Principaux objectifs de défense de la condition militaire

1. Maintien du statut général des
militaires.

Le statut général des militaires doit pour l’essentiel
être maintenu. Il est l’une des conditions de la
disponibilité de la cohésion et de l’efficacité des
forces. Il doit toutefois être amendé pour permettre une
représentation adaptée, mais autonome des
intérêts professionnels des militaires.

En effet, l’histoire récente montre que les gouvernements, la
classe politique et l’opinion publique sont le plus souvent sourds ou
indifférents aux attentes d’un corps empêché par la
loi d’exprimer ouvertement son exigence d’un juste traitement.

La persistance d’un tel anachronisme constitue une grave atteinte
à la cohésion et un handicap pour le recrutement.

2. Alignement de la rétribution des services militaires
sur les normes civiles.

L’acceptation d’un statut professionnel largement dérogatoire au
droit commun implique que la durée exceptionnelle du travail et
des astreintes, la pénibilité et les risques encourus, la
mobilité et la disponibilité soient rétribués
au prix qui serait légalement exigé par des agents civils.

A ce titre, le temps de travail d’une semaine de service continu en
campagne ou à la mer doit être décompté pour
168 heures de travail ou d’astreinte (disponibilité
immédiate).

Ce simplisme paraît de prime abord excessif et irréaliste ;
mais il faut bien admettre qu’une nation ayant quasi unanimement
approuvé la suppression du service national jugé trop
contraignant pour ses enfants ne saurait logiquement tolérer un
traitement discriminatoire de ses militaires professionnels. Certes cet
objectif n’est sans doute pas près d’être atteint ; mais il
est probable que peu ou pas de responsables politiques oseront
publiquement en contester le bien fondé, aussi longtemps au moins
que l’insécurité demeurera l’une des préoccupation
majeure dans l’opinion publique. Cela légitime la constance de la
revendication.

La rétribution des services militaires selon les normes civiles
peut évidemment s’effectuer de diverses manières :

en salaires, indemnités ou congés supplémentaires,
en majoration de durée de service pour la retraite ou le calcul
du pécule pour départ anticipé.

Tout doit être chiffré individuellement selon la
durée et la nature des services.

3. Déroulement de carrière et retraite.

Les conditions de déroulement de carrière doivent
être clairement définies pour chaque statut particulier.
Mais surtout les directives annuelles de gestion du personnel doivent
être diffusées sans aucune restriction.

Les classements proposés pour l’avancement doivent être
communiqués par chaque fusionneur à l’ensemble des
personnels concernés de leur ressort.

Il ne doit pas être fait mention du recrutement d’origine dans la
notation, l’avancement, les candidatures aux examens et concours et la
publication des annuaires. Cette disposition est déjà en
vigueur dans la quasi totalité des armées de l’UNION et
bien sûr dans la fonction publique de l’Etat.

Le bénéfice d’une possibilité de départ
anticipé (avant limite d’age) avec jouissance immédiate de
la retraite doit être maintenu comme compensation du statut
professionnel largement dérogatoire au droit commun.

4. Exigence d’adéquation des moyens aux missions.

Hors des engagements opérationnels des forces armées
(guerre, maintien de la paix ou maintien de l’ordre), l’emploi des
militaires doit répondre aux principes généraux du
droit du travail tels qu’ils sont définis par la loi.

Aucune activité ne peut en conséquence être
organisée à l’initiative du Commandement si les
crédits nécessaires à la rétribution des
services et au paiement des indemnités afférentes n’ont pas
été inscrits au budget. Il en est de même pour tout
ce qui concerne la disponibilité des matériels,
équipements et soutiens logistiques indispensables à
l’exécution convenable de la mission.

L’usage largement répandu qui veut que l’on exécute «
malgré tout » des activités d’instruction, de
représentation ou autres, en dépit d’une insuffisance de
moyens qui leur sont affectés est certes la marque très
estimable du dévouement au service. Elle constitue en fait pour
les décideurs politiques une justification et même une
incitation à minorer l’évaluation des besoins et à
réduire les crédits. L’expérience des quinze
dernières années est clairement probante.

