Intervention de M. Fontaine

M. Jean Fontaine , député

Monsieur le ministre d’Etat, monsieur le secrétaire d’Etat, mes chers collègues, l’exposé des motifs du projet de loi soumis à nos délibérations présente ce texte comme une « oeuvre de clarification et de normalisation », une sorte d’aggiornamento de quelque 550 textes anciens qui régissaient la « mission de défense de notre pays ».

Il est inutile de rappeler l’importance exceptionnelle d’un tel document puisque, monsieur le ministre d’Etat, vous l’avez vous-même soulignée tout à l’heure à cette tribune.

Il s’agit donc de rénover un édifice ancien dont le remodelage, à l’évidence, s’imposait.

Un travail de cette ampleur n’a pu être mené à bonne fin et nous apparaître magnifique à cause de son caractère progressiste que par référence aux statuts d’autres catégories de serviteurs de l’Etat.

Pour tenir compte des caractères spécifiques de l’état militaire, de ses sujétions, vous avez passablement élargi la notion de garanties fondamentales, ce qui constitue, à n’en pas douter, à la fois un progrès considérable et une assurance plus grande pour les intéressés eux-mêmes.

Ces derniers devraient donc s’en réjouir. Or tel n’est pas le cas, dit-on. Il ne faut pas s’en étonner.

Le militaire, comme le fonctionnaire, raisonne toujours par comparaison. Il est dans la nature des choses de ne point voir, en tout cas de les minorer, les avantages dont on jouit pour, au contraire, grossir et envier ceux dont bénéficient les autres.

C’est pourquoi, comme toute oeuvre humaine, ce document, si considérable soit-il, nécessitera un polissage et même un repolissage pour répondre aux aspirations profondes des différents corps de personnels militaires.

Cette nécessité ne vous a pas échappé, monsieur le ministre d’Etat, puisque, comme vous l’avez noté : « ce statut général n’exprime pas, à lui tout seul, toute la politique à suivre à l’égard de personnels militaires. Il appelle un grand nombre de textes d’application. »

C’est sur les textes d’application, qui éclaireront et donneront à la loi toute son importance et toute son efficacité, que porteront mes premiers propos. Certes, conformément aux dispositions de l’article 34 de la Constitution, il s’agit en l’occurrence de dispositions réglementaires, lesquelles échappent donc à notre compétence, mais l’importance que vous leur reconnaissez est telle que nous ne pouvons pas rester indifférents aux intentions qu’elles vont révéler.

Pour ma part, je me bornerai à appeler votre attention sur la nécessité de profiter de l’occasion pour supprimer certaines disparités ou anomalies qui frappent encore les militaires d’origine réunionnaise et les mettent en situation d’infériorité par rapport à leurs homologues métropolitains. Je n’ignore pas, monsieur le ministre d’Etat, que vous vous en préoccupez et que vous veillez scrupuleusement à ce qu’aucune mesure discriminatoire ne puisse être instaurée aux dépens de nos compatriotes réunionnais.

Vous admettrez cependant que des séquelles héritées des textes anciens demeurent, et qu’il conviendra de les faire disparaître à la faveur des textes d’application de la loi.

Je n’aurai pas l’outrecuidance de les énumérer toutes puisque vous les connaissez. Je me bornerai à en citer quelques-unes parmi les plus criantes.

C’est ainsi qu’en matière de remboursement de frais de déménagement consécutif à une mise à la retraite ou à un déplacement, le décret de 1954 ne prévoit le remboursement des frais de transport du mobilier que pour le trajet de la dernière garnison au port d’embarquement. Or, pour les militaires corses – et c’était également le cas, naguère, pour ceux qui servaient en Afrique du Nord – ces frais de déménagement sont entièrement pris en compte par l’Etat. Il y a là un vide juridique à combler.

M. le ministre d’Etat chargé de la défense nationale . Si tout va bien, la question sera réglée cette année.

M. Jean Fontaine . Monsieur le ministre d’Etat, Je vous en sais gré, et avec moi les Réunionnais.

Dans le même esprit, et j’espère que ce sera également réglé cette année ( sourires ), un décret du 3 juillet 1897, toujours en vigueur, reconnaît aux seuls militaires métropolitains en service outre-mer la possibilité de se faire rejoindre par leur fiancée et d’obtenir le remboursement des frais de traversée.

