Le ministre des armées,
Vu la Convention de Paris du 13 janvier 1993 sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi d’armes chimiques et sur leur destruction, s’agissant des installations relevant de la compétence du ministre de la défense, publiée par le décret n° 97-325 du 2 avril 1997 ;
Vu le règlement du Parlement européen 2016/425 relatif aux équipements de protection individuelle et abrogeant la directive 89/686/CEE du Conseil ;
Vu le code de la défense, notamment le chapitre 2 du titre IV du livre III de sa deuxième partie ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code du travail ;
Vu le décret n° 2012-422 du 29 mars 2012 modifié relatif à la santé et à la sécurité au travail au ministère de la défense ;
Vu l’arrêté du 9 août 2012 modifié fixant les modalités particulières d’organisation de la prévention des risques professionnels au ministère de la défense ;
Vu l’arrêté du 23 janvier 2013 modifié relatif aux règles de bonnes pratiques tendant à garantir la sécurité et la sûreté biologiques mentionnées à l’article R. 5139-18 du code de la santé publique ;
Vu l’arrêté du 9 octobre 2020 relatif aux fiches emploi-nuisances mises en œuvre dans les organismes du ministère de la défense et au suivi des expositions professionnelles ;
Vu l’arrêté du 19 octobre 2020 définissant les modalités du contrôle des produits chimiques des tableaux 1 et 2 annexés à la Convention de Paris du 13 janvier 1993 sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi d’armes chimiques et sur leur destruction, s’agissant des installations relevant de la compétence du ministre de la défense ;
Vu l’arrêté du 4 décembre 2020 fixant les modalités de nomination des médecins de prévention ainsi que l’organisation et les conditions de fonctionnement du service de médecine de prévention organisé au profit du personnel civil du ministère de la défense ;
Vu l’arrêté du 4 décembre 2020 fixant les modalités de nomination des médecins de prévention ainsi que l’organisation et les conditions de fonctionnement du service de médecine de prévention au profit du personnel militaire ;
Vu l’avis de la commission centrale de prévention du 30 juin 2022 ;
Vu l’avis de la commission interarmées de prévention du 4 juillet 2022,
Arrête :
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Article 1
En application de l’article 7 du décret du 29 mars 2012 susvisé, le présent arrêté fixe les dispositions particulières en matière de prévention des risques professionnels pour les installations et activités autorisées conformément à l’arrêté du 19 octobre 2020 susvisé placées sous l’autorité du ministre de la défense.
Ces dispositions s’inscrivent dans le cadre des principes généraux de prévention et des dispositions du chapitre II du titre I du livre IV de la quatrième partie du code du travail relatives à la prévention des risques d’expositions aux agents chimiques dangereux. -
Article 2
Le présent arrêté s’applique aux activités réalisées à des fins médicales, pharmaceutiques, de recherche ou de protection impliquant des produits chimiques inscrits au tableau 1 telles qu’autorisées par la Convention sur l’interdiction des armes chimiques (CIAC) susvisée et listées à l’article L. 2342-8 du code de la défense.
Au titre du présent arrêté, les produits visés au tableau 1 annexé à la Convention de Paris du 13 janvier 1993 susvisée sont appelés « produits chimiques très toxiques ».
Sont exclus du champ d’application du présent arrêté les toxines inscrites au tableau 1 susmentionné et visées par l’arrêté du 23 janvier 2013 susvisé. -
Article 3
La substitution des produits chimiques très toxiques par des produits moins dangereux est à privilégier. Lorsque la substitution n’est pas possible, l’exposition doit être réduite au niveau le plus bas possible au regard de l’objectif poursuivi.
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Article 4
L’organisation et les méthodes de travail sont définies de façon adaptée afin de réduire au niveau minimum les conditions d’exposition au regard de l’objectif poursuivi.
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Article 5
Le choix des équipements de protection collective ou individuelle prend en considération l’évolution des technologies.
Il est entendu au sens du présent arrêté par équipement de protection individuelle (EPI), un équipement conçu et fabriqué pour être porté ou tenu par une personne en vue de la protéger contre un ou plusieurs risques pour sa santé ou sa sécurité. -
Article 6
Le maintien en état de conformité des installations et équipements de travail utilisés pour ces activités est assuré de façon continue.
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Article 7
Les phases de transport qui se déroulent à l’intérieur de l’emprise et le stockage des produits chimiques très toxiques au sein d’une emprise du ministère de la défense font l’objet préalablement de procédures formalisées.