5. Compensation à la précarité de
l’emploi.

Une part croissante et largement majoritaire des militaires est
employée sous contrat à durée
déterminée. Cette précarité n’a que
très peu d’équivalent dans la fonction publique de l’Etat.

Elle doit être compensés par des mesures favorisant le
RECLASSEMENT dans un nombre suffisant d’emplois dans la fonction publique
(Etat, collectivités locales, hôpitaux) pour tous les
personnels qui en ont l’aptitude selon les normes de sélection
adaptées aux expériences professionnelles des militaires.

Cette compensation peut être, au choix, constituée par une
aide renforcée et prolongée à la reconversion.
Là encore, il serait inadmissible que l’employeur accorde aux
militaires des aides de reclassement inférieures à celles
consenties aux agents civils de l’Etat. La corporation doit être
vigilante sur ce point pour dénoncer publiquement tout
écart de traitement défavorable aux militaires.

Une part croissante des personnels contractuels doit avoir accès
à une retraite à jouissance immédiate par
abaissement de la limite minimale d’ancienneté de service. Lorsque
cela n’est pas possible, les services militaires doivent être pris
en compte par les caisses de retraire ; l’Etat abondant en
conséquence.

6. Communication avec la classe politique et l’opinion
publique.

La communication institutionnelle orientée par les instances
gouvernementales (DICOD et réseaux des SIRPA d’armées)
présente la situation des armées et de la défense en
général sous son jour le plus favorable. C’est la
règle admise, comme dans les directions de la Communication des
entreprises.

Il ne peut en être de même pour la représentation
directe ou indirecte des militaires, notamment par les associations.
Celles-ci doivent s’interdire toute complaisance pour les
évaluations gouvernementales ou institutionnelles. Il est au
contraire nécessaire de souligner les faiblesses et les
incohérences de la condition militaire et du système de
défense.

Les citoyens, contribuables et électeurs, sont naturellement
enclins à demander à leurs élus que la prime
d’assurance sur les risques extérieurs soit aussi mince que
possible pour une couverture aussi large que possible. Ils ne demandent
qu’à être convaincus de ce meilleur rapport
qualité-prix. La représentation nationale convient
généralement, toutes tendances confondues, de ne pas les
inquiéter sur ce point.

C’est pourquoi les associations ont là un devoir d’inconvenance en
montrant les limites des capacités de défense en terme de
cohésion, de disponibilité et de
compétitivité du dispositif. Or, il faut bien admettre que
tant par fidélité à l’institution que par souci de
promouvoir l’esprit de défense, beaucoup d’anciens militaires ont
souvent tendance à épouser les thèses officielles
pour présenter au public les réalités de nos
armées sous le jour le plus favorable. Déjà avant
1939, il était de bon ton de déclarer à l’unisson :
« nous vaincrons par ce que nous les plus forts ! »
L’autosuggestion n’a pas été suffisante. Il faut donc dire
au public ce qu’il ne veut pas entendre, le dire avec insistance, en y
mettant les formes bien sûr !

7. Représentation des intérêts professionnels
des militaires.

La liberté d’expression des militaires dans la défense de
leurs intérêts professionnels doit pouvoir s’exercer
directement ou indirectement, sans risque pour le déroulement de
leur carrière, c’est à dire hors de tout contrôle et
de toute influence de la hiérarchie.

Une solution respectueuse du statut général des militaires
pourrait être recherchée dans une organisation de type
corporatiste à partir des associations de militaires et d’anciens
militaires.

Une telle organisation ne peut avoir les moyens de son
indépendance de jugement d’expression et d’action au
bénéfice de la condition militaire que si le statut
général des militaires est modifié dans son article
10 pour « permettre l’adhésion des militaires en
activité aux associations existantes ». Le droit de
grève et de manifestation de militaires en uniforme doit demeurer
exclu de ces nouvelles dispositions.

