Intervention de M. Petit

M. Jean-Claude Petit , député

Monsieur le ministre d’Etat, je suis persuadé, comme tous les députés de la majorité, que c’est avec la plus grande attention et le profond souci de bien faire que le Gouvernement et vous-même avez élaboré le projet de loi qui nous est soumis.

Cependant, indépendamment de l’estime que nous éprouvons pour votre travail qui – nous ne l’oublions pas – est le premier dans le genre, il nous appartient de formuler certaines critiques dans l’espoir de contribuer à l’amélioration du projet de loi qui, tel quel, est loin de nous donner entière satisfaction.

Je voudrais d’abord soulever une objection de procédure relative au règlement de notre Assemblée.

La semaine dernière, alors que je comptais déjà intervenir dans ce débat et que j’étais soucieux de le faire dans des conditions optimales d’information, j’appris qu’il n’était pas possible à un député ne faisant pas partie de la commission de la défense nationale d’assister, même en qualité d’auditeur, aux réunions de cette commission. Je le regrette d’autant plus que le dépôt du rapport de cette commission a été très tardif. Le premier tome est sorti ce jour peu avant midi et le second ensuite.

Je ne suis pas un stakhanoviste de la lecture, monsieur le ministre d’Etat. Mais comment jouer sans connaître la valeur des cartes, à moins que ce ne soit au poker ?

J’appelle l’attention de M. le président de l’Assemblée sur la nécessité de modifier le règlement, pour autoriser les orateurs inscrits dans un débat à assister aux réunions des commissions, surtout quand tout permet de supposer que le rapport ne sera publié que in extremis.

Malgré l’insuffisance notoire de l’information sur les travaux de nos collègues, j’ai suffisamment étudié la question pour dégager la doléance principale des militaires : c’est leur souci de voir augmenter le prestige et la considération que leur doit la nation. Les militaires comptent à juste titre sur le Parlement pour qu’il en soit ainsi. Car ils doivent pouvoir être fiers de porter l’uniforme.

Je demandais, la semaine dernière, à un de mes concitoyens la raison pour laquelle, dans les années 40, il s’était engagé dans l’armée. Il me répondit : « Outre la vocation, nous étions alors considérés par notre famille, par nos amis. Et même dans les réunions de jeunes, dans les bals par exemple, il n’était point de vrais succès sans l’uniforme. Aujourd’hui, mon fils, également militaire, prend grand soin de revêtir la tenue civile avant de se rendre au bal « .

M. Pierre Herman . Il a tort!

M. Jean-Claude Petit . C’est une petite anecdote dont la profondeur, cependant, m’a frappé et je pense que l’Assemblée nationale en a parfaitement conscience.

Voilà pourquoi, entre autres arguments, je m’associe à ceux de mes collègues qui souhaitent que les garanties fondamentales de la fonction militaire ressortissent essentiellement au législatif. C’est le fond de notre débat : la délimitation, en l’occurrence, entre les domaines législatif et réglementaire.

Si, comme vous, monsieur le ministre d’Etat, je juge inadmissible de mêler le syndicalisme à l’armée, je crois, en revanche, qu’une meilleure liaison organique, définie statutairement par la voie législative, devrait être instaurée entre les militaires en activité et les militaires retraités. Ces militaires retraités ont été et seront défendus par mes collègues au cours de la discussion générale et des articles. Je m’associe notamment à ce qu’ont dit et pourront dire mes amis républicains indépendants et je voudrais appeler spécialement votre attention sur les retraités de la marine et surtout sur les soucis que n’ont cessé de m’exprimer les officiers mariniers en retraite.

Ils ont raison de souligner les difficultés particulières de leur formation ; il faut de cinq à dix ans pour former un marin spécialisé ; servir dans l’aéronavale et dans les sous-marins demande beaucoup de qualités et de courage ; et même pour les marins embarqués sur des unités de type classique, les données du monde moderne, l’accélération du rythme des rotations rendent, bien souvent, la vie de famille plus aléatoire que dans le passé.

Ces servitudes spéciales justifient des avantages appréciables. Les indemnités ne suffisent pas en elles-mêmes, compte tenu de la manière souvent indélébile dont le service a marqué le corps et l’âme des marins, et des incidences corrélatives sur la vie de leurs épouses et l’éducation de leurs enfants.

Hormis les indemnités couvrant des frais matériels réels, toutes les autres devraient entrer en ligne de compte dans le calcul des pensions, étant bien entendu qu’à chaque type de risque correspondrait une augmentation de la retraite. Dans le calcul de celle-ci, les coefficients, fonction de la hiérarchie des servitudes, pourraient être déterminés par décret, après consultation du conseil supérieur de la fonction militaire.

Je croîs que si nous sommes tous d’accord pour admettre que les servitudes militaires doivent entraîner des avantages matériels, les marins méritent de bénéficier à cet égard, et jusque dans la retraite d’une sollicitude de l’Etat qui, en temps de paix comme en temps de guerre corresponde à la difficulté de leur tâche et soit mieux proportionnée à l’importance notoire spécifique et reconnue, de leurs sujétions.

C’est la raison pour laquelle, à défaut de la connaissance exclusive du rapport de la commission, j’attends la suite de la discussion pour me prononcer sur le projet que présente le Gouvernement.

Je souhaite que par le biais des amendements qui pourraient être acceptés par le Gouvernement, aux articles 3 et 9 en particulier, son désir de bien faire puisse mieux coïncider avec le souci d’équité, non moins légitime, que les députés expriment à la tribune.

Seule l’osmose des pouvoirs exécutif et législatif assure la qualité des lois. ( Applaudissements sur les bancs du groupe des républicains indépendants et de l’union des démocrates pour la République ).

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