Texte de la question
M. Patrick Hetzel attire l’attention de M. le ministre des armées sur une inégalité de traitement entre les fonctionnaires civils et militaires. Les militaires servent loyalement la France et s’engagent à protéger leurs concitoyens avec dévouement et abnégation. Leur engagement mérite le respect et la reconnaissance. Cependant, la reconnaissance du mérite de ces militaires ne se traduit pas dans les textes de lois. En cas d’accidents de service ou de maladies imputables au service, l’indemnisation des militaires est trois fois inférieure à celle des fonctionnaires civils. Une telle différence d’indemnisation peut être perçue comme un manque de reconnaissance et d’appréciation pour leur engagement et leurs sacrifices. Alors qu’il existe 1 000 statuts différents dans les fonctions publiques, tous les fonctionnaires bénéficient des mêmes droits en matière d’indemnisation des accidents de service, sauf les militaires. Les indemnisations d’invalidité des fonctionnaires civils sont prévues par les articles L. 27 à L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite tandis que ce sont les articles L. 34 à L. 37 qui régissent les indemnisations d’invalidité des militaires. Aussi, pour éviter de faire perdurer cette injustice entre les fonctionnaires civils et les militaires, il lui demande s’il prévoit d’aligner le traitement des indemnisations versées en cas d’accidents de service.
Texte de la réponse
Contrairement à un agent civil qui est couvert par le régime de l’allocation temporaire d’invalidité, le militaire bénéficie, dans le cadre d’une maladie imputable au service, d’une pension militaire d’invalidité (PMI). La PMI est définie et encadrée dans le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG). La PMI est une garantie statutaire dont bénéficient, en application de l’article L. 4123-2 du code de la défense, les militaires dans le cadre de l’obligation qui incombe à l’État de les garantir contre les risques qu’ils courent dans l’exercice de leur mission. Il s’agit d’un régime de réparation spécifique, de nature forfaitaire, et le plus souvent viager, correspondant à l’expression du devoir de réparation et de reconnaissance de la Nation. Il s’applique sans distinction aux maladies dont le lien au service est établi comme aux blessures de toute nature. La PMI indemnise « l’ensemble des troubles fonctionnels » (la gêne fonctionnelle) et « l’atteinte à l’état général » du militaire. La jurisprudence administrative a précisé que la PMI indemnise également, d’une part, les préjudices économiques (pertes de revenus et incidence professionnelle de l’incapacité physique) et, d’autre part, le déficit fonctionnel (ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence personnelles, familiales et sociales). Lorsque la PMI est assortie de la majoration pour tierce personne, elle a également pour objet la prise en charge des frais afférents à l’assistance par une tierce personne. L’octroi d’une PMI ouvre enfin droit à des soins et appareillages correspondant aux infirmités pensionnées, gérés par la caisse nationale militaire de sécurité sociale, ainsi qu’à divers droits annexes comme par exemple les emplois réservés dans la fonction publique. Le militaire et ses ayants cause bénéficient également, comme les fonctionnaires, du droit à une indemnisation complémentaire dont le régime découle d’une décision du Conseil d’État du 1er juillet 2005 (jurisprudence BRUGNOT). Il vise à réparer, même en l’absence de faute de l’État, les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux certains, nés de l’accident ou de la maladie reconnue imputable au service et non réparés par la PMI : souffrances physiques et morales endurées avant consolidation, préjudice esthétique, préjudice d’agrément, préjudice d’établissement, préjudice sexuel notamment. Cette indemnisation peut bénéficier au militaire, qu’il perçoive ou non une PMI. Les ayants cause d’un militaire décédé peuvent également demander l’indemnisation de leur préjudice moral. Les taux d’invalidité sont définis par les guides-barèmes des invalidités en annexe 2 de la partie réglementaire du CPMIVG et ne correspondent pas aux taux d’incapacité permanente du régime de droit commun. D’une manière générale, les guides-barèmes sont plus favorables aux militaires. Par exemple, lorsqu’un militaire présente de multiples infirmités dont l’une entraîne une invalidité pensionnée à 100 %, les infirmités secondaires sont prises en compte sous la forme de degrés par tranche de 10 % d’invalidité supplémentaire. Chaque degré se transforme pécuniairement en 16 points d’indice de PMI supplémentaires qui complèteront la pension principale. La PMI a également l’avantage sur l’assurance maladie d’être imprescriptible alors que cette dernière oppose un délai de forclusion de quatre ans. En outre, si la PMI a été concédée au grade de soldat (lorsque le militaire a été admis à rester en service), celle-ci devra faire l’objet d’une révision au taux correspondant au grade détenu lors de la radiation. Cette PMI est réévaluée automatiquement en fonction de l’augmentation de l’indice de traitement brut (grille indiciaire de la fonction publique – ITB-GI). En conclusion, le droit à réparation servi aux militaires comprend deux dispositifs distincts et complémentaires : la PMI et l’indemnisation complémentaire versée aux militaires victimes d’accidents de service sur le fondement de la jurisprudence du Conseil d’État. Ces dispositifs ne peuvent être comparés stricto sensu avec le régime de droit commun de l’assurance maladie, tant ils sont de conception et de garanties différentes. On rappellera à cet égard que la demande le PMI est imprescriptible, disposition qui n’apparaît dans aucun autre régime de protection des risques santé liés au travail. Dans le cadre du projet de loi de programmation militaire actuellement discuté au Parlement, le ministère des armées propose d’élargir et compléter le dispositif de réparation en vigueur pour mieux prendre en compte les préjudices subis par les militaires participant à des engagements opérationnels.