Pourquoi n’en serait-il pas de même pour les militaires d’origine réunionnaise en service dans la métropole ? Il y a là une exigence légitime de mes compatriotes qu’il serait équitable de satisfaire. L’occasion est bonne pour faire table rase de ces séquelles du passé.

Le travail important de remise en ordre, de classement, de codification que vous avez entrepris et mené à son terme sera nécessairement complété par des opérations d’élagage au plan des textes réglementaires. Qu’une bonne fois pour toutes disparaisse toute mesure discriminatoire qui frappe le personnel militaire d’origine ultra marine. L’universalité et l’homogénéité du statut des militaires le commandent, certes, mais aussi et surtout la stricte morale.

Avant de conclure, je voudrais, monsieur le ministre d’Etat, vous poser quelques questions.

La première a trait aux volontaires de l’assistance technique. Ne sont pas concernés par le statut général des militaires ceux qui accomplissent leur service national au titre de l’aide technique ou de la coopération puisque, comme vous l’avez écrit dans le numéro d’avril de la Revue de la défense nationale , et cela ressort des dispositions de l’article 2 du projet : c’est l’uniforme qui fait l’unité.

Mais ces jeunes gens privilégiés, ces militaires fort civils, gagnent sur tous les tableaux. Ils ne sont pas soumis aux sujétions de l’état militaire et perçoivent une solde qui n’a rien de comparable avec ce que touchent les appelés.

M. le ministre d’Etat chargé de la défense nationale . Me permettez-vous de vous interrompre ?

M. Jean Fontaine . Je vous en prie.

M. le président . La parole est à M. le ministre d’Etat chargé de la défense nationale, avec l’autorisation de l’orateur.

M. le ministre d’Etat chargé de la défense national . Je vous rappelle que ces jeunes gens accomplissent un temps de service plus long. Cela résulte d’une disposition que vous avez votée. Ils servent au minimum pendant seize mois au lieu d’un an et ils sont souvent tenus à une prolongation. C’est là une différence fondamentale.

J’ajoute qu’ils ne dépendent pas du ministère d’Etat chargé de la défense nationale, mais du ministère des affaires étrangères ou du ministère d’Etat chargé des départements et territoires d’outre-mer selon la région du monde où ils sont envoyés.

M. Jean Fontaine . Peut-être y aurait il lieu, certes pas à l’occasion de la publication des décrets d’application de la présente loi puisque celle-ci ne les concerne pas, mais à la faveur d’un autre texte, de fixer le statut des volontaires de l’assistance technique. Ces jeunes gens se livrent souvent à des activités politiques ou syndicales pendant la durée de leur contrat. Quand, au surplus, ils concourent à défigurer l’image de la France à l’extérieur, quand ils s’immiscent dans la politique des pays qui les accueillent quand ils font de l’agitation, alors éclate, fulgurante, la nécessité de mettre une fin à de tels débordements. Ne pourrait-on régler l’état de ces volontaires de l’assistance technique ?

Ma deuxième question, monsieur le ministre d’Etat, concerne un point plus particulier, celui des gendarmes réunionnais en service dans leur département d’origine. Vous m’avez déjà donné votre accord pour assimiler leur situation, en ce qui concerne leurs droits à congé, à celle des fonctionnaires, et vous avez proposé d’étendre cette mesure à tout le personnel originaire d’outre-mer. Soyez-en remercié. Pouvons-nous compter sur vous pour que, lors de l’élaboration des textes d’application, cette affaire ne soit pas perdue de vue ?

Enfin. je vous demanderai s’il ne serait pas possible de profiter de cette occasion pour homogénéiser les conditions de jouissance des pensions militaires de retraite.

En effet, selon que la pension du militaire a été liquidée d’après les anciennes dispositions de 1951 ou en fonction de celles de 1964. ses droits sont tout différents et il en résulte des situations pénibles à force d’être singulières, notamment au regard du droit aux allocations familiales et à la pension de réversion. Ne pensez-vous pas qu’il serait opportun de remédier à ces incohérences ?

Telles sont, monsieur le ministre d’Etat, les quelques observations que je souhaitais vous présenter à l’occasion du projet de statut général des militaires. ( Applaudissements sur les bancs de l’union des démocrates pour la République, des républicains indépendants et du groupe Progrès et démocratie moderne ).

À lire également