, si la maladie ne s’est pas déclenchée trente jours après elle n’est pas imputable au service : « C’est scandaleux. Les militaires ne sont pas protégés comme les civils » observe Me Paris. Ce dernier note également que depuis leur retour du Golfe, 50 % des sujets ressentent au moins une fois par mois des maux de tête, des problèmes pour trouver leurs mots, des difficultés de mémoire ou de concentration, irritabilité, mauvaise humeur, problème de sommeil et de fatigue inexpliquée et douleurs dans le dos :  » C’est anormal car ces militaires avaient 25 ans environ à l’époque du conflit  » plaide-t-il
Ces procédures, une dizaine, ont débuté au début de l’année 2001 soit dix ans après. L’affaire a été confiée au juge d’instruction Marie-Odile Geffroy, du pôle santé à Paris. Et le dossier est bien loin d’être terminé.

PENSIONS : CE QUI BLOQUE

Pour que l’on puisse imputer l’affection à un événement, trois conditions cumulatives doivent être remplies. Tout d’abord l’événement ayant causé l’infirmité doit se produire pendant l’accomplissement d’un service militaire et en lieu où s’exerçaient le service ou une nécessité de service. Le dommage subi doit résulter d’un fait avéré, la relation doit être constatée entre ce dommage initial et l’invalidité invoquée. Enfin l’invalidité doit exister et être médicalement constatée. Le lien d’imputabilité au service est reconnu par preuve ou par présomption. Le bénéfice de la présomption est accordé si l’affection est constatée après le 90e jour de service effectif ou avant le 30e jour suivant le retour du militaire dans ses foyers.

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