Un fort taux de cholestérol …au Service de Santé des Armées. (Renaud Marie de Brassac)

La Cour des Comptes a conduit des investigations menées de septembre 2008 à juin 2009 auprès du Service de santé des Armées. Un rapport définitif, assorti de recommandations a été finalisé après études des observations produites par le Service. (1)

Le bilan de santé du Service n’est pas brillant. Il accuse un fort taux de cholestérol qui va nécessiter un régime drastique.

Dans un article du 8 avril dernier, Le Monde en avait rendu compte synthétiquement..Le site du Quotidien du médecin en avait également parlé le 15 avril. L’Adefdromil est en mesure de détailler un peu plus cette situation à partir des réponses fournies par le SSA aux demandes de la Cour.

Une surcapacité hospitalière.

Le SSA dispose de  9 hôpitaux interarmées (HIA), correspondant au contrat opérationnel qui impose d’avoir des équipes chirurgicales fixes et projetables en nombre suffisant. La Cour des comptes constate une surcapacité hospitalière attestée par un faible taux global d’occupation des HIA à 52%.

Réponse du Service de santé.

La capacité déclarée est effectivement trop importante. Elle est attestée par un taux d’occupation insuffisant des lits des hôpitaux. Une réévaluation de cette capacité, actuellement de 3200 lits, théorique temps de crise, à 2720, capacité hospitalière réelle offerte, apparaît plus adaptée au contexte stratégique actuel.

Le taux d’occupation hospitalier de 52% est nettement inférieur au taux hospitalier civil.

Mais, le nombre de personnel paramédical, notamment les aides soignants, est insuffisant pour assurer la sécurité des soins au patient selon les critères des hôpitaux publics. La fermeture des lits en est la conséquence, ce qui explique la diminution de la capacité réelle, donc le taux d’occupation par rapport aux lits théoriques.

La Sous-direction des ressources humaines est donc sollicitée pour mieux recruter, afin que le Service de Santé satisfasse à terme aux exigences du schéma national de l’offre de soins (SNOS pour les initiés).

Une sous activité médicale.

Les HIA figurent dans les 10% des centres hospitaliers les moins performants en termes de recettes d’activité par ETP (Equivalent Temps Plein) médical.

Le taux d’occupation des HIA est faible et l’activité hospitalière ou de consultation des médecins et chirurgiens est insuffisante comme l’atteste les ratios d’activité en séjours et de productivité par médecin.

L’activité des blocs opératoires est inférieure à celle des centres hospitaliers.

L’organisation des services de chirurgie ne permet pas d’absorber convenablement les départs en OPEX.

Il existe une sous exploitation du parc d’imagerie médicale.

Un rééquilibrage des emplois entre soignants hospitaliers (57% du total des personnels) et administratifs doit constituer une priorité pour optimiser la masse salariale et développer l’activité soignante à effectifs constants.

Réponse du Service de Santé.

La sous activité médicale apparait comme réelle par comparaison à l’activité médicale de structures hospitalières équivalentes. La productivité par médecins est jugée insuffisante (consultations, production de séjours, activités opératoires…).

Toutefois la moindre productivité des médecins est en partie expliquée par le déficit en personnel paramédical, qui conduit à réduire les lits, pour le respect de la sécurité des patients De même, le passage au système nouveau de tarification à l’activité (T2A) ne s’est fait au niveau des HIA qu’en 2009. Les résultats en recettes ne sont pas strictement comparables aux établissements publics déjà en T2A et la valorisation des majorations pour études et recherches (MERRI) n’était pas la même. Une évaluation récente réalisée sur la production médicale de 2009 placerait le SSA dans les 30% des CHR (Centres Hospitaliers régionaux) pour cette première année.

La typologie d’activité axée à 86% pour les HIA sur l’activité Médecine Chirurgie Obstétrique (MCO), est différente de l’activité des établissements publics, où elle ne représente que 56%  de l’activité.

La participation au contrat opérationnel explique en partie cette sous-activité, mais surtout induit un manque à gagner qui est actuellement valorisé insuffisamment.

Le SSA estime donc  que « les profils de soins permettent aux équipes médicales et paramédicales le maintien des compétences et le développement d’une culture « qualité » et de formation qui est reconnue par les tutelles civiles et la Haute Autorité de Santé et attestée par la certification et les agréments universitaires de nos hôpitaux.

Un déficit d’exploitation majeur.

La sous-activité médicale et l’insuffisance de valorisation, de toutes les activités régaliennes, dont les OPEX et celles réalisées au profit du service public expliquent en partie un déficit hors normes de 309.9M€.