Il importe, comme pour tous les autres secteurs d’activité d’une
société démocratique, d’être en mesure, si
besoin, de faire pression sur la classe politique et l’opinion publique
(médias) et par là sur la décision politique.

Il apparaît désormais à une large majorité des
militaires que le dispositif de concertation dans les armées n’est
plus apte à répondre seul aux attentes d’une profession
profondément renouvelée et transformée. Cette
profession militaire est fortement exposée aux pressions de
l’évolution ambiante dont les effets ne sont pas encore pleinement
appréhendés : intégration progressive dans les
armées de l’UNION, nouvelles conditions d’emploi, nouvelles normes
de la société civile, coopération accrue avec le
personnel civil de la défense, etc.

Dans ces conditions, une seule alternative paraît incontournable :

soit la constitution progressive d’une organisation corporatiste
autonome de défense des intérêts professionnels.
Initialement très confédérale, cette organisation
devrait être de plus en plus centralisée,
Soit l’extension aux militaires du droit commun syndical (comportant
notamment la possibilité du choix individuel du syndicat : CFDT,
CGT, FO, etc.).

En l’absence de réelle solution alternative, cette
généralisation du droit commun devrait
inéluctablement s’imposer à moyen terme, comme c’est
déjà le cas dans d’autres armées de l’UNION.

L’hostilité des syndicats et des courants politiques qui leur sont
les plus proches à la solution corporatiste est bien connue. Les
uns et les autres ont sans doute intérêts à attendre
que le « mûrissement » (voire le « pourrissement
» pour certains) des esprits soit assez avancé pour que, le
moment venu, la généralisation du droit commun syndical
puisse s’imposer le plus naturellement du monde aux armées.

Dans ce contexte, nous observons qu’en s’opposant par principe à
toute modification du statu quo depuis de nombreuses années, les
éléments les plus traditionalistes de la communauté
militaire se font, certes bien involontairement, les alliés
objectifs et combien précieux des syndicats. Situant leur combat
retardateur au seul niveau de l’éthique, ils contribuent dans les
faits à une disqualification insidieuse et peut être
irréversible des recours à la hiérarchie et à
d’autres représentations institutionnelles (représentant
des catégories dans les unités, CSFM, CFM d’armées
et leurs réseaux locaux ou régionaux) ou traditionnelles
(associations).

En effet, comme les « surprenantes » manifestations de
gendarmes de l’automne 2001 l’ont trop bien démontré, en
l’état actuel de la législation, ces instances ne peuvent
réussir. L’alerte a été bien transmise par tous les
échelons de la hiérarchie, elle a été
renouvelée pendant près de deux ans jusqu’aux plus hautes
instances de l’Etat. Celles-ci pleinement conscientes de la
gravité croissante du malaise social dans les armées ont
délibérément estimé qu’en l’absence de
pression suffisante sur l’opinion publique et la classe politique, la
solution pouvait être encore raisonnablement différée
pendant quelque temps.

Depuis lors, personne n’a plus l’excuse d’en douter.

* *
*

En conclusion, nul n’a intérêt à jouer la politique
du pire ; il n’en reste pas moins qu’il est un devoir pour les
responsables d’association, de tirer parti sans ménagement de
toutes les difficultés rencontrées par les autorités
politiques de la défense afin d’obtenir de légitimes
améliorations de la condition militaire.

A cet égard,

la baisse du moral des personnels et la perte de confiance qui en
résulte,
l’insuffisance qualitative et peut être quantitative du
recrutement,
l’insuffisance des crédits pour assurer une disponibilité
et une compétitivité acceptable des matériels et
des équipements,
l’insuffisance du temps consacré à l’entraînement
des unités en raison du suremploi du personnel,

sont apparemment les causes du fléchissement de l’aptitude
opérationnelle de nos forces et de la rétrogradation de
leur rang en Europe et dans le Monde.

Mais elles doivent aussi constituer les leviers de notre action
revendicative. Il faut le faire savoir.

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