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Article 8
Le chef d’organisme limite la présence du personnel aux effectifs strictement indispensables à la réalisation des activités mentionnées à l’article 1er.
Le chef d’organisme détermine les modalités d’accès au lieux de stockage conformément à l’évaluation des risques de toutes les activités impliquant des produits chimiques très toxiques.
Le chef d’organisme recherche le niveau le plus élevé de protection du personnel placé sous son autorité permis par la technique et par l’organisation, pour empêcher toute contamination ou intoxication et prévenir le développement ultérieur de maladie.
Lorsque les activités visées par le présent arrêté se déroulent sur des installations ne relevant pas de son autorité, le chef d’organisme prend en compte l’ensemble des mesures de prévention découlant de l’évaluation des risques (intrinsèques à l’activité et liés à la co-activité) validées conjointement avec le chef de l’organisme titulaire de l’autorisation d’installation. -
Article 9
Le chef d’organisme procède à l’évaluation des risques préalablement à toute activité en prenant si nécessaire en compte les facteurs météorologiques et le cas échéant les données communiquées par le titulaire de l’autorisation d’activité de l’installation. L’évaluation des risques doit également prendre en compte les activités de maintenance des équipements et installations.
Il établit des fiches détaillant les procédures et méthodes de travail correspondant à chaque activité, en complément du dossier d’autorisation fixé par l’arrêté du 19 octobre 2020.
Le chef d’organisme prend en compte les prescriptions spéciales définies par l’inspection de l’armement chargée de la sécurité biologique et chimique (ISBC) en application de l’article 14 de l’arrêté du 19 octobre 2020 susvisé.
Pour chaque opération, le chef d’organisme s’assure du respect des dispositions encadrant les activités visées par le présent arrêté. -
Article 10
Le chef d’organisme dans le cadre des mesures de prévention :
– limite les quantités de produits chimiques très toxiques présentes sur le lieu de travail pour le type de travail concerné ;
– limite et protège le nombre d’agents intervenant en ambiance toxique ou susceptibles d’intervenir en ambiance toxique ;
– formalise préalablement des consignes de sécurité applicables aux activités mettant en œuvre des produits chimiques très toxiques notamment par le biais des processus de travail et des mesures techniques permettant d’éviter ou de minimiser la dispersion lors du stockage, de la manipulation ou du transport interne ;
– maitrise les émissions de produits chimiques très toxiques dans les locaux à pollution spécifiques conformément aux dispositions des articles R. 4222-12 et R. 4222-13 du code du travail ;
– prend les mesures d’ambiance en temps réel pour évaluer la réalité des expositions en situations normales et dégradées. Si les équipements de mesures ne sont pas suffisamment sensibles, il fait réaliser des modélisations et des prélèvements d’ambiance pour analyse différée ;
– formalise les mesures d’hygiène, notamment la décontamination régulière des sols, murs et autres surfaces susceptibles d’avoir été contaminés ;
– forme le personnel appelé à mener des activités impliquant les produits concernés par le présent arrêté ;
– valide l’habilitation et l’aptitude du personnel selon le type d’activité réalisée ;
– délimite les zones à risque et procède le cas échéant à la mise œuvre de signaux d’avertissement et de sécurité, dans les zones où le personnel est exposé ou susceptible de l’être. Cette délimitation est établie en liaison avec le chef d’emprise afin de limiter l’accès au seul personnel autorisé à y pénétrer ;
– formalise les procédures de collecte, stockage et évacuation des déchets. -
Article 11
Le chef d’organisme, en liaison avec le titulaire de l’autorisation d’activité de l’installation, reporte, au regard des contenants et des limites techniques, un étiquetage, fixé par instruction ministérielle, par tout moyen approprié sur les récipients de reconditionnement contenant les produits visés par le présent arrêté.
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Article 12
Le chef d’organisme, en collaboration avec le service de santé des armées, et, le cas échéant, avec le titulaire de l’autorisation d’activité de l’installation, définit et met en place :
– la procédure et les consignes relatives aux éventuelles situations accidentelles ;
– une formalisation :
– des dispositifs en matière de soutien médical ;
– des modalités d’intervention et de protection des équipes médicales et des secours d’urgence ;
– des contre-mesures médicales. -
Article 13
Le chef d’organisme organise périodiquement des exercices pour s’assurer de la maitrise des consignes, des procédures de sécurité ainsi que de la gestion des situations dégradées, accidentelles et d’urgence.
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Article 14
Le chef d’organisme conserve dans un ensemble documentaire les éléments démontrant le respect des exigences résultant des dispositions fixées pour la réalisation des activités visées par le présent arrêté.