La structure des charges hospitalières ne suffit pas à expliquer ce déficit.

Réponse du SSA.

Le déficit global des HIA est évalué à 309,9M€. Toutes les prestations « Défense » sont reconnues comme étant mal identifiées et mal valorisées. Elles conduisent à une sous évaluation des recettes (préparation du temps de crise, activité de recherche, enseignement, formation…).

Toutefois, les HIA sont des organismes du ministère de la défense et n’ont, à ce titre, pas les mêmes contraintes que les hôpitaux publics. Ils n’ont pas la même typologie de recettes ni d’activité (MCO). La participation des personnels soignants aux OPEX ou activités régaliennes, qui constitue la mission première d’un hôpital militaire, n’est pas valorisée à sa juste valeur. Et le SSA de citer : les missions de santé publique, NRBC, CITERA (centre d’instruction aux techniques de réanimation de l’avant)., campagnes nationales de vaccination; les activités des médecins au profit des établissements civils (vacations, enseignement…) et universitaires. Cette valorisation est en cours de formalisation.

Enfin, une rationalisation des charges est engagée dans les domaines des achats, de la liquidation (sic) -on suppose qu’il s’agit des sommes à recouvrer-, et dans les procédures administratives.

+Une concertation insuffisante avec les autorités sanitaires.

Le dialogue est jugé très insuffisant avec les instances civiles avec absence de concertation sur les choix d’équipements et les modifications de l’offre de soins (SNOS) :

· au niveau national, entre la DHOS (direction des hôpitaux et de l’offre de soins), l’ARHIF (agence régionale des hôpitaux en Ile de France) et la SD HOP (Sous-direction des hôpitaux du SSA) ;

· au niveau régional, entre les HIA et les agences régionales de santé (ARS) ;

Une étude sur la déconcentration de la gestion des HIA, en créant 9 UO, doit être menée. L’amélioration de la formation en gestion hospitalière des directeurs doit également être recherchée.

Réponse du SSA.

Les relations avec les ARS et la DHOS sont perfectibles tant à un niveau central que régional. Ces relations régulières avec les instances doivent être formalisées.

La gestion hospitalière est jugée très centralisée avec un fort pouvoir décisionnel de la direction centrale limitant la marge de manoeuvre des directeurs d’hôpitaux. Toutefois, des relations locales existent déjà, concrétisées par la participation aux réunions organisées par les ARS. Sur le plan national, la décision politique du passage à la T2A, la signature d’un arrêté conjoint interministériel et l’établissement de protocoles de bon usage (PBU) et pluriannuels d’objectifs et de moyens, objectivent ces relations.

Pour des raisons de cohérence nationale, la gestion centralisée limite l’autonomie de gestion pour des HIA. Cette gestion associe les autres SD de la DCSSA et ne relève pas uniquement de l’UO HOP (unité opérationnelle des hôpitaux) à laquelle des moyens sont attribués par les Sous-directions Budget Finances et Ressources Humaines.

La formation des directeurs d’hôpitaux et de leurs adjoints est assurée par le CFMD (centre de formation au management du Ministère de la Défense, mais aussi au Centre national d’Etudes Hospitalières et à l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique de Rennes pour un médecin chef et un gestionnaire par an. Les médecins chefs de l’HIA sont entourés de personnels formés et qualifiés pour les seconder dans la gestion et le contrôle interne de leur établissement.

Des systèmes d’information hospitaliers déficients.

Les dysfonctionnements du SIH, en général, et des interfaçages déficients entre les logiciels métiers ont des conséquences techniques et financières certaines.

Les outils de comptabilité analytique ne sont pas assez performants, gênant le recueil, la fiabilité des données et leur exploitation.

Réponse du SSA.

Le SIH a manqué de fiabilité. De nombreux problèmes ont été observés lors de la mise en place d’Amadeus 2, dont une large partie est imputable à la société prestataire.

Les interfaces entre les logiciels métiers médicaux et financiers manquent de fiabilité.

Ils doivent être améliorés et des contrôles effectués. Toutefois, le passage à Amadeus 2 était impératif pour répondre aux exigences de la T2A, afin d’assurer le financement de l’activité à charge de l’assurance maladie. Après une nécessaire adaptation, la situation est actuellement devenue satisfaisante.


(1) Rapport_thématique_Medecins_et_Hopitaux_des_armees_07/10/10

Lire également:

Soutien psy : l’armée de terre consulte ( lemamouth.blogspot.com )

La cour des comptes épingle les hôpitaux militaires (Lefigaro.fr)

La Cour des comptes publie un rapport au vitriol sur le Service de santé des armées (Blog Secret défense)

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