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Article 15
Les valeurs limites d’exposition professionnelle, valeurs toxicologiques de référence et valeurs guides pour l’évaluation des risques des produits chimiques très toxiques, en situation normale et en cas de situations dégradées sont fixées par instruction ministérielle élaborée par l’ISBC en lien avec les experts du ministère de la défense.
Ces valeurs sont complétées par les prescriptions spéciales définies par l’ISBC en application de l’article 14 de l’arrêté du 19 octobre 2020 susvisé.
En l’absence de données scientifiques permettant d’établir ces valeurs de référence, l’ISBC détermine avec les experts du ministère de la défense les mesures de prévention à respecter lors de l’emploi de ces produits. -
Article 16
Le chef d’organisme veille à ce que l’activité soit réalisée dans le cadre des valeurs et prescriptions spéciales définies à l’article 15.
Il assure la traçabilité des expositions du personnel relevant de son autorité aux produits chimiques très toxiques.
Le chef d’organisme s’assure du recueil des données d’exposition et rédige une fiche individuelle de suivi des expositions pour le personnel relevant de son autorité travaillant dans une ambiance toxique caractérisée. -
Article 17
Les niveaux de contamination des ambiances de travail sont déterminés par des mesures ou des modélisations comme prévu à l’article 10. Sur cette base, le chef d’organisme ou le titulaire de l’autorisation d’activité de l’installation détermine au regard des moyens de protection mis en œuvre les niveaux d’exposition du personnel.
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Article 18
Le chef d’organisme met en place la meilleure protection existante pour le personnel relevant de son autorité, par des :
– moyens de protection collective et individuelle, y compris ceux conçus spécifiquement pour les forces armées ;
– mesures de prémédication, le cas échéant.Le chef d’organisme qui organise l’activité veille, préalablement au démarrage de cette dernière, à ce que les chefs d’organisme du personnel assurant le soutien de l’activité et les secours mettent en œuvre les moyens nécessaires à leur protection.
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Article 19
Le service de santé des armées émet des recommandations visant à prévenir les effets létaux de certains produits chimiques très toxiques, notamment la prémédication et les contre-mesures d’urgence.
Sur la base de ces recommandations, et au regard de l’évaluation des risques de l’activité établie le cas échéant avec le titulaire de l’autorisation d’activité de l’installation, le chef d’organisme fixe les mesures spéciales de protection, notamment la prémédication, en lien avec le médecin en charge de la médecine de prévention. -
Article 20
Le chef d’organisme tient à jour un inventaire des produits chimiques très toxiques pour chaque lieu de stockage. Il fixe les modalités d’accès au lieu de stockage dans les conditions prévues à l’article 8 et les modalités d’organisation du travail.
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Article 21
Le chef d’organisme fixe les modalités d’utilisation des équipements de protection collective. Il s’assure de leur maintien en conformité au regard de leurs règles de conception, de la règlementation et des prescriptions visées à l’article 9 du présent arrêté. Il porte ces modalités à la connaissance du personnel concerné.
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Article 22
Le chef d’organisme détermine les moyens de protection individuelle en s’assurant de l’adéquation de leur performance aux activités réalisées et les met à disposition du personnel concerné relevant de son autorité.
Ces moyens de protection sont :– les équipements de protection individuelle conformes aux articles R. 4311-8 à R. 4311-13 et R. 4312-6 du code du travail ;
– les équipements spécifiquement conçus pour les forces armées qui font l’objet d’une qualification par la direction générale de l’armement et d’une mise en service opérationnelle par les états-majors, directions et services. -
Article 23
Afin de garantir une performance de la protection individuelle, le chef d’organisme s’assure que les moyens de protection individuelle, particulièrement les appareils de protection respiratoire, font préalablement l’objet d’essais, d’ajustements à la morphologie de l’utilisateur, d’une information et d’une formation à leur utilisation.
Le chef d’organisme respecte la périodicité et la nature des vérifications périodiques des moyens de protection individuelle selon la règlementation, les données fournies par le fabricant ou les prescriptions spéciales de l’ISBC.
A défaut, il fixe la périodicité des vérifications.
L’emploi des équipements de protection individuelle est conforme aux dispositions prévues par le chapitre III du titre II du livre III de la quatrième partie du code du travail « Mesures d’organisation et conditions d’utilisation des équipements de travail et des équipements de protection individuelle » à l’exception de ses articles R. 4323-92, R. 4323-94, et R. 4323-99. -
Article 24
La formation à l’utilisation des moyens de protection individuelle est dispensée et renouvelée aussi souvent que nécessaire et comporte les points suivants :
– les risques contre lesquels cet équipement protège ;
– l’entrainement au port de l’équipement ;
– les conditions d’utilisation des équipements notamment les usages auxquels ils sont réservés ;
– les instructions ou consignes concernant ces équipements, leurs conditions de mise à disposition et d’utilisation ;
– les conditions d’entretien et de stockage. -
Article 25
Le chef d’organisme organise au bénéfice du personnel relevant de son autorité une formation comprenant :
– les consignes de sécurité ;
– les précautions à prendre pour éviter l’exposition ;
– l’utilisation des moyens de protection collective ou individuelle, de moyens de décontamination ainsi que des contre-mesures d’urgence ;
– les mesures à prendre pour prévenir ou pallier les incidents ;
– la procédure à suivre en cas d’accident.Elle est renouvelée périodiquement et adaptée à l’évolution des activités.
Le chef d’organisme s’assure préalablement de l’aptitude médicale et de la qualification nécessaire du personnel appelé à suivre cette formation. -
Article 26
Le chef d’organisme assure une traçabilité des formations dispensées.
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Article 27
Le chef d’organisme transmet au médecin en charge de la médecine de prévention la fiche d’emploi-nuisances et la fiche d’exposition mentionnée à l’article 16 du présent arrêté. Ces documents sont insérés au dossier médical du personnel concerné.
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Article 28
Le chef d’organisme transmet au service gestionnaire du personnel concerné la fiche d’emploi-nuisances et la fiche d’exposition mentionnée à l’article 16 du présent arrêté. Ces documents sont insérés au dossier administratif.
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Article 29
Lorsque l’évaluation des risques professionnels telle que visée à l’article 9 conclu à un risque d’exposition aux produits visés par le présent arrêté, un suivi individuel renforcé tel que prévu aux arrêtés du 4 décembre 2020 susvisés est organisé pour le personnel concerné.
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Article 30
Le chef d’organisme s’assure que le personnel participant aux activités mettant en œuvre des produits chimiques très toxiques est à jour de sa visite médicale périodique et n’a pas de contre-indication médicale ni aux activités visées par le présent arrêté ni au port des équipements de protection.
Il sensibilise le personnel féminin sur la nécessité d’informer au plus tôt le médecin en charge de la médecine de prévention d’un projet de grossesse, d’un état de grossesse ou d’une situation d’allaitement, afin que ce dernier puisse recommander au chef d’organisme les mesures nécessaires pour protéger la santé et la sécurité du personnel féminin.
Le médecin en charge de la médecine de prévention peut prescrire des examens complémentaires. En cas de refus de s’y soumettre, le personnel concerné ne peut pas participer aux activités visées par le présent arrêté. -
Article 31
Le chef d’organisme délivre au personnel placé sous son autorité une habilitation autorisant la réalisation des activités visées par le présent arrêté.
Cette habilitation est conditionnée aux prérequis mentionnés à l’article 25 :– l’aptitude médicale du personnel ;
– le suivi d’une formation ;
– la qualification du personnel. -
Article 32
Le chef d’organisme consulte la ou les instances de concertation compétentes sur l’ensemble des documents qu’il envisage d’adopter en matière de santé et sécurité au travail en application du présent arrêté.
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Article 33
Le titulaire de l’autorisation d’activité de l’installation, informe le chef d’emprise de la tenue de chaque activité objet du présent arrêté.
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Article 34
Tout agent qui refuse de mettre en œuvre les mesures individuelles ou collectives arrêtées par le chef d’organisme en application du présent arrêté ne peut pas participer aux activités visées.
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Article 35
Le chef d’organisme informe l’ISBC de tout incident ou accident relatif aux activités prévues par le présent arrêté.
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Article 36
Sans préjudice des prérogatives du contrôle général des armées (CGA), l’ISBC procède à des inspections visant à s’assurer de l’application des dispositions prévues par le présent arrêté. Elle peut dans le cadre de ces inspections formuler des recommandations et des prescriptions.
Le chef d’organisme informe l’ISBC des suites données aux observations formulées par ce dernier. -
Article 37
Les chefs d’état-major, le délégué général pour l’armement, la secrétaire générale pour l’administration, le chef du contrôle général des armées, les directeurs et chefs de services relevant directement du ministre et les directeurs relevant directement du chef d’état-major des armées sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait le 15 septembre 2022.
Sébastien Lecornu
Source : JORF n°0221 du 23 septembre 2022
Texte n° 13